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Limites de l’instrument, impensés de la gouvernance Extension d’échelle et propension réductionniste

REPROUVE L’ APPROCHE DES POLITIQUES PUBLIQUES

1. Les réseaux, instruments de reterritorialisation de la gouvernance ? Impasses conjointes de deux notions

1.2. Limites de l’instrument, impensés de la gouvernance Extension d’échelle et propension réductionniste

En l’absence d’Etat supranational au sens traditionnel du terme, l’Europe – plus précisément le mouvement d’intégration politique de l’Union européenne – constitue spontanément un lieu particulièrement propice à l’étude des « chaînes de pilotage et de coopérations multi niveaux, impliquant des demandes de coordination importantes, qui concernent la manière dont se négocient les objectifs et les moyens ou dont s’articulent les modalités de suivi et d’organisation147 ». La gouvernance européenne a ainsi fait l’objet de

nombreuses études ayant recours à la notion de réseaux d’action publique, mettant en lumière l’affaiblissement du contrôle des Etats sur ces réseaux et autres partenariats dans un contexte de complexification de l’espace publique européen148.

La gouvernance polycentrique et les réseaux sectoriels

Si les caractéristiques de la gouvernance européenne demeurent controversées149,

l’étude des réseaux donne à voir la fin du monopole des Etats sur la mise en place des programmes et le développement d’un système de gouvernance polycentrique en Europe150, dont les enjeux sont synthétisés par P. Le Galès :

« Il n’y a plus un seul centre de concentration du pouvoir disposant seul ou presque des principales ressources nécessaires (au-delà des ressources financières et du droit, l’information, l’expertise, la capacité de mobilisation, la légitimité) à l’élaboration et la mise en œuvre de politiques de cohésion sociale. Les tenants du modèle de la gouvernance polycentrique assurent [et en particulier L. Hooghe, 1996] que les niveaux subnationaux de gouvernement ont de l’importance, que les stratégies/ressources sont moindres mais du même ordre que celles de l’Etat ou de l’Union européenne et qu’il faut s’attendre, d’une

147 Gaudin J.-P., L’action publique, op. cit., p. 210.

148 Voir sur ce point Mény Y., Muller P., Quermonne J.-L., Politiques publiques en Europe, Paris : L’Harmattan,

1995, 351 p., et tout spécialement l’article de Muller P., « Un espace européen des politiques publiques », in Mény Y., Muller P., Quermonne J.-L., Politiques publiques en Europe, Paris : L’Harmattan, 1995, p. 11-24.

149 Certains auteurs y voient ainsi un processus en cours de développement d’un Etat régulateur, d’autres un

système de gouvernance polycentrique : Majone G., La Communauté européenne, un Etat régulateur, Paris : Montchrétien, 1996, 158 p. ; Marks G., Hooghe L., Blank K., « European integration from the 1980’s : State- centric versus multi-level governance », Journal of Common Market Studies, vol. 34, n° 3, p. 341-378.

150 Hooghe L., Cohesion policy and European integration : building multi-level governance, Oxford : Oxford University

Press, 1996, 458 p. ; Hooghe L., Marks G.W., Multi-level governance and European integration, Lanham : Rowman and Littlefield Publ.ishing, 2001, 251 p. ; Smith A., « Studying multi-level governance : examples from French translations of the structural funds », Public Administration, vol. 75, n° 4, hiv. 1997, p.711-730.

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part, à un renforcement de ces niveaux intermédiaires et d’autre part à la multiplication de réseaux en interaction dans lesquels ils seront partie prenante en lien ou pas avec l’Etat. »151

L’approche par les réseaux, et l’horizontalisation des interactions entre les différents acteurs et niveaux, tend ainsi à remettre en cause l’idée d’une hiérarchie dans la conduite des politiques publiques en Europe. Elle légitime de ce fait l’idée d’une gouvernance polycentrique, dans la mesure où elle se focalise sur un système d’interactions, de coordinations et d’échanges, voire de rapports interpersonnels. Or c’est à ce niveau que se situe pour des auteurs comme P. Le Galès ou J.-P. Gaudin l’écueil majeur du recours aux réseaux d’action publique dans la réflexion sur les modes de gouvernance.

