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Apports de l’approche cognitive des politiques publiques pour saisir la notion de gouvernance : la critique de la dépolitisation néo-

REPROUVE L’ APPROCHE DES POLITIQUES PUBLIQUES

2. La gouvernance, enjeu idéologique

2.2. Apports de l’approche cognitive des politiques publiques pour saisir la notion de gouvernance : la critique de la dépolitisation néo-

libérale

Ces critiques sont sans doute pour une bonne part fondées – nous y reviendrons ultérieurement. Cependant, il importe de souligner que l’approche cognitive confère potentiellement davantage d’envergure à la notion de gouvernance – essentiellement étudiée à l’échelle européenne dans cette perspective. A la différence des approches sur la gouvernance à des niveaux multiples, qui « pêchent souvent par un excès de pluralisme qui les amènent à confondre l’activité déployée par des réseaux multiples d’acteurs et l’exercice du pouvoir politique228 », elle restitue en effet une place aux idées, à la

construction du sens des politiques ainsi qu’à leur mise en ordre, aux relations verticales de pouvoir et aux « ordres légitimes de pouvoir » wébériens – c’est-à-dire constitués non seulement de configurations particulières d’institutions et de procédures formelles, mais

226 Simoulin V., « Emission, médiation, réception… », op. cit.

227 Majone G., « Décisions publiques et délibération », Revue française de science politique, vol. 44, n° 4, 1994,

p. 592.

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aussi d’institutions sociales qui structurent le sens accordé à l’action publique. Aux côtés des approches sur la gouvernance polycentrique ou a-centrique, ou démocratique, focalisées sur la pluralité grandissante des intérêts qui engendre la dispersion croissante du pouvoir dans de multiples arènes – ce qui curieusement, mais logiquement, rend ce pouvoir dispersé plus oppressif pour chacun puisqu’il n’est imputable à personne –, l’approche cognitive tend ainsi à restaurer la question du « qui domine » la gouvernance que l’on ne saurait manquer de rapprocher d’un « qui gouverne ?229 ».

L’apport essentiel de l’approche cognitive de la gouvernance résiderait ainsi dans un refus de la considérer comme une source de dépolitisation – celle souvent implicitement contenue dans le basculement de la notion de gouvernement à celle de gouvernance. Si la question du dépérissement potentiel de l’Etat – ce fameux « Etat creux » emprunté à P. Hall dont parle J. Leca – semble rester en suspens, certains tenants de l’approche cognitiviste des politiques publiques n’en ont pas moins développé une critique virulente du « mythe de la gouvernance dépolitisée », pour reprendre les termes de B. Jobert :

« Instruire et théoriser les défaillances des gouvernements a été érigé en priorité par l’économie orthodoxe et le public choice. Le retour au marché par la déréglementation et la privatisation constitue le volet le plus évident du programme d’action néo-libérale qui en découle. La dépolitisation systématique de ce qui reste de l’action publique en constitue une deuxième facette. La rhétorique antipolitique n’est pas seulement un attribut des discours populistes. Elle imprègne la pensée néo-libérale qui, dans la foulée d’Hayek, dénonce l’incapacité des dirigeants politiques à résister aux pressions conjuguées des groupes d’intérêts, des organisations patronales, des syndicats et des professions. »230

Le cadre de l’Union européenne, arrimé à sa vocation initiale de marché unique, a ainsi offert un lieu d’analyse de la gouvernance, comme nouvelle forme de gouvernement, d’interrogation des impensés des politiques publiques, et tout spécifiquement de l’existence implicite de « métanormes globales » opérationnalisées à différents niveaux par les multiples acteurs de politiques publiques. Tout en intégrant certains apports des approches de la gouvernance polycentrique et de la gouvernance démocratique, l’approche cognitiviste ouvre aussi la voie à une approche plus critique de la gouvernance, mettant en lumière la déclinaison des idées néolibérales dans le champ de l’action publique

229 Dahl R.A., Who governs ? Democracy and power in an American city, New Haven : Yale University Press, 1961,

355 p.

