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L’APPLICATION DU PRINCIPE AU SEIN DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION

L’AFFIRMATION DE LA LIBERTE D’ENTREPRENDRE ET DE LA LIBERTE

B. L’APPLICATION DU PRINCIPE AU SEIN DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION

76. – Toute entreprise commerciale a la possibilité de mettre en place un réseau de distribution51. Cependant, ces réseaux peuvent être analysés comme une restriction de la concurrence puisqu’ils empêchent certains de pénétrer le marché, le fabricant pouvant sélectionner selon certains critères les distributeurs en charge de ses produits, ou n’accepter qu’un seul distributeur sur une zone géographique donnée. Or il convient de rappeler que la libre concurrence peut être considérée comme une expression de la liberté d’entreprendre, définie de façon plus large que dans son approche duale : c’est en assurant la libre concurrence que le droit assure la liberté du commerce, dans l’intérêt du commerçant comme dans celui du consommateur.

77. – Le règlement (UE) n°330-2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101 §3 du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées et, en droit interne, l’article L 420-1 du code de commerce permettent de concilier la liberté du commerce électronique avec l’existence d’un réseau de distribution,

51 VANDERCAMMEN Marc, JOSPIN-PERNET Nelly, Introduction à la distribution, éd. De Boeck, 2e éd., 2013, 240 p., ISBN-13 978-2804181511.

dans l’intérêt du développement du e-commerce, au profit des cyber-entreprises et des consommateurs.

1. La liberté du commerce électronique au sein de la distribution sélective

78. – Si le droit reconnait la légalité des réseaux de distribution sélective sous certaines conditions, il interdit par ailleurs au fournisseur d’interdire de façon absolue la vente en ligne de ses produits par ses distributeurs.

a. L’interdiction d’interdire de façon absolue la vente en ligne dans les réseaux sélectifs.

79. – Dans un réseau sélectif, le fournisseur vend ses produits à des distributeurs agréés, choisis suivant des critères spécifiques. Ce mode d’organisation de marché constitue une restriction verticale de concurrence visée par l’article 101 §1 TFUE et au sein du droit national par l’article L 420-1 code de commerce. Sous certaines conditions ces réseaux sont légaux (L 420-4 2° code de commerce), dès lors que les restrictions imposées aux distributeurs sont justifiées - si la nature du produit nécessite une compétence de distribution spécifique, une qualité d’infrastructures spéciale ou si la technicité du produit, ou son caractère luxueux, imposent un mode de réseau de distribution sélectif.

80. – Ces règles de droit, restrictives de concurrence, s’appliquent au e-commerce. Très tôt le Conseil puis l’Autorité de la concurrence52 n’ont cependant pas jugé acceptable que le fournisseur interdise totalement à son distributeur la vente en ligne de ses produits, ce qui constituerait une restriction supplémentaire au marché sélectif, au détriment du distributeur comme du consommateur. « Interdire l’interdiction » de la vente en ligne dans les réseaux sélectifs se fonde sur l’article L 420-1 du code de commerce.

81. – Au niveau européen, la Commission européenne analyse la vente sur internet comme une vente dite « passive » 53, ne pouvant être interdite, permettant au consommateur d’atteindre facilement le vendeur par le biais de la consultation du site marchand. Les nouvelles lignes directrices sur les restrictions verticales de la Commission européenne datant de 201054 spécifient que « tout distributeur doit être autorisé à utiliser internet pour

52 ADLC, avis, n°12-A-20 du 18 sept 2012, relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique, RDC 2013/1, p.139, note M. BEHAR-TOUCHAIS.

53 Commission européenne, Lignes directrices sur les restrictions verticales, OJ C 291, 13 oct.2000.

la vente de ses produits » et que le fournisseur « peut imposer des normes de qualité pour l’utilisation du site internet à des fins de vente de ses produits, comme il le ferait pour un magasin physique. Cette remarque pourrait s’appliquer à la distribution sélective ». Cependant, certains auteurs regrettent que ces principes de liberté du commerce électronique figurent seulement dans les lignes directrices, et non au sein même du règlement n° 330/2010 de la commission du 20 avril 201055 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE.