D’une part, en raison d’un « effet d’objet », les travaux empiriques sur les réseaux européens tendent à « se cantonner au sein d’un seul secteur, économique par exemple, sans que les imbrications entre les différents réseaux d’action publique et leurs éventuels recoupements soient pris en compte152 ». Légitimée par le postulat d’une autonomie

croissante des sous-systèmes politiques et sociaux, l’entrée analytique par le réseau sectoriel se présente dès lors comme une nécessité pragmatique, celle de la confrontation à la différenciation et à la fragmentation des intérêts publics des sociétés complexes153. Si

cette remarque vaut pour la plupart des travaux traitant des réseaux sectoriels, c’est dans la littérature allemande que la mise en rapport entre réseaux sectoriels et notion de gouvernance a sans doute été la plus approfondie154.

151 Le Galès P., « Régulation, gouvernance et territoires », in Commaille J., Jobert B., Les métamorphoses de la

régulation politique, op. cit., p.212.

152 Le Galès P., « Les réseaux d’action publique… », op. cit., p. 20.

153 Certains auteurs ont ainsi recours pour décrire cette fragmentation des intérêts à la métaphore wébérienne

de « polythéisme des valeurs », où à sa comparaison opérée récemment par P. Hirst avec un « processus d’ottomanisation ». Selon P. Hisrt en effet, dans les sociétés contemporaines, « the radical divergence of ethnic, religious and lifestyle groups has produced a virtual re-creation of the Millets System of the Ottoman Empire in which plural and semi-self-regulating communities co-existed side by side, with very different rules and standards », Hirst P., Associative Democracy. A new form of economic and social governance, Cambridge : Polity Press, p. 65-66.

154 Sur cet aspect, voir le traitement très intéressant des analyses de réseaux réalisé par Renate Mayntz, Fritz

Scharpf, Patrick Kenis, Volker Schneider, et Edgar Grande (the 'Max-Planck-School'). Börzel T.A., « What’s So Special About Policy Networks ? – An exploration of the Concept and Its Usefulness in Studying European Governance », European Integration online Paper, vol. 1, n° 16, 1997, p. 6 et suiv.

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NCADRE

1:L

UHMANN ET LA GOUVERNANCE EN RESEAUX

Procédant pour une large part d’une lecture de Luhmann qui met l’accent sur la pluralité des formes de rationalité due à la différenciation sociale et sur la spécialisation fonctionnelle de sous-systèmes autoréférentiels155, l’étude d’un réseau sectoriel ne serait dès lors pas antinomique

avec la possibilité d’une montée en généralité156.

Conçu comme sous-système social, le réseau sectoriel peut dès lors être appréhendé comme un lieu où s’opère la réduction de la complexité élevée qui lui est propre par des procédures et des processus réels de décisions spécifiques. Partant, il devient possible de déployer une pensée de l’ensemble, non plus en terme de hiérarchie mais de répartition de la complexité par l’institutionnalisation de mécanismes opérant sous des conditions à chaque fois différentes, obéissant à des critères de rationalité spécifiques et mettant à leur service des motifs particuliers qui se présupposent cependant mutuellement et sont de cette manière intégrés :

« Considérées dans leur ensemble et en tant que différenciation, ces procédures opèrent une répartition de la complexité du système politique sur plusieurs mécanismes de réduction. Le système politique d’une société ne peut conserver la complexité élevée qui lui est propre et avec elle la capacité d’en arriver à une décision quant aux innombrables problèmes de la société, problèmes qui fluctuent rapidement, que s’il répartit la tâche de sélection liée à cette prise de décision. Une instance, et même une hiérarchie, ne pourrait recueillir qu’une quantité relativement restreinte d’informations, elle ne pourrait absorber que très faiblement les contradictions et les conflits et elle déciderait d’une manière tout à fait primitive. »157

Luhmann consacre l’abandon de l’homogénéité des contenus au profit d’un schéma général dans lequel la coordination résulte de la reconnaissance mutuelle des résultats des processus particuliers. Prendre les sous-systèmes, les secteurs – en réseau – pour point de départ ouvre ainsi la possibilité de saisir une configuration générale proche de la notion de gouvernance polycentrique. Si Luhmann ne parle pas de gouvernance en tant que telle mais déploie l’idée d’un