230 Jobert B., « Le mythe de la gouvernance dépolitisée », in Favre J., Hayward J., Schemeil Y., Être gouverné, op.

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et la nécessité de restaurer une interrogation sur le pouvoir, notamment vertical, que l‘entrée par les réseaux tend, par exemple, comme nous l’avons vu, à occulter. En mettant en lumière la nécessité de réintégrer la question des idées et croyances ainsi que celle du pouvoir dans l’analyse de la gouvernance – principes qui une fois partiellement reconfigurés guideront notre recherche et les déplacements que nous entendons effectuer –, l’approche cognitive des politiques publiques emporte ainsi la possibilité d’une mise en perspective critique des évolutions tendancielles des approches en terme de « gouvernance » et des dévoiements dont cette notion a progressivement fait l’objet.

L’évolution pendant la dernière décennie de la notion de gouvernance tend en fait à en faire davantage un « mot hourra » usité par les experts et les politiques qu’une catégorie d’analyse sociologique qui se donnerait à voir comme d’emblée pertinente. L’usage de la notion de gouvernance deviendrait au contraire davantage symptomatique d’une certaine vulgate néo-libérale située à la confluence de certaines analyses des politiques publiques, de l’économie du public choice par exemple, et d’un pan de littérature « hybride » (qualifiée ou disqualifiée par l’expression « littérature grise ») ; où se mêlent prétentions scientifiques, expertise et penchants idéologiques plus ou moins avoués et avouables.

Bonne gouvernance et néo-libéralisme

La dérive « pas à pas » de tout un pan de la littérature des politiques publiques vers la prescription « néo-libérale » trouve sans doute son expression paradigmatique dans la littérature dite du management public et dans les pratiques qui tendent à en émaner directement. La gouvernance semble ainsi constituer le dernier avatar – ou le point d’aboutissement ? – d’un vaste programme de dépolitisation, d’évidement du politique au profit d’une idéologie anti-étatique. Initié dès la période keynésienne avec l’apparition des think-tanks néo-conservateurs231, la transposition de ce programme dans la notion de

gouvernance trouve notamment sa source dans l’école du public choice et sa dénonciation

231 Sur ce point bien spécifique voir les travaux de F. Denord, et notamment Denord F., « Le prophète, le

pèlerin et le missionnaire. La circulation internationale du libéralisme et de ses acteurs », Actes de la recherche en

sciences sociales, n° 145, décembre 2002, p. 9-20. Voir également l’article précité de B. Jobert auquel nous

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de la propension du politique à « nourrir le Léviathan » par l’intermédiaire de bureaucraties disposant d’un monopole de l’expertise publique. La doctrine du new managerialism opère d’une certaine manière la traduction de la double logique de l’internationalisation et de la privatisation au sein des politiques publiques, ce qui n’est pas sans interroger le statut dévolu à l’analyse de celles-ci232. Dans la logique du « nouveau

management public » et des choix publics, la dépolitisation est ainsi également celle de l’expertise, par le développement des centres d’expertise privés et l’internationalisation du monde de la consultation233 : il s’agit de construire un nouveau langage à l’échelle

globale, langage ayant vocation à être retraduit dans des normes – à l’image de la doctrine de la « bonne gouvernance » ou des « bonnes pratiques » de l’OCDE et de la Banque mondiale. La gouvernance renvoie ainsi dans les discours politiques à la « troisième voie », hybride de « nouvelle droite » et de « nouvelle gauche »234 ; elle relève d’un nouvel

