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Chapitre 2. Méthodologie

2.3 Les acteurs de la gestion des camps

La présente recherche inclut tout d’abord la participation de différents types d’acteurs qui évoluent à différentes échelles. Les camps informels étant situés pour la plupart sur des terres privées, leur gestion implique la présence d’acteurs privés locaux, en l’occurrence le shaweesh (responsable de camp) et le propriétaire terrien. Ensuite, les ONG locales et internationales sont également actives dans l’espace du camp et doivent négocier avec les autres acteurs dans le but de maintenir leur accès, qui est essentiel à la délivrance de l’aide humanitaire aux réfugiés. Ces derniers, par leur agentivité et leurs stratégies d’adaptation, sont aussi des acteurs qui occupent une place importante dans la construction de l’espace du camp informel. Ainsi, ces acteurs sont tous essentiels pour comprendre comment l’espace du camp est structuré et organisé. Dans le cadre de ce projet, le choix des acteurs se justifie par leur implication dans la construction de l’espace du camp. Ces acteurs correspondent donc à ceux qui sont présents et qui évoluent à l’intérieur de ces espaces. 2.3.1 Le shaweesh et le propriétaire terrien

Premièrement, des entretiens ont été effectués avec plusieurs shaweesh, qui correspondent aux « responsables » de camps. Ces derniers jouent un rôle primordial dans l’accès à l’espace du camp et à son organisation interne, puisque leur position d’agent de liaison leur confère un certain pouvoir sur les activités se déroulant à l’intérieur du camp. On s’intéresse notamment à leur rôle de responsable de camp (comment s’effectue leur travail) et leurs relations avec les autres acteurs, tels que les ONG, les autorités libanaises et les réfugiés. Il s’agit d’être en mesure de comprendre ce qui leur confère leur légitimité au sein du camp, ainsi que de percevoir la façon dont ceux-ci se représentent le camp et les autres acteurs. En ce qui a trait aux propriétaires terriens, ceux-ci possèdent les terres sur lesquelles se trouvent les camps et ont un degré d’implication qui varie d’un camp à l’autre. Bien que moins d’entretiens ont pu être réalisés avec les propriétaires terriens (voir tableau 10, annexe B), nous avons eu la chance de parler avec deux d’entre eux. Dans la plupart des camps visités, un des rôles du shaweesh était de représenter le propriétaire à l’intérieur du camp et c’est le shaweesh qui était en contact permanent avec le camp. Il est essentiel de comprendre ici que la position de responsable de camp peut être exclusivement détenue par le shaweesh, dans un cas où le propriétaire ne serait pas du tout impliqué dans la gestion du camp. Au contraire, un propriétaire très impliqué dans la gestion d’un camp peut

occuper le rôle du shaweesh (dans ce cas-ci, le propriétaire serait également le shaweesh). En dernier lieu, d’autres camps peuvent présenter des degrés différents de partage de la gestion entre les deux types d’acteurs.

2.3.2 Les acteurs humanitaires

Deuxièmement, des entretiens ont été réalisés avec des acteurs humanitaires provenant de 10 ONG différentes (voir tableaux 10 et 12, annexe B). Ces entretiens sont centraux pour identifier les défis liés à la délivrance de l’aide humanitaire dans l’espace « privé » des camps informels au Liban. Les acteurs humanitaires sont divisés en deux sous-catégories, soient les travailleurs humanitaires locaux et internationaux. Cette catégorisation s’explique par certaines différences en ce qui concerne la forme et la zone de l’intervention humanitaire. Les ONG locales ont normalement un contact direct et continu avec un nombre limité de camps. Les ONG internationales, pour leur part, interviennent dans un plus grand nombre de camps et de façon plus systématique. Les entretiens avec les travailleurs humanitaires locaux se justifient donc par le fait que ces personnes possèdent de grandes connaissances concernant les camps informels, puisque la plupart des travailleurs rencontrés travaillaient dans la Bekaa depuis déjà plusieurs années. En effet, les travailleurs humanitaires locaux sont souvent impliqués dans les négociations entre les responsables de camps et les ONG dans le cadre de la distribution d’items ou de l’implantation de projets humanitaires. Ces participants à la recherche apportent ainsi beaucoup d’informations sur la structuration de l’espace du camp et les dynamiques de pouvoir entre les acteurs. Ces informations sont également très concrètes et spécifiques. Les travailleurs d’ONG internationales qui furent rencontrés, quant à eux, ont apporté beaucoup d’informations concernant les processus mis en place par les ONG internationales pour gérer les camps informels, tels que le VASIR, le LCRP ou les rencontres interagences organisées par des agences onusiennes. Lors des rencontres avec des membres d’ONG internationales, c’est plutôt leur perception des autres acteurs (ONG locales et shaweesh) qui était discutée. De plus, les travailleurs humanitaires internationaux ne sont pas sans expérience quant à l’accès aux camps, puisqu’ils font partie d’ONG s’occupant de la distribution d’items (eau potable, nourriture, accessoires, latrines, matériaux, etc.) pour un très grand nombre de camps. Ainsi, les travailleurs des ONG internationales étaient en mesure de décrire de façon holistique les dynamiques de pouvoir

et les processus se déroulant à l’échelle du camp, en plus d’apporter des informations pertinentes quant aux processus de gestion des camps informels à plus grande échelle. Le tableau 12 (annexe B) apporte beaucoup d’informations pertinentes sur le travail de chacune des 10 ONG impliquées dans le projet de maitrise. Il présente plus particulièrement des informations par rapport au type d’organisation, à la zone d’intervention, au financement, aux projets et au nombre d’individus rejoints.

Pour finir, un entretien était initialement prévu avec le HCR, mais je n’ai obtenu aucune réponse à mes courriels. Plusieurs collègues ont également mentionné le fait que les personnes y travaillant sont plutôt méfiantes envers les chercheurs.

2.3.3 Les réfugiés syriens

Troisièmement, il était primordial d’effectuer des entretiens avec les Syriens vivant à l’intérieur des camps, et ce pour un nombre assez élevé de camps afin de varier la provenance des informations. Le but était d’obtenir de nombreux exemples spécifiques pour obtenir une vision large de la situation dans les camps de la Bekaa, ainsi que des exemples concrets et uniques. 14 réfugiés provenant de 10 camps différents furent rencontrés, certains dans leur camp et d’autres à l’extérieur. De plus, beaucoup d’exemples précis proviennent des huit camps qui furent visités durant le terrain de recherche. Les données recueillies auprès des réfugiés ont ainsi permis d’obtenir le point de vue des personnes qui habitent l’espace du camp et qui le vivent au quotidien. Leurs perceptions, représentations et expériences en lien avec les autres acteurs intervenant dans les camps sont essentielles à l’analyse de la vie en camp, qui sera traitée dans le chapitre 5. Les réfugiés syriens, à travers leurs pratiques, leur agentivité et leurs stratégies d’adaptation, sont aussi des acteurs qui créent et construisent l’espace du camp. Sans les réfugiés y habitant, le camp n’existerait pas. Les réfugiés sont donc à la base de l’organisation du camp, de ses processus et des dynamiques entre les acteurs.