155 « Ces réflexions peuvent être mises en relation avec la théorie de la différenciation fonctionnelle des

systèmes sociaux, largement répandue dans la sociologie depuis Spencer, Simmel et Durkheim. Tout accroissement de la complexité d’un système au moyen de la formation de sous-systèmes peut être désignée comme une différenciation en général. Une différenciation fonctionnelle se présente lorsque les sous- systèmes ne sont pas placés les uns à côtés des autres comme autant d’unités légales, mais lorsqu’ils se rapportent à des fonctions spécifiques et qu’ils sont reliés entre eux. Les avantages relatifs à un accroissement de l’opérationnalité que présente la différenciation fonctionnelle sont évidents. On a toujours su que cette différenciation fonctionnelle devait être acquise au prix de difficultés et de problèmes connexes, mais on a conçu ceux-ci de manières très diverses, par exemple la nécessité d’une coordination pour toute division du travail, l’accroissement simultané de la différenciation et de l’intégration, la différenciation et l’autonomie des sous-systèmes, la spécification et la généralisation ou encore l’opposition inévitable entre structure et fonction, opposition qui s’accroît en proportion de la différenciation. Se sont récemment accumulés des signes qui témoignent du fait que les opérations qui compensent les effets de différenciation sont recherchés moins dans des principes contrastants qu’au sein de mécanismes de divers genres qui sont spécifiques à une fonction et qui en accroissent l’opérationnalité ». Luhmann N., La légitimation par la procédure, Presses de l’Université de Laval : Ed. du Cerf, 2001, p. 237-238.

156 « En insérant dans ce domaine théorique nos analyses des divers genres de procédures, la différenciation

de ceux-ci se trouve thématisée en tant que telle. Cela permet de placer sous un nouvel éclairage aussi bien le caractère systémique et la structure universelle des procédures en général que le sens et la cohésion des types particuliers de procédures. Le sens du caractère systématique des procédures, de leur relative autonomie de traitement de l’information, de leur complexité propre et de la caractérisation différente des diverses formes de procédures est de fournir au système politique les avantages d’une différenciation fonctionnelle. » Luhmann N., La légitimation par la procédure, op. cit., p. 238.

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système global intégré, ces deux conceptions sont néanmoins apparentées dès lors que la répartition de la complexité fonde la possibilité d’une mise en ordre :

« En considérant les choses de plus près, on peut observer dans la répartition de la complexité sur des procédures différentes et fonctionnellement spécifiées un ordre temporel et un ordre substantiel qui servent tous deux l’intégration du système global. »158

Si l’analyse de la gouvernance européenne polycentrique par les sous-systèmes politiques et sociaux, notamment à l’aune des réseaux sectoriels peut trouver chez Luhmann une forme de justification, elle n’en présente pas moins un certain nombre d’apories notables. Il est en outre constatable que les critiques adressées à Luhmann par les théories des politiques publiques159

entrent en étroite résonance avec celles de la gouvernance polycentrique. La vision de Luhmann est ainsi critiquée pour sa tendance à l’exacerbation de l’autoréférentialité des sous-systèmes sociaux : en dépit de leur interdépendance mutuelle, ils sont en effet avant tout caractérisés par leur « indifférence légitime160 » à toute autre forme de normes et revendications161 ; écartant de

facto certains aspects de la complexité sociale tels que les conflits moraux ou « immatériels » propres au pluralisme culturel162, ou encore les conflits entre centre et périphérie163. La focale de

la procédure, dans laquelle s’originent les processus de différenciation et d’autonomisation apparaît ainsi trop univoque, reléguant les liaisons et assemblages possibles au niveau très général et abstrait d’un système dont elle n’apparaît pas en mesure de rendre compte empiriquement164.

158 Ibid., p. 240.

159 Sur l’influence supposée et réelle de N. Luhmann sur l’analyse des politiques publiques en Allemagne

essentiellement, voir Braun D., Papadopoulos Y., « Niklas Luhmann et la gouvernance », Politix, vol. 14, n° 55, 2001, p.15-24.

160 Papadopoulos Y., Complexité sociale et politiques publiques, Paris : Montchrestien, 1995, 156 p. ; Schimank U.,

Theorien gesellschaftlicher Differenzierung, Opladen : Leske und Budrich, 1996, 309 p.