232 Cette question de la prescriptivité du « savoir » des politiques publiques est ainsi interrogée par P. Muller à

l’aune de l’exemple du « nouveau management public » initié notamment par C. Hood : « L’analyse des politiques publiques se confronte aujourd’hui à la question de la prescriptivité de son savoir. Les exemples sont nombreux de sociologues et de politologues qui, de proche en proche, quittent leur tâche de recherche, de producteurs de connaissance, pour s’ériger en prophètes de l’action, en fournisseurs de prescriptions clés en mains. A partir de quelle posture, au-delà de quel seuil, la volonté de s’imposer sur le marché des idées à grand tirage et sur la scène de la reconnaissance par les médias ou par les praticiens, entraîne-t-elle des perversions majeures et contreproductives ? La doctrine du public managerialism, qu’illustre un itinéraire comme celui de C. Hood, mérite réflexion. D’une part, l’écoute et l’appropriation de l’analyse des politiques publiques par le monde des professionnels de l’action demeurent un souhait légitime sinon un objectif désirable. Encore faudrait-il s’interroger sur la part des effets de mode, des malentendus, quand ce ne serait pas celle de la crainte de voir qu’un accueil trop aisé pourrait plus simplement traduire le fait que l’analyse des politiques publiques distillée par le savant légitime paraphrase le sens commun plus qu’elle ne dévoile des phénomènes ignorés du politique. D’autre part, la dérive est plus grave lorsqu’elle touche des sciences non axiomatiques telles que la sociologie et la science politique – par opposition au droit et à la science économique – et dont la modélisation prescriptive en vient à formuler des postulats empiriquement contestables. S’agissant du public

managerialism, il repose explicitement sur l’affirmation qu’il s’établit une similitude croissante entre les

démocraties et entre les secteurs publics et le monde des affaires, autour de critères pour l’action tels que le

value for money, la contractualisation des agents, la substituabilité des producteurs de biens et services collectifs

ou encore la prééminence des couplages moyens et ressources-résultats et impacts ». Muller P. in Leca J., Muller P., Majone G., Thoenig J.-C., « Enjeux, controverses et tendances de l’analyse des politiques publiques », Revue française de science politique, vol. 46, n° 1, 1996, p. 104.

233 Saint-Martin D., Building the new managerialist State, Oxford : Oxford University Press, 2000.

234 S’il parvient à la subsumer sous une même catégorie et renvoie dans les deux cas à une certaine conception

de la démocratie néo-libérale, le discours de la gouvernance n’est cependant pas porté de la même manière selon que l’on penche de l’un ou de l’autre côté. Ainsi, pour D. Saint Martin : « Au cœur de la gouvernance se trouve une tension forte entre deux conceptions différentes de la démocratie : participative et représentative. Dans l’optique de la Third Way, la gouvernance, en privilégiant les réseaux sociaux et les partenariats avec la société civile, se présente comme une alternative à la logique bureaucratique de la social-démocratie de l’après guerre, et à la logique marchande de la « Nouvelle droite ». Voir Saint-Martin D., « La gouvernance en tant que conception de l’Etat de la « Troisième voie » dans les pays anglo-saxons », contribution au séminaire des

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appareillage conceptuel qui se veut celui d’une grande transformation235 – des structures et

des réalités socio-économiques – dont les principales caractéristiques seraient le démantèlement progressif de l’Etat-providence, le dessaisissement volontaire du politique au profit d’instances et institutions non-majoritaires de régulation telles que le FMI, la BCE ou des agences et ONG au fonctionnement calqué sur celui des entreprises privées. Le mythe de la gouvernance dépolitisée

Sous couvert de prise en compte accrue de la société civile et de démocratisation par la recherche d’une citoyenneté active, la gouvernance devient un outil de propagation de la stratégie de dépolitisation néolibérale axée sur le partenariat public/privé et des formes de dialogue fondées sur l’efficacité et l’adhésion en général à la démocratie et au marché. Ainsi que le souligne D. Saint-Martin : « La gouvernance est liée à la volonté de développer le capital social et de créer les conditions sociales nécessaires à une activité économique et politique efficace. C’est à cet égard d’ailleurs que l’on parle de « bonne gouvernance ». (…) C’est dans ses promesses d’ouverture à l’endroit de la société civile que la gouvernance est positivement reliée au renforcement du capital social236 ».

