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Chapitre 1. Revue de littérature et mise en contexte

1.6 Conflit syrien

Le conflit syrien, ayant débuté en 2011 dans le contexte du printemps arabe, a provoqué à ce jour l’exode de presque 5,6 millions de personnes vers d’autres pays et le déplacement interne de plus de 6,6 millions d’individus (UNHCR, 2018, 2020b). Il s’agit d’un conflit toujours en cours, bien que les acteurs et les positions des belligérants aient fortement varié au cours des neuf dernières années. L’Observatoire syrien pour les droits humains documente, en date de 2020, plus de 384 000 décès et estime que ce chiffre est en réalité beaucoup plus élevé, soit plus de 586 000 individus (The Syrian Observatory of Human Rights, 2020). Pour une population syrienne pré-conflit atteignant 21,3 millions d’individus, le pays ne compte plus que 17 millions de citoyens en 2019 (La Banque Mondiale, 2019c). Il s’agit donc d’une crise humanitaire d’une envergure sans précédent dans l’histoire moderne du Moyen-Orient, qui a eu des impacts majeurs à l’échelle locale, régionale et internationale. Les trois pays limitrophes à la Syrie que sont la Turquie, le Liban et la Jordanie correspondent aux principaux foyers migratoires, ceux-ci accueillant à l’heure actuelle plus de 5,1 millions de réfugiés enregistrés auprès du HCR (UNHCR, 2020b). Ce chiffre, bien qu’en faible diminution au cours des dernières années, représente la grande majorité des Syriens ayant trouvé refuge dans d’autres pays.

1.6.1 Origine et acteurs du conflit

Le conflit syrien prend racine durant le printemps arabe, après l’éclatement de manifestations dans plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, comme la Tunisie, l’Égypte, la Libye, le Yémen et finalement la Syrie (Zisser, 2020). Les manifestations furent tout d’abord non violentes et affiliées aux populations sunnites du pays, qui étaient très affectées par la crise économique qui se développait à ce moment (Zisser, 2020). D’autres communautés, telles que les Alawites (dont Bachar Al-Assad fait partie) et les Druzes choisissent au contraire de rester loyaux au régime (Zisser, 2020). Le conflit est également lié au manque de représentativité politique des différentes confessions religieuses, puisque la minorité alawite possède un grand poids politique à l’intérieur du régime autoritaire, au détriment de la majorité sunnite (Delvoie, 2020). Selon le CIA World Factbook, les Alawites représentent approximativement 15% de la population syrienne (Central Intelligence Agency, 2020b). Suite à la répression violente du régime ayant comme but d’étouffer les manifestations, la situation en Syrie se transforme en conflit armé après le déploiement de l’armée dans plusieurs villes et le recours aux armes par certains manifestants (Zisser, 2020). Ainsi, le mouvement ayant commencé par des manifestations non violentes dans la ville de Daara en mars 2011 s’est rapidement transformé en guerre civile impliquant un grand nombre d’acteurs locaux, régionaux et internationaux intervenant à différents moments durant le conflit (Zisser, 2020).

Le conflit syrien est un conflit d’une grande complexité qui inclut un grand nombre d’acteurs internes et externes. Les acteurs internes comprennent bien entendu le régime syrien, de même que l’Armée Syrienne Libre (ASL), les Unités de protection du peuple (YPG), les groupes armés formant le Front islamique et les Forces démocratiques syriennes (FSD) (Barthe, 2018; L’Express Éditorial et AFP, 2016; Uludag, 2015). D’autres groupes sont également présents à l’échelle régionale, comme le Hezbollah libanais (allié du régime syrien) ainsi que l’État islamique, ce dernier ayant cependant perdu la grande majorité du territoire qu’il contrôlait (AFP, 2019; Uludag, 2015). Finalement, plusieurs pays sont impliqués dans le conflit, notamment la Russie, les États-Unis, l’Iran, la Turquie et Israël (CNN Editorial Research, 2020; Delvoie, 2020). Le régime d’Assad est soutenu principalement par la Russie, l’Iran et le Hezbollah, tandis que les États-Unis, bien qu’ayant soutenu les groupes rebelles modérés durant une partie du conflit, mènent à présent une

coalition de pays et d’acteurs (France, Royaume-Unis et Forces démocratiques syriennes) dans le cadre de la lutte contre les groupes extrémistes (Borger, 2018). Israël, pour sa part, intervient militairement en Syrie contre le Hezbollah et l’Iran, tandis que l’armée turque est présente au Nord dans le but de créer une zone tampon à la frontière syro-turque, près des territoires contrôlés par les milices kurdes (Borger, 2018). Bien qu’il fût incertain durant l’année 2014 si le régime d’Assad allait tomber ou non, l’intervention russe au cours de la même année aida grandement le régime syrien, qui est toujours en place et qui contrôle une grande partie de son territoire d’avant-guerre (Delvoie, 2020). Il s’agit d’une information importante pour la présente recherche, puisque la question du retour vers la Syrie, discutée avec les participants, est directement liée au fait que le régime d’Assad est toujours en place aujourd’hui. Comme il sera discuté dans le chapitre 5, les craintes de représailles et l’insécurité liées à la présence du régime syrien sont des facteurs qui contribuent à décourager les retours chez les réfugiés.