161 « La différenciation et l’intégration doivent donc être considérées à deux niveaux différents : la distinction

et la reconnaissance mutuelle des types de procédures en tant que parties constituantes du système politique sont institutionnalisées d’une manière générale en faisant abstraction des intérêts qui déterminent l’introduction et l’exécution d’une procédure en particulier ; par contre, la coordination concrète est réalisée chaque fois selon le cas traité. Cette séparation des différents niveaux de différenciation et d’intégration procure à la procédure singulière une certaine liberté de choix et donc une variabilité limitée des liaisons entre les

procédures », Luhmann N., La légitimation par la procédure, op. cit., p. 241.

162 Melucci A., Avritzer L., « Complexity, cultural pluralism and démocracy : collective action and the public

space », Social Science Information, vol. 39, n° 4, p. 507-527.

163 Braun D., Papadopoulos Y., « Niklas Luhmann et la gouvernance », op. cit.

164 « De par la typologie des formes qui leur est propre, les procédures sont certes liées entre elles, mais

seulement sous la forme d’un schéma général qui rend possible, plutôt qu’il ne l’empêche, la variation des liens concrets. Le sens de la séparation des divers niveau de généralisation est certes d’assurer précisément des liaisons en général, mais aussi de reporter leur réalisation effective sur les cas particuliers (…). » Luhmann N.,

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La critique de la version luhmanienne de la gouvernance en réseaux – cf. encadré supra – vaut également pour la gouvernance polycentrique, métaphore qui comme le souligne P. Le Galès n’explicite pas les différences entre les secteurs, les pays, ou encore des points de restructuration du politique : « Comme parfois la littérature sur les réseaux, elle tend à faire disparaître les articulations, les rapports de pouvoir au profit d’un vaste système d’interactions et d’échanges.165 » Aborder la gouvernance par les secteurs, même

en réseaux, tend ainsi à opérer un cloisonnement qui n’est pas sans lien avec la logique tout à la fois procédurale et systémique de Luhmann. Le système collecte et institue de l’hétérogène, fait coexister positivement les contradictions, mais ne les imbrique pas166, de

la même manière que la gouvernance polycentrique n’implique aucunement la convergence des modes de gouvernement au sein de chaque pays ou la convergence des mobilisations. Tout comme la gouvernance polycentrique ne permet pas d’appréhender des processus d’homogénéisation ou d’intégration au niveau européen, la focalisation sectorielle des réseaux d’action publique souvent convoqués pour la décrire n’apparaît pas en mesure de saisir la variété des compétences de l’Union européenne ainsi que la fluidité, l’improvisation et l’instabilité des politiques européennes qui lui sont inhérentes. Au total, l’idée de gouvernance polycentrique initiée en bonne partie par l’approche des réseaux ne saurait se satisfaire de ce seul outil d’analyse. Elle peut s’avérer heuristique en tant qu’elle permet un dépassement du paradigme centre-périphérie, conférant davantage de sens à la création d’une « polité » (polity) européenne par des mécanismes indexables à l’idée de gouvernance167. Dès lors, ce serait davantage la prétention des réseaux d’action publique

« à constituer une catégorie générale permettant d’englober, plus que de dépasser, les principaux paradigmes des politiques publiques168 » qui est en cause, que la notion de

gouvernance en tant que telle.

165 Le Galès P., « régulation, gouvernance et territoire », op. cit., p. 212-213.

166 Le caractère positif d’un tel système dans la perspective de Luhmann apparaît en effet indéniable : « La

différenciation fonctionnelle permet à un système d’instituer en parallèle des processus de genre différents qui ne pourraient être rassemblés au sein d’un même contexte comportemental. De cette manière, le système peut non seulement profiter des avantages de la spécialisation des capacités, mais aussi admettre la coexistence de contradictions ; il peut opérer simultanément à partir de prémisses opposés et augmenter sa complexité ». Luhmann N., La légitimation par la procédure, op. cit., p. 242.

167 Et tout spécifiquement à l’appréhension des logiques territoriales, comme le souligne P. Le Galès,

« Régulation, gouvernance et territoire », op. cit., p. 213.