L’évangélisme du marché trouve ainsi dans la gouvernance – et plus encore dans la thématique de la « bonne gouvernance » – un cadre global de légitimation et d’actualisation sous la forme de réseaux sociaux et de partenariats hétérogènes (notamment avec la société civile) présentés comme alternative à la logique bureaucratique et aux pesanteurs étatiques :

« La gouvernance dépolitisée est un mythe qui correspond bien à l’air du temps. Comment ne pas être séduit par un programme qui marginalise le politicien, met les dinosaures bureaucratiques au musée et esquisse l’idée d’une action publique où l’intérêt général émergerait d’une coopération horizontale entre partenaires égaux. »237

235 D. Saint-Martin souligne ainsi l’émergence de nouvelles catégories phares comme « exclusion sociale »,

« capital social » (R. Putnam) ou « cohésion sociale » comme appartenant au contexte global de l’utilisation de la notion de gouvernance dans les mondes politiques ou académiques. Renvoyant à l’ouvrage majeur de Karl Polanyi, La grande transformation, l’auteur y voit le « lot de nouveaux concepts que les individus inventent pour décrire les changements qui surgissent dans les structures et les réalités sociales » caractéristiques d’un changement de paradigme dans lequel « l’attention des politiques publiques est de plus en plus dirigée vers la société ». Saint-Martin D., Ibid.

236 Ibid.

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Pour B. Jobert, la dépolitisation de la gouvernance et son érection en doctrine néo-libérale semblent davantage conduire à un étiolement du débat public et à un évidement des capacités d’apprentissage et d’intervention normative des autorités politiques qu’à une véritable capacité à embrasser et à traiter du caractère complexe et contradictoire des impératifs poursuivis par le politique. L’expertise procédant toujours plus de l’industrie de la consultation et des institutions internationales, il s’ensuit un dessaisissement de l’Etat au profit d’institutions non-majoritaires qui, bien loin de relever de pratiques des politiques neutres, semblent servir davantage aux intérêts de secteurs particuliers de l’économie.

« La gouvernance porte en elle une conception sectoralisée de la société et de la démocratie. Les promesses de participation, la négociation et la décision se font secteur par secteur, réseau par réseau, de façon ad hoc. Le défi pour l’avenir est que les enjeux puissent être débattus dans des espaces qui transcendent les intérêts sectoralisés de la gouvernance et soient communs à l’ensemble de la société. » 238

Largement réappropriée par les acteurs politiques et économiques, la gouvernance apparaît ainsi de plus en plus indissociable du slogan de la « bonne gouvernance », d’une rhétorique dominante dans laquelle même les références à la démocratie et à la société civile s’orientent dans une optique essentiellement néo-libérale, glissant vers une disqualification et un amenuisement de l’Etat au profit des groupes privés239. Quels qu’en

soient les ressorts – urbaine, territoriale, en réseau, démocratique – la gouvernance s’avère ainsi une formule éminemment problématique, comme le souligne P. Duran :

« […] L'art de la formule [la gouvernance], pour utile qu'il puisse être dans sa capacité d'évocation, n'en a pas moins ses limites dont la plus manifeste est qu'il se prête aisément à un usage plus rhétorique que réellement scientifique. Le succès d'une notion est souvent, paradoxalement en apparence, inversement proportionnel à la fermeté de sa définition. Elle est d'autant plus utilisée en effet qu'elle présente l'avantage de s'appliquer facilement à un

état de choses, de suggérer commodément un état des choses, sans qu'il soit nécessaire pour

autant de spécifier la singularité de celui-ci. Si la sociologie ne peut se développer que par comparaison comme l'ont superbement démontré tant Durkheim que Weber, ce n'est que par l'élaboration exigeante de concepts dont la puissance analytique permet justement de restituer et d'expliquer la diversité sociale en rendant la comparaison possible. […] Un concept introduit logiquement une intelligibilité comparative. À défaut, le risque est de

238 Saint-Martin D., op. cit.

239 Hewitt de Alcantara C., « Du bon usage du concept de gouvernance », Revue internationale des sciences sociales, n° 155,

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perdre en consistance, de traiter la réalité sociale par approximation et de rester dans le registre de l'entendu et de la simple connivence. »240

Or les tentatives de « reconceptualisation » de la gouvernance apparaissent relativement faibles et souvent entachées d’un soupçon de complaisance néo-libérale : la littérature, notamment des politiques publiques, si elle invoque l’idée de gouvernance pour traduire et reformaliser un état de fait et de valeurs tend également pour une large part à légitimer et à renforcer ces processus. Jean-Gustave Padioleau, dans une critique acerbe de l’inconsistance inhérente à la multiplicité des usages de la gouvernance – de la Banque mondiale, aux journalistes jusqu’à la littérature des politiques publiques, affirme ainsi la nécessité de penser davantage le gouvernement politique, et la manière dont la gouvernance s’y insère :

