• Aucun résultat trouvé

L’ENVOI DE COURRIERS ÉLECTRONIQUES SOUMIS AU CONSENTEMENT PRÉALABLE DU CONSOMMATEUR

§2 : LA SOUMISSION DE LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION AU PUBLIC AU RESPECT DE LA TRANSPARENCE

B. L’ENVOI DE COURRIERS ÉLECTRONIQUES SOUMIS AU CONSENTEMENT PRÉALABLE DU CONSOMMATEUR

228. – L’article 1 de la loi LCEN définit le courrier électronique comme « tout message, sous forme de texte, de voix, de son ou d’image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire, jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».

229. – La même loi conditionne la validité de la prospection directe - sous forme d’un courrier électronique vers une adresse mail, ou d’un sms - donc la légalité de ce mode de communication, au consentement de celui qui réceptionne le message.

230. – L’article L 34-5 du code des postes et communications électroniques retranscrit cette contrainte : le consentement de l’internaute doit être recueilli au préalable, selon le principe dit « opt-in ». Le législateur français s’oriente ainsi dans le sens de l’intérêt du consommateur, en lui demandant son autorisation. Cette position nationale va à l’encontre du principe « opt-out » - fondé sur la formule « qui ne dit mot consent », plus favorable à l’entreprise - lequel considère le silence de l’internaute comme une forme d’acceptation, selon le modèle de la loi fédérale américaine.

231. – Ce consentement doit s’exprimer librement par un acte positif191, ce qui interdit donc à l’entreprise d’avoir recours à une case pré-cochée. En pratique, figurent sur les sites marchands des formules du type « J’accepte de recevoir des offres commerciales de...», accompagnées d’une case à cocher.

232. – Cette exigence de l’obtention du consentement, exigé pour l’envoi de courrier électronique ou de SMS, est levée192, par exception, dans le cas où les coordonnées du

191 CPCE, art. L 34-5 alinéa 2 : « Pour l'application du présent article, on entend par consentement toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection directe ».

192 CPCE, art. L 34-5 alinéa 4 : « Toutefois, la prospection directe par courrier électronique est autorisée si les coordonnées du destinataire ont été recueillies auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'occasion d'une vente ou d'une prestation de services, si la prospection directe concerne des produits ou services analogues fournis par la même personne physique ou morale, et si le destinataire se voit offrir, de manière expresse et dénuée d'ambiguïté, la possibilité de s'opposer, sans frais, hormis ceux liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l'utilisation de ses coordonnées au moment où elles sont recueillies et chaque fois qu'un courrier électronique de prospection lui est adressé au cas où il n'aurait pas refusé d'emblée une telle exploitation. »

destinataire ont été recueillies dans le respect du traitement des données personnelles. Le client pourra se voir alors relancé par le commerçant, mais uniquement pour une même base de produits ou de services. Il est donc facile de définir ce cadre dans lequel le client peut recevoir des publicités sur le net, alors que le prospect doit toujours donner son consentement au préalable193.

233. – Si le consommateur peut se sentir l’objet d’un déferlement publicitaire au nom de la liberté de communication garantie à l’entreprise, c’est que, sur ce point, le droit n’arrive sans doute pas à conjuguer simultanément l’intérêt de l’entreprise au sien. Le double exemple des pop-up et des spams se révèle particulièrement éclairant en la matière :

234. – Le pop-up est une technique utilisée par les entreprises consistant à recourir à des fenêtres publicitaires qui s’ouvrent lors de la consultation d’un site web, fenêtres souvent perçues comme agaçantes par l’internaute qui ne les a pas sollicitées. Une interrogation porte sur leur légalité comme moyen de communication publicitaire.

235. – La réponse à une question écrite194 posée au Secrétaire d’Etat chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique en 2010 sur leur légalité a précisé195 que la publicité est protégée par le principe de la liberté d’expression, en vertu de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés, et qu’il n’existe aucun recours contre la publicité intrusive et spontanée lors de la consultation d’un site qui la met en œuvre : elle n’est pas répréhensible pour son intrusion dans la vie privée, bien qu’elle puisse l'être, cependant, en matière de gestion des données personnelles.

236. – La législation sur les courriers électroniques n’est pas applicable aux pop-up dans la mesure où ceux-ci ne remplissent pas la totalité des critères donnés par la définition des premiers196. En effet, techniquement, la fenêtre publicitaire apparaît, puis disparaît, sans

193 L’intéressé, qui a donné son consentement, garde la possibilité à tout moment, et sans frais, de revenir sur cet accord et le commerçant a l’obligation de mettre à sa disposition une adresse ou un moyen électronique pour exercer son opposition.

194 Question écrite n° 12371 de M. Gérard BAILLY, publiée dans le JO SENAT du 04/03/2010, p. 498 : « M. Gérard Bailly appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique sur les conséquences négatives de la publicité sur Internet, en très forte expansion. Les utilisateurs d'Internet sont de plus en plus gênés par l'augmentation de ces messages dont on se demande parfois s'ils sont toujours bien légaux ... notamment les "pop-up" (fenêtres publicitaires qui surgissent de manière spontanée sur le web) ou les annonces animées, voir sonores, qui apparaissent en cours de consultation d'une page en occupant tout ou partie de l'écran. Il aimerait donc connaître précisément la législation qui régit la publicité sur Internet, les moyens mis en oeuvre pour la contrôler et les sanctions prises en cas de défaillance ou d'illégalité ».

195 Réponse du Secrétaire d’Etat chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique publiée dans le JO SENAT du 2 nov.2010, p. 3122.