168 Hassenteufel P., « Do policy networks matter ? Lifting descriptif et analyse de l’Etat en interaction », in Le

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70 Les failles conceptuelles des réseaux

C’est là le second écueil qu’il faut souligner. En effet, et sans entrer dans le détail des controverses relatives au statut problématique de l’approche par les réseaux d’action publique, également soulevé ses « créateurs »169, son usage tend à mettre en lumière un

certain nombre des failles « analytiques » que fait surgir la thématique de la gouvernance. Qualifié dans la littérature aussi bien de « théorie », de « modèle », de « concept » que de « notion », d’« approche » ou d’« outil » – ce dont témoignent également les fluctuations de nos propres caractérisations – le terme de réseau de politique publique est au final utilisé par la plupart des auteurs dans un sens générique. Usage problématique dans la mesure où il peut référer aussi bien à des approches en terme de « processus de coordination des acteurs », de « complexe d’organisation » ou de « jeux de négociations fondées sur l’échange de ressources », où les réseaux sont conçus comme « structures politiques », qu’à des réseaux utilisés comme « cadre global pour décrire les relations public-privé » évoquant des « structures en réseau » ou des « proto-organisations ». A cette première partition entre des réseaux considérés comme « structures » ou comme « organisations » se superpose un autre ensemble proche des questionnements sur l’institution, trouvant ses racines notamment dans le corporatisme170.

169 C’est notamment ce que rappelle M. Thatcher : « L’analyse du concept de réseau de politique publique –

du point de vue des ambitions affichées par ses créateurs – révèle immédiatement que son statut est ambigu et qu’une grande confusion règne sur la question des fonctions que cette approche prétend remplir. Pour certains auteurs, les réseaux de politique publique constituent un « modèle », notamment du rôle d’ « intermédiation » des groupes d’intérêts (interest group intermediation) entre les acteurs de la société « civile » et les instances publiques (Rhodes et Marsh, 1986 & 1988) ou même une « théorie » de portée moyenne (Rhodes, 1994). Mais la portée attribuée (parfois par les mêmes auteurs) à cette approche est souvent plus modeste. Ainsi M. Smith (1993) applique le terme de « notion » ou « concept » à ces réseaux tandis que Rhodes et March parlent également des réseaux de politique publique comme d’une « typologie » ou avancent même que « ce modèle est une catégorie idéale ». Pour d’autres, le concept de réseaux offre un outil flexible qu’on peut intégrer dans plusieurs théories. En revanche, un des créateurs du concept en Grande-Bretagne, J.J. Richardson, parle des réseaux de politique publique comme d’un concept, tandis qu’un auteur critique de cette approche, K. Downing (1994), envisage le concept comme une « métaphore ». En fait, les objectifs de l’approche des réseaux de politique publique et la place que ses créateurs cherchent à lui trouver, sont loin d’être clairs ». Thatcher M., « Les réseaux de politique publique : bilan d’un sceptique », in Le Galès P., Thatcher M., Les réseaux de politique publique, op. cit., p. 230.

170 L’analyse de la pluralité des usages de la notion de réseau de politique publique et du débat qui l’entoure

que nous proposons ici est pour l’essentiel issue des interrogations et commentaires de M. Thatcher sur la valeur heuristique de ce concept dans le chapitre conclusif de l’ouvrage codirigé avec P. Le Galès (Les réseaux

de politiques publiques, op. cit.). Adoptant une démarche critique – qu’il qualifie de « sceptique », Thatcher y

explicite les controverses autour de la définition du concept et de ses caractéristiques empiriques. Les principaux auteurs de la littérature, essentiellement anglo-saxonne, sur les réseaux d’action publique sont ainsi

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En dépit de l’incertitude inhérente à cette pluralité d’usages, d’un point de vue théorique, les réseaux de politiques publiques apparaissent potentiellement fructueux, en tant qu’ils portent attention aux liens entre secteurs privés et publics, organisations et individus et permettent dès lors une meilleure appréhension des interdépendances et rapports de pouvoirs entres des acteurs et des échelles territoriales hétérogènes171. A mi-

chemin entre le « marché » et la « hiérarchie »172, ils permettent d’éviter l’opposition

simplificatrice entre Etats « forts » et Etats « faibles »173, et de rendre compte de manière

plus fine des caractéristiques de l’action étatique, partant du principe que « l’Etat n’est pas un bloc monolithique ou homogène, mais qu’il est constitué d’organisations qui peuvent avoir une certaine autonomie, des stratégies qui leurs sont propres et des relations avec d’autres acteurs publics et/ou privés174 ». Si ces enjeux théoriques n’emportent pas

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