« À cet effet, parmi d'autres, proposons, en contrepoint, un modèle simple de l'agir public collectif dans les sociétés libérales pour mettre à jour un type-idéal du gouvernement politique et de son principe de domination légitime. Selon le modèle du gouvernement politique, les phénomènes de gouvernance représentent des activités stratégiques et tactiques pour mettre à l'écart, voire pour rendre illégitime, tout du moins pour mettre en concurrence la légitimité de la domination libérale du politique. L'enquête analytique décompose, « biodégrade » les phénomènes de gouvernance pour faire voir leur appartenance au problème classique des luttes et des guerres de pouvoir. Penser le gouvernement politique contraint à offrir un type idéal dans lequel s'insèrent les « principes », les ressorts des sociétés politiques libérales – entre autres celui de la domination politique légitime – sans pour autant les juger, mais au titre de phénomènes factuels et de pratiques. Les gouvernantalistes et leurs compagnons de route s'en désintéressent ou les ignorent. »241

Si la critique de J.-G. Padioleau paraît radicale, fustigeant quasiment sous un format pamphlétaire la plupart des approches de gouvernance, et tout spécifiquement celle des politiques publiques, elle nous semble cependant constituer un appel salvateur à la vigilance. Pour autant, elle opère également une sorte de réductionnisme de la gouvernance, conçue comme discours de l’évidement du politique. Or notre inventaire critique de la notion de gouvernance dans l’analyse des politiques publiques, témoigne de sa polyvalence et de sa triple dimension descriptive, analytique et normative242. En ce sens,

240 Duran P., « Action publique, action politique », in Leresche J.-P., Gouvernance locale, coopération et légitimité : le

cas suisse dans une perspective comparée, Paris : Pedone, 2001.

241 Padioleau J.-G., « La gouvernance ou comment s’en débarraser », Le Banquet, n° 15, 2000, p. 7.

242 Comme l’énonce François Xavier Merrien, la notion de gouvernance répond à une triple ambition :

descriptive (rendre compte des transformations réelles des modes de gouvernement), analytique (proposer une grille d'interprétation des relations entre des réseaux institués et non institués) et normative (soutenir et faire advenir des transformations perçues comme positives, ainsi que l'illustre à sa façon le concept de good

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la gouvernance et la littérature sur la gouvernance constituent en quelque sorte un objet analytique à part entière, dans lequel se nouent, s’enchevêtrent schèmes de perception, discours et pratiques politiques émanant tant des acteurs politiques et des experts que de la littérature à vocation « scientifique ». Cet inventaire met en outre en lumière de multiples précautions à prendre pour saisir la gouvernance comme phénomène(s). Les réseaux d’action publique se constituent ainsi comme descripteur à repenser au-delà des secteurs d’activité préconstitués, ce qui va dans le sens de l’entrée par la normalisation que nous avons choisie ici. A l’identique, l’appréhension de la gouvernance comme phénomène ne saurait faire l’économie d’une analyse du pouvoir – et notamment de celui des Etats – et des idéologies.

Ainsi, au-delà du gouvernement politique et des mécanismes de domination légitime tels que les conçoit J.-G. Padioleau, la gouvernance interroge et façonne les formes de gouvernementalité. La gouvernance apparaît en effet bien comme instrument, procédure technique du pouvoir au sens foucaldien ; elle est l’énoncé général, dominant et circulant des modalités d’exercice du pouvoir politique. Equipés de ces précautions et grilles de lecture, il apparaît dès lors utile de mettre en perspective la gouvernance environnementale, en tant qu’elle constitue les cadres de pensée et d’action – le lieu – dans lesquels se déploie la prise en compte de l’environnement par le marché.

gouvernance et des Etats-providence contemporains », Revue internationale des sciences sociales, n° 155, 1998, p. 61-71.

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SECTION 2 :LA GOUVERNANCE ENVIRONNEMENTALE

En introduction de nos interrogations sur la gouvernance, nous avons souligné

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