196 Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, art. 2 h : « tout

être stockée par l’internaute197. Selon la Commission Européenne198, les messages qui disparaissent lorsque le destinataire n’est plus en ligne ne sont pas considérés comme des courriers électroniques : le régime opt-in ne leur est donc pas applicable et, pour cette raison aucune autorisation ne doit être demandée par l’entreprise pour leur envoi.

237. – Quant à l’utilisation du spam, comme moyen de communication par certaines entreprises, la loi LCNE du 21 juin 2004, dans son article 22199 pose le principe de son illégalité.

238. – Le spam est défini par la Commission National de l’Informatique et des Libertés comme étant « un envoi massif, et parfois répété, de courriers électroniques non sollicités, le plus souvent à caractère commercial, à des personnes avec lesquelles l’expéditeur n’a jamais eu de contact et dont il a capté l’adresse électronique dans les espaces publics de l’Internet : forums de discussion, listes de diffusion, annuaires, sites web, etc. » 200. Les spams représentent pour le consommateur une nuisance réelle et fréquente alors que, pour l’entreprise, ils sont peu coûteux et simples à mettre en place, tous avantages rendant séduisant leur usage. L’entreprise peut acheter facilement des fichiers d’adresses, utiliser des logiciels « mangeurs d’adresses mail » - qui repèrent chaque @ indiquant la présence d’une adresse électronique - ou d’autres encore, lesquels établissent toutes les combinaisons d’adresses possibles à partir d’un nom de domaine, à l’insu de l’intéressé.

239. – Une étude montre l’ampleur de ce procédé de spamming, « pollupostage », ou « pourriel » québécois : en 2007, la part du SPAM atteignait 80% du trafic mondial d’emails201. Le spamming, considéré comme une pratique commerciale agressive, donc néfaste pour le consommateur, pose un double problème juridique : cette invasion non consentie de messages publicitaires répétés est en mesure d’altérer la liberté de choix du

message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau public de communication qui peut être stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».

197 CAHEN Murielle, Légalité des pop-up, consulté sur : http://murielle-cahen.com/publications/p_popup.asp

198 Question 3392/02 by Astrid THORS du 28 nov. 2002, réponse by Mr LIIKANEN du 27 janv. 2003, Official Journal of European Union, C155 E/148 du 3 juillet 2003.

199 « Sans préjudice des articles L. 33-4-1 du code des postes et télécommunications et L. 121-20-5 du code de la consommation tels qu'ils résultent des I et II du présent article, le consentement des personnes dont les coordonnées ont été recueillies avant la publication de la présente loi, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'utilisation de celles-ci à fin de prospection directe peut être sollicité, par voie de courrier électronique, pendant les six mois suivant la publication de la présente loi. A l'expiration de ce délai, ces personnes sont présumées avoir refusé l'utilisation ultérieure de leurs coordonnées personnelles à fin de prospection directe si elles n'ont pas manifesté expressément leur consentement à celle-ci. »

200 CNIL, Rapport du 14 octobre 1999, Le publipostage électronique et la protection des données personnelle.

consommateur et cette récupération d’adresses électroniques à l’insu de l’internaute porte atteinte à sa vie privée.

240. – Confronté à cette progression dont se plaignaient ses clients, un fournisseur d’accès à internet (FAI) a tenté de bloquer à la source, par le biais d’un filtre spécifique, les messages illégaux (spam) avant qu’ils n’arrivent dans leurs boites mails. Mais il a été jugé qu’il n’était pas dans ses attributions de « faire le ménage » dans les spams reçus par ses clients et qu’il avait, au contraire, l’obligation de neutralité de ses services202. Sans définition juridique du spam, il est donc impossible pour un FAI de préjuger du caractère illégal d’un envoi publicitaire. En outre, le FAI ne dispose d’aucun moyen de savoir si son client a accepté préalablement l’envoi de publicité, s’il peut revenir sur sa décision, bref nul ne lui attribué le rôle de police des spams.

241. – Il semblerait que le volume des Spam dans les boites mail tende à diminuer grâce à la technologie utilisée à la fois par les fournisseurs d’accès mettant en place, gratuitement ou non, des antivirus de messagerie, et par les consommateurs se dotant d’anti-spam. Il convient aussi d’évoquer le site internet « Signal-spam » mis en place au service des professionnels et des particuliers qui analyse puis transfère aux différents acteurs de la lutte contre le spam leur signalement203.

242. – Produire des informations publicitaires à des destinataires seulement connus par leur adresse, postale ou électronique, a longtemps été la règle unique. Le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication rend possible d’affiner la prospection en analysant la cible, considérée non plus comme une simple adresse, mais comme un véritable sujet fait de chair et d’os, puissamment décrit par les données qu’il communique à son sujet. Dès lors, collecter les données, puis se doter des moyens de les analyser, ouvre à l’entreprise de nouvelles opportunités quant à l’efficacité du ciblage de la communication, aussi bien dans son intérêt (patent) que dans celui (supposé) du consommateur. L’ampleur du recours à l’utilisation de la méthode dans le commerce électronique la rend incontournable.

202 Paris, Pôle 1, 8e ch., 10 mars 2017, n°16/03440, CCE, mai 2017, n°5, comm., LOISEAU Grégoire ; Dalloz IP/IT, 31 déc.2017, note NAFTALSKI, Fabrice.

203 Comment lutter contre les spams, 26 déc. 2018, disponible sur : https://www.economie.gouv.fr/entreprises/comment-lutter-contre-spams

243. – Cette collecte et cette analyse, tant qu’elles sont licites, font des données à caractère personnel le nouvel or noir du commerce électronique.

SECTION 2 – LA COMMUNICATION CIBLÉE DANS LE