82. – Au niveau national, la Cour de Cassation autant que l’Autorité de la concurrence font une stricte application du principe de la liberté du commerce électronique - ce qui leur est parfois reproché56. Ainsi, l’Autorité de la concurrence reconnait-elle l’acceptation partielle et non totale d’une restriction de concurrence, constituée par une interdiction de vente en ligne, suivant que les produits nécessitent, ou non, un conseil approprié. L’Autorité de la concurrence57 considère que des produits HI-FI de haute technologie, qui réclament des conseils, des installations complexes, des modes de mise en service spécifiques pour assurer leur qualité et leur technicité, voient leur vente exclusive dans un magasin physique pourvu de la présence d’un conseiller professionnel justifiée. Néanmoins, la marque qui les commercialise ne peut interdire à ses distributeurs de mettre en vente en ligne ses autres produits, moins techniques, ne nécessitant pas, eux, les mêmes conditions de vente : dans ce sens l’interdiction totale de vente en ligne de produits HI-FI n’est pas acceptable, ce qui laisse ainsi toute possibilité aux distributeurs de vendre sur internet. Dans le même sens, la jurisprudence Bang & Olufsen58 du 13 mars 2014 confirme

la prohibition de l’interdiction totale de vendre sur internet, en distinguant les produits de la marque de haute technologie selon qu’ils nécessitent, ou non, une écoute ou des conseils avertis59.

83. – Un autre exemple fondé sur la recherche des caractéristiques du produit qui, elles seules, permettraient d’interdire la vente en ligne, se retrouve sur le marché de la

55 FERRIER Didier, VIERTIO KATJA, « Réforme des restrictions verticales : les enjeux de l’entrée en vigueur du nouveau règlement », Colloque Paris, 27 mai 2010, in Concurrences, n°3-2010.

56 VOGEL et VOGEL, « Les restrictions verticales dans la vente en ligne », 20 oct. 2014, consulté sur https://www.vogel-vogel.com

57 CDLC, décision n°06-D-28 du 5 octobre 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution sélective de matériels Hi-fi et Home cinéma (Bose, Focal, Triangle) ; V. aussi ADLC, décision 12-D-23 du 12 déc. 2012 (Bang et Olufsen)..

58 Paris, Pôle 5, 5e -7e ch., 13 mars 2014, n° 2013/00714, aff. Société BANG & OLUFSEN, Contrats concurrence consommation, mai 2014, n°5, comm. 18, note DECOCQ Georges.

cosmétique60. L’entreprise Pierre Fabre avait choisi de mettre en place une distribution sélective de ses produits cosmétiques par des pharmaciens, au sein d’officines pharmaceutiques ou de parapharmacies et, dans les contrats qui la liaient à ses distributeurs, figurait une clause interdisant la vente en ligne61. Certaines parapharmacies d’Outre-Mer, revendeurs des produits Pierre Fabre et souhaitant utiliser le e-commerce comme mode de vente, décidèrent de saisir les juges. L’Autorité de la Concurrence considérait que ces accords portaient atteinte aux consommateurs comme aux distributeurs, exclus d’un canal de distribution en pleine expansion62 alors qu’il convenait de donner toute liberté aux distributeurs de vendre en ligne. Le groupe Pierre Fabre résistait, par de nombreux recours, à l’opinion générale des juridictions nationales et européennes ainsi qu’àcelle de l’Autorité de la Concurrence63 qui se prononçaient en faveur d’une ouverture totale de la vente en ligne. La Cour de Cassation64, après avoir saisi la CJUE65 d’une question préjudicielle, a mis fin sans ambiguïté au litige en interdisant à l’entreprise Pierre Fabre de réserver la vente de ses produits dermo-cosmétiques aux seuls magasins dotés de la présence d’un pharmacien : la nature même de ces produits ne nécessitant pas de conseils particuliers, ils pouvaient dès lors faire l’objet d’une vente en ligne.

84. – La discussion est ainsi close66 : aucun produit ne supporte l’interdiction totale de la vente en ligne, laissant ainsi l’accessibilité au e-commerce à tout distributeur. La liberté du commerce en ligne prévaut sur l’intérêt de certains fournisseurs, et les consommateurs ne doivent pas être privés de la possibilité de l’achat en ligne d’une marque ou d’un produit, quelle qu’en soit la nature.