1.6.2 Migrations syriennes dans le monde

Dans le cadre de l’étude de mouvements migratoires de cette envergure, il est nécessaire d’établir un portrait des migrations syriennes à l’échelle régionale et internationale. La Turquie, le Liban et la Jordanie, tous des pays limitrophes à la Syrie, correspondent aux trois principaux foyers migratoires, ceux-ci accueillant à l’heure actuelle plus de 5,1 millions de réfugiés enregistrés auprès du HCR (UNHCR, 2020b). Ce chiffre, bien qu’en faible diminution au cours des dernières années, représente la grande majorité des réfugiés ayant trouvé refuge dans d’autres pays (UNHCR, 2020b). Parmi ces trois pays, la Turquie accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens, soit 3 594 981 (UNHCR, 2020f). Cependant, c’est le pays qui accueille le moins de réfugiés par rapport à sa population en comparaison avec le Liban et la Jordanie (La Banque Mondiale, 2019a; UNHCR, 2020f). En ce qui concerne le Liban, le HCR comptabilise à l’heure actuelle 879 578 réfugiés enregistrés (UNHCR, 2020e). Ce chiffre ne représente cependant pas le nombre réel de réfugiés syriens présents sur le territoire libanais en raison du processus de désenregistrement de certains groupes de réfugiés ainsi qu’en raison du fait que plusieurs d’entre eux ne sont pas enregistrés auprès du HCR (Janmyr, 2018). Il serait plus judicieux de considérer le nombre utilisé dans les LCRP, soit 1,5 million (Gouvernement du Liban et Nations unies, 2020). Ce chiffre se trouve d’ailleurs plus près des 1 185 241 réfugiés

syriens enregistrés au Liban au mois d’avril 2015 (UNHCR, 2020e). Bref, ces chiffres montrent que le Liban est le pays qui accueille le plus de réfugiés syriens proportionnellement à la taille de sa population, soit approximativement 25% (La Banque Mondiale, 2019b; UNHCR, 2020e). En ce qui concerne la Jordanie et l’Irak, ces deux pays frontaliers accueillent respectivement 658 028 et 245 421 réfugiés syriens en date de juillet 2020 (UNHCR, 2020b). Il est important de souligner qu’un nombre important de Syriens présents en Arabie Saoudite (802 000), en Égypte (130 000) et aux Émirats arabes unis (52 000) (DAES, 2019; UNHCR, 2020c). Il est à noter que les Syriens présents dans les pays du golfe nommés ci-haut (Arabie saoudite et Émirats arabes unis) ne sont pas répertoriés par le HCR comme étant des réfugiés. Selon la publication du Migration Policy

Center, il est difficile d’estimer avec précision le nombre total de résidents syriens dans

ces pays en raison du manque de données officielles (De Bel-Air, 2015).

Quant à la réinstallation de réfugiés syriens à partir du Liban, on note tout d’abord que leur nombre est assez faible proportionnellement à la population totale de migrants syriens. Les données du HCR montrent qu’au total, 61 747 individus ont été réinstallés dans un pays tiers (UNHCR, 2020a). Sur la figure 2, on voit qu’il semble y avoir eu un pic de réinstallations au cours de l’année 2016, puis une tendance à la baisse depuis. Pour l’année 2019, 7442 Syriens ont été réinstallés, ce qui est près de deux fois moins que pour l’année 2016 (UNHCR, 2020a).

Figure 2 : Nombre de réfugiés syriens réinstallés depuis le Liban selon l'année

Figure 3 : Migrations syriennes en Turquie, au Liban et en Jordanie, 2020

Source : (UNHCR, 2020b)

De nombreux Syriens ont également atteint le territoire européen par l’entremise de différentes routes migratoires, la principale étant la Route des Balkans. Les réfugiés ayant choisi de suivre cette route ont transité par de nombreux pays, notamment la Turquie, et plus d’un million d’entre eux ont présenté des demandes d’asile dans différents pays européens (Eurostat, 2020). Comme présenté dans le tableau 9 (annexe B), les pays ayant reçu le plus de demandes d’asile sont l’Allemagne (636 000), la Suède (126 000), la Hongrie (78 000), la Grèce (73 000), l’Autriche (58 000) et les Pays-Bas (43 000) (Eurostat, 2020). Un bon nombre de ces demandeurs d’asile ont atteint le territoire européen avant la fermeture de la Route des Balkans, ce qui fut réalisé par l’entremise d’un accord UE-Turquie visant à fermer la frontière entre la Turquie et la Grèce en 2016 (Council of the European Union, 2016). Cet accord s’inscrit dans un contexte de

sécurisation et d’externalisation des frontières européennes en lien avec un manque de volonté de la part des pays membres de l’Union européenne de prendre en charge les migrants (Bobić et Šantić, 2020). Les mêmes auteurs mentionnent que la fermeture des frontières européennes a causé l’immobilité de nombreux migrants s’étant retrouvés coincés dans des pays de transit de la Route des Balkans (Bobić et Šantić, 2020). En ce qui concerne le Canada, ce sont plus de 64 000 réfugiés syriens qui ont été réinstallés en date du 31 mai 2019, dont près de 15 000 sont installés au Québec (Gouvernement du Canada, 2019).

Figure 4 : Différentes routes migratoires entre la Turquie et l'Allemagne

Source : (Deutsche Welle, 2018)