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REPROUVE L’ APPROCHE DES POLITIQUES PUBLIQUES

1. La globalisation aux origines de la capture de l’environnement par les relations internationales Approches de

1.2. La gouvernance environnementale mondiale : déterminer les formes de coordination-coopération

L’émergence de l’environnement comme enjeu planétaire emporte, nous l’avons vu, l’imposition progressive d’une conception « globale », à laquelle correspondrait l’édification progressive d’une gouvernance environnementale. Or parler de gouvernance environnementale globale présuppose un décentrement de l’exercice du pouvoir, et tout spécifiquement l’invention de nouvelles formes de gouvernementalité qui se situeraient au-delà des interactions entre les Etats, ainsi que le rappellent R.D. Lipschtutz et J. Mayer :

« Ceci est un ouvrage à propos de la politique environnementale globale, de la gouvernance environnementale globale. Ce n’est pas, néanmoins, un ouvrage à propos du « global » tel que le terme est couramment usité. J’utilise délibérément le terme « global » en lieu et en place d’ « international » pour souligner le fait que les politiques de l’environnement global englobent bien plus que les interactions entre Etats. »271

Si l’objet général de leur ouvrage est d’interroger la notion de « société civile globale » au travers du prisme de la gouvernance environnementale globale, cette citation met aussi en lumière les difficultés à penser le rapport de la gouvernance d’un environnement devenu global avec les autorités étatiques et les instances supranationales. Comme nous l’avons évoqué brièvement précédemment, le dépassement du modèle stato-centré est le fruit d’une évolution de la littérature – en lien étroit avec une configuration politique, économique et sociale spécifique. Sans basculer dans un systémisme, il est possible d’appréhender la prolifération des enjeux environnementaux globaux (le Global environmental change) et l’évolution des conceptions de la gouvernance environnementale comme des phénomènes en grande partie circulaires, au sens où ils circulent entre experts scientifiques, décideurs politiques, mouvements écologistes, Etats, organisations internationales, sciences sociales, etc.272.

271 « This is a book about global environmental politics and global environmental governance. It is not,

however, about “global” as the term is often used. I deliberately use the term “global” in place of “international” to make the point that the politics of the global environment encompass more than the interactions of states. » Lipschutz R.D., Mayer J., Global civil Society and Global Environmental Governance. The

Politics of Nature from Place to Planet, New York : State University of New York Press, 1996, p. 1.

272 Perspective qui pourrait être pour partie rattachable à la double herméneutique de Giddens, mais dont

nous n’entendons pas ici procéder à un examen détaillé. Sur cette question voir : Giddens A., Les conséquences

de la modernité, Paris : L’Harmattan, 1994, 192 p. ; Giddens A., Lasch S., Beck U., Reflexive modernization : politics, tradition and aesthetics in the modern social order, Cambridge : Polity Press, 1994, 225 p. Pour une mise en

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Or, les années 1970 et 1980 ont été essentiellement caractérisées par des interrogations centrées sur les déterminants de la coopération internationale, d’inspiration réaliste. Si l’environnement se présente comme enjeu global, c’est, dans cette perspective, sur des thématiques spécifiques, qui engagent essentiellement l’allocation/protection des ressources. A l’identique, si l’existence d’autres acteurs est reconnue, la focale demeure in fine axée sur les Etats et organisations intergouvernementales. L’attention est essentiellement portée sur les stratégies des acteurs, la décision révélant les rapports de force et de pouvoir qui se nouent entre Etats ou coalitions d’Etats. L’environnement n’est ainsi conçu comme global que dans une acception minimale, celle d’une géostratégie des ressources naturelles et de la « sécurité environnementale »273. Les enjeux environnementaux en tant que tels continuent ainsi

d’appartenir à la « basse police » pour les théoriciens réalistes des relations internationales. Leurs analyses s’inscrivent ainsi pour une large part dans la lignée d’auteurs comme K. Waltz, pour qui les questions de ressources naturelles demeurent une variable mineure ; ou encore pour Morgenthau qui leur confère néanmoins un rôle plus important en tant qu’inputs de la composante industrielle de la puissance274. Cette conception tend à

demeurer dominante tout au long des années 1980275, consacrant la domination d’une

version proche de celle des « diplomates », inscrivant l’environnement dans la conflictualité inhérente aux relations internationales. Il devient ainsi un enjeu de lutte

1995, p. 133-145 ; Hay C., O'Brien M., Penna S. (Ed.), Theorising modernity : reflexivity, environment and identity in

Gidden's social theory, London : Longman, 1999, 226 p.

273 Voir par exemple : MacGuire A., Welsh Brown J. (Eds.), Bordering on trouble : resources and politics in Latin

America, Bethesda, Md : Adler and Adler, 1986, 448 p.; Tuchman Mathews J., « Redefinig security », Foreign Affairs, vol. 68, n° 2, print. 1989, p. 162-177 ; Myers N., « Environment and Security », Foreign Policy, n° 74,

print. 1989, p. 23-41; Commoner B., Making Peace with the Planet, New York : Pantheon, 1990 ; Gore A., Earth

in the balance : forging a new common purpose, London : Earthscan, 1992, 407 p.

274 Voir Waltz K., Theory of international politics, Reading, Mass. : Addison-Wesley, 1979, 251 p. ; Morgenthau

H.J., Politics among nations : the struggle for power and peace, 5ème Ed., New York : A.A. Knopf, 1978, 650 p.

275 Pour les principaux tenants de cette approche, voir Choucri N., North R.C., Nations in conflict : national

growth and international violence, San Francisco : W.H. Freeman, 1975, 356 p. ; Choucri N., Ferraro V., International politics of energy interdependence : the case of petroleum, Lexington, Mass. : Lexington Books, 1976, 250

p. ; Choucri N., Global accord : environmental challenges and international responses, Cambridge, Mass. : MIT Press, 1993, 562 p. ; Russett B.M., « Security and the Resources Scramble : will 1984 be like 1914 ? », International

Affairs, vol. 58, n° 1, hiv. 1981-1982, p. 42-58 ; Westing A.H. (Ed.), Global Resources and International Conflict : Environmental Factors in Strategic Policy and Action, Oxford : Oxford University Press, 1986, 280 p. ; Westing

A.H. (Ed.), Explosive remnants of war : mitigating the environmental effects, London Philadelphia : Taylor & Francis, 1985, 141 p. ; Westing A.H. (Ed.), Environmental warfare : a technical, legal, and policy appraisal, London Philadelphia : Taylor & Francis, 1984 , 107 p. ; Westing A.H. (Ed.), Cultural norms, war and the environment, Oxford : Oxford University Press, 1988, 177 p. ; Westing A.H. (Ed.), Environmental hazards of war : releasing

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pour la définition du bien commun dès lors qu’il fait figure de lieu d’affirmation de la puissance d’un Etat. Dans cette perspective, les institutions internationales jouent un rôle secondaire d’appoint ou de relais des préférences nationales276. Outre son caractère stato-

centré, l’approche réaliste emprunte également très largement à la théorie des jeux277, et à

ses modèles d’interactions stratégiques afin d’expliquer pourquoi les Etats choisissent ou non de coopérer et selon quelles anticipations et modalités. Fondée sur la rationalité des acteurs, la coopération internationale se décline en quatre comportements-types :

Encadré 2: Typologie des attitudes des Etats dans la coopération

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