85. – La licéité de l’interdiction de vente en ligne n’est seulement reconnue que pour des motifs de sécurité ou de santé publique (interdiction de vendre des médicaments sur ordonnance, notamment) et en matière de création de nouvelle marque ou de nouveau

60 VOGEL Louis, « La distribution par internet après l’arrêt Pierre FABRE » , Concurrences n°1-2012, colloque réseau de distribution et droit de la concurrence, 2012.

V. aussi VOGEL et VOGEL, « Interdiction de vente sur internet dans le cadre d’un réseau de distribution sélective : une nouvelle évolution depuis l’arrêt Pierre FABRE ? », 5 mai 2017, consulté sur :

https://www.vogel-vogel.com/interdiction-de-vente-sur-internet-dans-le-cadre-dun-reseau-de-distribution-selective-une-nouvelle-evolution-depuis-larret-pierre-fabre/

61 Les articles 1.1. et 1.2 des CGV imposaient la vente des produits Pierre FABRE par un pharmacien ; de facto, la vente sur internet devenait interdite.

62 CDLC, décision n°08-D-25, 29 octobre 2008, Aff. Pierre FABRE Dermo-cosmétique SAS.

63 ADLC, avis n°12-A-20, 18 septembre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.

64 Com., 24 septembre 2013, n° 12-14.344.

65 CJUE, 13 octobre 2011, aff. C-439/09, Pierre Fabre dermato-cosmétiques SAS, RTDL 2011/76, n°2526, obs. L.COSTES et note J.L.FOURGOUX et L.DJAVADI ; CCE, janv. 2012, n°1, note CHAGNY Muriel ; JCP, 19 déc. 2001, n°51, note FERRIER Didier.

marché nécessitant des investissements importants67, ce qui déroge peu aux règles communes du commerce traditionnel.

86. – Les lignes directrices qui ont complété le règlement d’exemption du 20 avril 201068 affirment que : « en principe, tout distributeur doit être autorisé à utiliser internet pour vendre ses produits69 », et que « dans un système de distribution sélective, les distributeurs devraient être libres de vendre, tant activement que passivement, à tous les utilisateurs finals, y compris par internet. En conséquence, la Commission considère comme une restriction caractérisée toute obligation visant à dissuader les distributeurs désignés d’utiliser internet pour atteindre un plus grand nombre et une plus grande variété de clients […]70 ». Elles reconnaissent cependant au fournisseur la possibilité d’imposer des exigences de qualité au site marchand71. La justification de cette restriction mise en avant par le fabricant provient de la nécessité de préserver l’image de sa marque, et cette possibilité de soumettre les ventes en ligne de ses produits par ses distributeurs à certaines exigences ne semble en rien freiner l’accès au e-commerce si elles sont prises dans l’intérêt du consommateur.

b. Un possible encadrement de la vente en ligne

87. – Si l’interdiction d’interdire est retenue, certaines exigences du fournisseur quant à l’encadrement de la vente en ligne de ses produits par son distributeur restent parfaitement légales. C’est ainsi que :

Le fournisseur peut imposer la détention d’un ou plusieurs points de vente physiques au distributeur agréé. La licéité de cette exigence est appréciée au cas par cas par le juge, selon les caractéristiques des produits vendus.

88. – Cette exigence de points commerciaux physiques a été retenue par une décision de l’Autorité de la Concurrence72 en 2006, suivie par celle de la Cour d’Appel de Paris du 16 octobre 200773, laquelle a reconnu que le refus d’agrément du distributeur

67 GRANBOULAN Diane, Les restrictions aux ventes sur internet en distribution sélective : pour ou contre, Mémoire de Master II Professionnel - Droit européen des affaires, Université Panthéon –Assas Paris II, 30 août 2016.

68 Règlement européen n°330/2010/UE du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101 §3 du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées.

69 Comm. UE, Lignes directrices sur les restrictions verticales, 2010/C 130/01, 19 mai 2010, pt.52.

70 Eod. Loc. pt. 56.

71 Eod.Loc. pt. 52.

72 CDLC., décision n°06-D-24 du 24 juillet 2006 relative à la distribution des montres commercialisées par Festina France, RDLI 2006/20, n°624.

73 Paris, 1re ch., 16 octobre 2007, RDLI 2007/32, n°1089 ; Contrats concurrence consommation, oct. 2016, n°10, comm. 297, note MALAURIE-VIGNAL Marie.

Bijourama.com par le fournisseur Festina, au motif que le premier ne disposait pas de magasin physique, était justifié.

89. – Cette exigence vise, essentiellement, les produits de luxe en ce qu’ils nécessitent des normes de qualité particulières, mais les tribunaux ouvrent le débat pour chaque catégorie de produits74. Selon la qualité des produits (parfum, produit de haute technologie, etc…), le fournisseur peut donc exiger, ou non, l’existence d’un point de vente physique. L’Autorité de la Concurrence75 en 2012, a rappelé que cette exigence doit être justifiée, proportionnée et ne doit pas être un moyen d’exclure la vente en ligne. En effet, autoriser le fabricant à conditionner la vente électronique à la présence d’une boutique physique ne doit pas avoir pour but de freiner le commerce électronique mais seulement d’accompagner la clientèle, de mettre à sa disposition un lieu où assurer des conseils ou un service après-vente de qualité, dans l’intérêt du consommateur. Cette position s’explique par la volonté de donner au consommateur, dans certains cas, l’opportunité de voir le produit, et/ou de le tester.

90. – L’Autorité de la concurrence recommande de ne pas empêcher de façon systématique et injustifiée le déploiement des opérateurs, dits pure-players76, ne disposant pas de la moindre localisation physique. Les refus d’agrément des pure-players sont généralement justifiés par les fournisseurs au motif de l’éventuel parasitisme dont eux-mêmes seraient victimes de la part de ces pure-players, lesquels profiteraient de l’investissement physique et financier des distributeurs dans leur point d’ancrage sans avoir, pour leur part, participé à la moindre mise de fonds.

91. – Cette restriction 77 peut être également renforcée par une exigence supplémentaire relative à la durée de l’exploitation du point de vente physique. Le fabricant de certains produits peut ainsi exiger une exploitation « depuis un certain temps » (par exemple : au moins un an) afin que le distributeur acquière une expérience de la vente des produits de la marque. Il est établi que la présence sur le point de vente d’un conseil professionnel spécialisé constitue une exigence légitime. Les fabricants souhaitent ainsi à la fois donner la possibilité au client de demander conseil auprès de vendeurs spécifiquement

74 Comm. UE n°92/33 du 16 déc. 1991 relative à la procédure d’application de l’article 85 du traité CEE (IV/33-242- Yves Saint Laurent Parfums) et Comm. UE IP/01/173 du 17 mai 2001.

75 ADLC., avis n°12-A-20 du 18 septembre 2012, relatif au fonctionnement du commerce électronique, RDC 2013/1, p.139, note M. BEHAR-TOUCHAIS.

76 Vendeurs exclusivement en ligne ne disposant pas de points de vente physique.

formés et de tester les produits. La licéité de cette exigence a été reconnue par la Commission Européenne dans l’affaire B&W Loudspeakers78, fabricant d’enceintes audio, produits à forte technologie.

92. – L’accessibilité maximale au commerce électronique n’est pas remise en cause par ces exigences particulières, prises le plus souvent dans l’intérêt du consommateur.

Le fournisseur peut imposer à ses distributeurs certaines caractéristiques techniques et standards de qualité.

93. – Cette faculté est, elle aussi, conditionnée à la nécessité et à la proportionnalité des exigences aux spécificités du produit : elles peuvent avoir trait à la composition du site - qu’il s’agisse de son image, de son graphisme, de la présentation des fiches produits et des pages multimarques - mais elles peuvent aussi porter sur la simplicité du moteur de recherche, sur la présence d’une hotline encadrant un délai de réponse aux demandes des clients, sur l’interdiction de la livraison et de l’installation du produit par un tiers… Les fabricants exigent fréquemment de leurs distributeurs qu’ils leur soumettent toute forme de publicité numérique envisagée, qu’il s’agisse de la publicité du site lui-même, mais aussi de celle apparaissant sur ce site, ou sur un site tiers, ou à l’occasion, par exemple, de campagnes d’e-mailing.

94. – Le Conseil de la Concurrence dans une décision du 8 mars 200779 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle a détaillé les exigences possibles. Il en ressort que le site marchand doit avant tout respecter l’image de la marque et que l’interdiction faite aux revendeurs d’utiliser le nom de la marque en tant que mot clé en vue du référencement est considérée comme disproportionnée.

95. – L’Autorité de la Concurrence, dans un avis du 18 septembre 2012, a rappelé que « la faculté pour le fabricant d’organiser une distribution sélective de ses produits et de choisir des critères d’agrément conditionnant la vente en ligne au respect des critères prédéfinis n’est ni générale ni absolue, et peut être remise en cause si la restriction à la

78 Comm. UE IP/02/916 du 24 juin 2002.

79 CDLC, décision n°07-D-07 du 8 mars 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, RLDI 2007/33, n°1126 ; CCE, mai 2007, n°5, note CHAGNY Muriel.

distribution qui en découle porte atteinte à la concurrence sur le marché, sauf à ce qu’elle apparaisse admissible au bénéfice d’une exemption par catégorie ou individuelle »80.

96. – Ainsi, il revient aux tribunaux et à l’Autorité de la concurrence d’évaluer la légitimité des éventuelles restrictions à la distribution, lesquelles ne doivent en aucun cas empêcher l’accès et l’exercice du commerce électronique.

c. La vente sur plateforme : une épine dans la liberté du commerce électronique ?

97. – La liberté du commerce électronique nécessite que les distributeurs puissent avoir accès à ces modes de vente en ligne nouveaux, en plein essor, que représentent plateformes et places de marché. Une place de marché peut être considérée comme un point de vente numérique, comme une plateforme81 regroupant plusieurs vendeurs et assimilée à un simple intermédiaire ne prenant pas part au contrat de vente ou d’entreprise. Elle ressemble fort, sur la toile, à la galerie marchande physique du centre-ville et tient sa dénomination de l’analogie avec les pratiques historiques du commerce. Son utilité, désormais capitale, la rend incontournable dans les stratégies de vente. Si, par le passé, la prospérité de certaines villes était fondée sur la qualité de leurs foires ou de leurs marchés, la notoriété, aujourd’hui, d’une place de marché numérique dynamise réellement les ventes en ligne d’un cybercommerçant, quoique l’irruption de ce nouvel intervenant dans la relation commerciale ne soit pas sans conséquence, comme nous l’analyserons ultérieurement.

98. – Dans ce nouveau cadre, le fournisseur peut-il interdire à son distributeur la vente en ligne des produits qu’il lui fournit ?

99. – En 2014, l’Autorité de la Concurrence, dans une affaire SAMSUNG82 - société qui interdisait la vente de ses produits par ses distributeurs sur des plateformes numériques - a formulé que les plateformes pouvaient avoir « la capacité de satisfaire aux

critères qualitatifs des produits » et qu’ainsi, rien ne justifiait une telle interdiction.

S’appuyant sur la position de l’Autorité de la Concurrence, la Cour d’appel de Paris dans une affaire CAUDALIE considérait qu’une clause d’interdiction constituait une restriction

80 ADLC, avis n°12-A-20 du 18 sept. 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.

81 C. Consom., art. L 111-7 C modifié par la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

82 ADLC., décision n° 14-D-07 du 23 juillet 2014 relative à des pratiques de mise en œuvre dans le secteur de la distribution des produits bruns, en particulier des téléviseurs.

de la concurrence83. Sur renvoi après cassation84, la Cour d’appel de Paris85, en s’inscrivant dans la continuité de la jurisprudence de la CJUE reconnait la légalité d’interdire la vente sur plateformes de produits luxueux, dès lors que cette interdiction est proportionnée et nécessaire à la protection de l’image de la marque86. Dans le même sens l’Autorité de la Concurrence est venue préciser que l’arrêt COTY de la CJUE ne devait pas être limité aux produits de luxe, l’interdiction pouvant être justifiée, au cas par cas, par l’impératif de sécurité qu’impose la vente au consommateur de produits, dangereux ou non, mais dont il convient de s’assurer de la provenance ainsi que de l’absence de contrefaçons ou de malfaçons87.

100. – Ce revirement jurisprudentiel récent conduit à reconnaitre désormais au