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LA LIBERTÉ DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE ASSURÉE PAR LE DROIT

48. – Le temps n’est pas si lointain, à l’échelle de l’histoire humaine, où les généraux romains lâchaient des pigeons messagers, teints aux couleurs de la victoire ou de la défaite, pour en informer leurs gouvernants : la communication entre les individus a toujours su recourir à des formes variées, selon les époques et l’imagination des hommes. Le XXIème siècle amorce un nouveau processus de communication, instantanée, et d’information, à chaque instant, rendues toutes deux possibles par les nouvelles technologies. Si le temps des oiseaux messagers est révolu, celui d’une simple connexion à l’Internet est venu, au service de la même ambition.

49. – Dans ce contexte de chamboulement et d’accélération des relations humaines, que certains auteurs nomment « la société de l’information26», toute information devient accessible depuis tous les pays développés. La « révolution numérique », qui provoque des changements, toujours, des bouleversements, parfois, dans la façon de produire et de consommer, engendre une nouvelle économie fondée sur le réseau27, dont les Etats-Unis ont été les précurseurs, avant que l’Europe ne les suive plus tardivement, tandis que la Chine l’expérimentait, à l’abri des regards, sur son immense marché fermé.

50. – Parce que l’information et la communication permettent de relier tous les agents économiques des pays industrialisés, il est naturel que cette relation d’un type inédit ait rendu possible le développement entre eux d’un nouveau commerce, fruit constant du lien entre les hommes, appelé commerce électronique28, nourri de cet environnement dans lequel la vitesse de circulation de l’information est assurée par la technologie. L’information, en tout lieu et à tout instant, sous forme d’images, de sons et de textes, permet au consommateur qui le souhaite d’aboutir à la décision d’achat, tandis que les données qu’elle véhicule guident les entreprises dans leur stratégie commerciale.

26 BALIM Serge Théophile, « Une ou des « sociétés de l’information » ? », Hermès la Revue 2004/3, n°40, p.205 à 209, Consulté sur

https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2004-3-page-205.htm

27 CURIEN Nicolas, MUET Pierre-Alain, La société de l’information, Paris, La Documentation française, 2004, 310 p., ISBN : 2-11-005534-0, commentaire Elie Cohen et Michel Didier.

51. – Les Etats ont vite compris l’enjeu majeur d’un tel commerce qui, dans une économie présentant des signes d’essoufflement, représentait l’espoir d’une croissance nouvelle. L’initiative privée devait être encouragée, surtout pas ralentie, encore moins freinée. Le commerce électronique est né dans des sociétés à prépondérance d’économie de marché qui s’appuient sur la liberté. « Et de fait, l’économie de marché repose sur ce principe fondamental que tout un chacun doit pouvoir acheter ou ne pas acheter, travailler ou ne pas travailler, choisir sa vie économique comme sa vie sociale29 ». Pierre Dupont de Nemours déclarait « les fabriques et le commerce ne (peuvent) fleurir que par la liberté et par la concurrence »30.

52. – Dans ce contexte d’économie de marché, s’est alors posée la question de l’encadrement juridique de ce nouveau commerce. Tandis que certains jugeaient qu’il ne nécessitait aucune intervention législative, sous peine d’entraver son développement, le législateur - européen et national - a, pour sa part, choisi d’intervenir pour l’encourager, conscient de son impact, estimé très favorable, dans la croissance économique des Etats et de l’Union européenne. La liberté n’est pas synonyme d’« absence de règle » et la liberté « garantie par le droit » impose qu’elle soit encadrée par le droit afin qu’il pare à l’absence d’autorégulation du marché.

53. – Le droit positif a fixé les bases juridiques du e-commerce en tenant compte autant de cette exigence de liberté, sans freiner ni son accès ni son exercice, que de l’intérêt du consommateur. L’enjeu n’est donc pas de limiter la liberté mais bien de l’associer à l’intérêt du consommateur. L’initiative privée d’entreprise est encouragée au même titre que l’acte d’achat. Le droit s’adresse aux deux parties en relation par voie électronique, l’entreprise et le consommateur, car ils sont les deux acteurs par lesquels passe le développement du e-commerce : sans une considération simultanée pour l’un et pour l’autre, aucune transaction n’est possible et, pour cette raison, il ne convient pas de lire les règles de droit relatives au e-commerce sous le prisme de l’intérêt de l’un face à l’autre mais bien sous celui de l’intérêt de l’un et de l’autre. C’est en prenant en compte ce double intérêt, garant de la liberté du commerce, que le droit encourage l’exercice du commerce électronique (Titre 1).

29 DANIEL Jean Marc, « L’économie de marché : liberté et concurrence », L’économie politique, 2008/1, n°37, p.38 à 50 consulté sur :

https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2008-1-page-38.htm

54. – S’il est vrai que la liberté est le fil conducteur du cadre juridique permettant le développement du e-commerce, elle est partout encadrée31, et c’est à cette condition qu’elle atteint son but. La concurrence est, avec la liberté, l’autre pilier de l’économie de marché. Franck Knight, économiste américain, définissait, notamment, la concurrence par l’égalité : égalité sur le marché entre producteurs et consommateurs, mais aussi égalité entre producteurs32. L’observation du marché démontre que, son autorégulation n’étant généralement pas naturelle, dès lors que cet encadrement fait défaut, la liberté du commerce électronique est fragilisée : le risque est grand d’un empêchement à l’accès ou à l’exercice du e-commerce par certains acteurs, du fait de l’existence d’une distorsion de concurrence. Sans égalité sur le marché entre ces acteurs, c’est-à-dire sans une juste concurrence, la liberté même du commerce électronique est fragilisée. Il revient donc au droit de corriger les situations de concurrence faussée afin de sauvegarder l’entière liberté du commerce électronique (Titre 2).

31 CATALA Pierre, « Avant-projet de loi sur la communication, l’écriture et les transactions électroniques », Conférence lors de la seconde Convention des juristes de la Méditerranée, oct. 2009, p 8, consulté sur :

https://www.fondation-droitcontinental.org/fr/wp.contentuploads/2013/12/le_droit_du_commerce_electronique_-_pr_catala.pdf

TITRE 1

LA LIBERTÉ DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE