• Aucun résultat trouvé

Les libérau

Dans le document Tradition, vocation et progrès - RERO DOC (Page 67-77)

Introduction à la partie

Chapitre 3. Les défis politiques de la bourgeoisie après

3. Les libérau

Le groupe libéral s'oppose politiquement à la tendance conservatrice. S'il est une chose certaine, c'est bien celle-là. Au-delà de cette vague formule, il paraît difficile à la lecture de l'historiographie de donner une définition précise du libéralisme, d'autant que ce mouvement renvoie de nos jours à un groupe politique, ce qui biaise encore plus la réflexion. Michel Delon donne une définition fort complète du libéralisme.305

Né des Lumières, le mouvement libéral prône simplement un renversement du lien entre individus et état. "L’état n’est plus le maître de l’individu, mais doit être à son service".306

Les libéraux ont pour objectif de libérer les individus du joug autoritaire des Etats, qui peut s'exprimer soit par le biais d'un système monarchique, soit par une stratification sociale identique à celle en vigueur à Genève. Par extension, ce combat touche également l'organisation économique, qui doit être laissée à l'entreprise individuelle. Cela implique que le mouvement libéral connaît primitivement deux tendances: l'une sociale et l'autre économique.

La difficulté provient du fait que ce groupe est vaste et lâche, et qu'il peut inclure des hommes de différentes origines sociales. Alors que les pères fondateurs du libéralisme genevois sont tous des bourgeois, la Régénérescence de 1830 provoque des scissions avec l'émergence d'un courant de pensée "radicale" qui devient le véritable parti révolutionnaire. Les radicaux, contrairement aux libéraux, recrutent l'essentiel de leurs forces en dehors de la classe bourgeoise, par exemple à Genève au sein de la Fabrique.

Notre analyse du mouvement libéral à Genève doit également laisser une place à l'Association du

Trois mars, organe de contestation qui est à l'origine du renversement politique qu'a connu Genève

entre 1842 et 1846. Malgré sa durée de vie très courte, de mars à décembre 1841, le Trois mars tient une place centrale comme détonateur d'une révolution que les élites ne peuvent plus juguler.

304

RIGAUD, Jean-Jacques, "Politique fédérale et cantonale en 1830" fragments II, in CRAMER, op. cit., p. 396

305

DELON, Michel, Dictionnaire européen des Lumières, Paris, 1997, p. 645-648. Ce dernier précise par exemple que le terme est apparu d'abord en Espagne en 1812, puis est "attesté dès 1823 dans le lexique de Claude Boiste".

Ibidem, p. 645.

306

3.1. Les pères du libéralisme genevois

Il est impossible de comprendre le groupe libéral, sans inscrire le débat strictement politique dans une réalité économique et sociale qui se fait jour à partir de la révolution française. Des idées neuves liées à la science politique ainsi que de nouvelles technologies apparaissent. Ce qui divise avant tout, c'est la nature du progrès à adopter. Quelle place donner aux nouvelles technologies, dans quelle société plus ou moins égalitaire? Genève était au centre de l'Europe scientifique. Cela était vrai pour les sciences pures, mais également pour les idées. En proue, la figure emblématique de Jean-Jacques Rousseau continue à rayonner au XIXe siècle malgré l'opprobre des familles bourgeoises.307 Les

pères de l'économie politique, Ricardo et Smith, ont connu à Genève un relais pour leurs idées et des disciples, tels Jean-Baptiste Say,308 Etienne Dumont309 et Sismondi.310 A ces théoriciens de l'économie

politique, il est nécessaire d'ajouter des scientifiques et des philosophes, tel Pierre Prévost, qui constituent, au milieu des troubles de la Révolution française, un îlot foisonnant d'idées nouvelles. La

Bibliothèque Britannique, fondée en 1796, sert de porte-voix à ce groupe, qui a des connections

scientifiques dans toute l'Europe. Madame de Staël, fille du banquier Necker, canalise autour d'elle le dynamisme de ces nouveaux penseurs. Réuni dans sa demeure de Coppet, ce premier noyau de libéralisme proche de Genève, surnommé le "groupe de Coppet", anime en premier le débat politique d'idées libérales.

La relation entre les libéraux et les Français a évolué rapidement. Si la plupart des libéraux se sont d'abord mis en accord avec l'Annexion, pensant par là profiter d'un grand marché unifié, l'évolution économique de Genève pendant la période française a rapidement renversé cette tendance. L'annexion de 1798 s'est vite transformée en occupation, et le commerce genevois, de même que l'industrie, n'ont pas été favorisés par l'unité politique. Le départ des Français devient une occasion pour les libéraux de proposer l'application de leurs idées.

Jean De Salis, qui a écrit une biographie de Sismondi,311 marque une différence d'origine entre les

représentants de deux groupes de libéraux, soit une tendance scientifique et une tendance sociale. Pour lui, "tandis que les savants appartenaient à l'aristocratie, les écrivains se recrutaient au sein de la bourgeoisie".312

Cette différente de classe, que nous avons refusé de faire, est une conséquence du

307

Le 12 juin 1762, les exemplaires de l'"Emile" et de "Contrat Social" avaient été saisis par les autorités chez les libraires. La condamnation avait suivi le 19 juin. Lorsque dans les années 1820, il est question d'ériger une statue au philosophe originaire de Genève, des conservateurs, dont Charles Malan crient au scandale. SHAG, Histoire

de Genève des origines à 1798, Genève, 1951, p. 446-450; Voir notamment MALAN, Charles, La statue de Rousseau, réponse d’un citoyen de Genève chrétien à la demande qui lui est faite de contribuer à l’érection de ce monument, Genève, 1828; MALAN , Charles, Rousseau n’a-t-il rien fait pour sa patrie ?, Genève, 1828.

308

Jean-Baptiste Say (1767-1832). Célèbre pour avoir diffusé, en 1803 la pensée d'Adam Smith en France. Voir notamment sa publication la plus célèbre: SAY, Jean-Baptiste, Traité d'économie politique, Paris, 1803.

309

Etienne Dumont (1859-1829). Une biographie retrace l'histoire de ce libéral. MARTIN, Jean, Etienne Dumont:

1759-1829, l'ami de Mirabeau, le voyageur, le patriote genevois, Neuchâtel, 1942.

310

Charle Simonde de Sismondi (1773-1842), dit Sismondi. Les ouvrages biographiques concernant Sismondi sont plus nombreux que pour les deux précédents. Nous nous contentons ici de citer le plus récent. De plus, William Rappard a publié une intéressante étude comparative des principaux économistes genevois du XIXe siècle. Voir WAEBER, Paul, Sismondi, une biographie: les devanciers et la traversée de la Révolution. Chroniques

familiales, tome I, Genève, 1991; RAPPARD, William, Economistes genevois du XIXe siècle : Necker, Bellot, Sismondi, Cherbuliez, Rossi, Genève, 1966.

311

Voir SALIS, Jean (de), Sismondi 1773-1842, la vie et l'œuvre d'un cosmopolite philosophe, Paris, 1932.

312

niveau de fortune. Tandis que les familles riches et disposant d'un réseau de relations étendu peuvent plus facilement envoyer leurs enfants suivre des formations coûteuses, les simples bourgeois ne disposent généralement que de l'éducation dispensée par l'Académie de Genève. Pour Genève, le terme d'aristocratie est délicat, surtout s'il est mis en exergue d'une classe bourgeoise. De plus, cette division est contestable en regard des nombreux personnages qui s'en détachent. Bien des savants du XIXe siècle, Daniel Colladon (1802-1893), Charles Marignac (1817-1894), Charles François Stürm (1803-1855), Louis Soret (1827-1890) sont issus de familles n'appartenant pas à l'aristocratie,313

selon l'acception de Jean De Salis.

Ce dernier convient par ailleurs que le ciment de la religion protestante est incontestable: "Ce caractère commun [l'appartenance à la religion protestante] donne, malgré les différences particulières, de la cohésion à la phalange des penseurs genevois, et les distingue des autres groupes, de philosophes ou de savants de la même époque".314

A la tête de la tendance scientifique se trouvent les personnalités de renom, comme Simon-Antoine L'Huillier, Marc-Auguste Pictet, Horace De Saussure, puis plus tard des ingénieurs, comme Guillaume-Henri Dufour et Daniel Colladon, membres d'un groupe professionnel en devenir qui va gagner en importance au cours du XIXe siècle. Les membres de la tendance sociale ne sont pas aussi homogènes. Des juristes s'y côtoient, comme Rossi, des professeurs de l'Académie, comme Pierre Prévost dont le savoir encyclopédique ne pouvait le limiter aux sciences pures, des pasteurs comme Etienne Dumont, et d'autres encore, parmi lesquels se trouve Sismondi.

En 1815, lors de l'élaboration de la Constitution conservatrice, les libéraux font connaître leurs oppositions, en tentant de faire modifier le projet sur plusieurs points. Ils n'y parviennent pas, et leurs démarches, notamment la "pétition des 16",315

provoquent de fortes réactions parmi les conservateurs. Le vote final de la Constitution qui prend la forme d'un plébiscite, puisqu'on dénombre 2444 voix "pour" et 334 voix "contre" cache pourtant de profondes divisions au sein même de la classe dirigeante,316 qui réussit cependant à rester unie après le scrutin. Plusieurs facteurs

expliquent le ralliement des libéraux au projet. Plus que tout, la population craint les désordres des années 1792-1798. Aux mauvais souvenirs de la révolution, les libéraux ajoutent le tort que l'instabilité politique confère à l'activité économique. Cette crainte, ravivée à l'occasion des Cent Jours, est l'une des motivations qui a poussé les Genevois à remettre le pouvoir entre les mains de ceux qui en avaient été privés de force en 1792. A ce sujet, l'exemple de Bernard Naef, un conservateur, est intéressant. Issu d'une famille de Natifs devenue bourgeoise suite aux troubles révolutionnaires de 1792, Bernard Naef a toujours conservé un regard critique sur les événements

313

L'ouvrage édité par Jean Trembley comprend, dans son chapitre IX, plusieurs biographies de savants genevois. TREMBLEY, Jacques Ed, Les savants genevois dans l'Europe intellectuelle du XVIIe au milieu du

XIXe siècle, Genève, 1987.

314

SALIS, Jean (de), op. cit., p. 4-5.

315

RIGAUD, Jean-Jacques, "Restauration de Genève, année 1813-1814" fragments I, in CRAMER, op. cit., p. 369.

316

Le résultat s’explique en grande partie par le système de votation "à l’oreille", qui consiste à indiquer oralement la nature de son vote à un scrutateur, qui doit alors consigner ce dernier dans le registre de la votation. Le peu de confidentialité de ce mode de votation influence de manière certaine le résultat. Jean-Jacques Rigaud, un des scrutateurs, témoigne dans ses mémoires sur ce vote : "Quelques soins que nous missions à consigner secrètement sur le registre des votes, le seul fait qu’après chaque vote nous devions faire une barre sur une page différente, suivant que le vote était affirmatif ou négatif, rendait facile aux nombreux spectateurs de découvrir quel était le vote de chaque individu." Ibidem, p. 371.

politiques genevois, tout en se montrant "respectueux envers les magistrats que se donna notre république dans la personne de ceux qui s'étaient dévoués pour elle."317

Bien que la Constitution de 1815 lui parut en recul, "il ne manifesta pas son opposition."318 Beaucoup de Genevois ont agi de

même lors de la restauration.

Les libéraux quant à eux, n'imaginent pas soulever des réactions aussi vives par leurs contestations. Sismondi, qui publie quelques semaines après le vote une brochure polémique,319

préfère la retirer le lendemain de sa publication, après avoir essuyé les premières critiques des nouvelles autorités.320 Il

l'annonce aux syndics dans une lettre qu'il écrit à Des Arts, en soulignant que "c'est la troisième fois qu'il sacrifie son opinion au désir de ne pas troubler la paix de la Patrie."321 Cette réaction de

Sismondi est symptomatique d'un comportement général parmi des pères du libéralisme à Genève. Ces derniers ont tenté de lancer un débat, mais devant l'opposition des conservateurs qui ont pris en main les affaires de l'Etat, ils renoncent à mener trop loin leur contestation. Avant toute chose, le respect mutuel que se vouent les deux groupes opposés est à mettre en évidence, car découlant d'un statut social par essence identique. Ce premier groupe doit donc être différencié des autres, en le qualifiant de libéral-modéré ou de libéral-bourgeois.

Le recul en forme de ralliement des libéraux n'a d'ailleurs pas été à sens unique. Les libéraux- modérés n'ont pas provoqué une réaction stérile des autorités, qui sont restées ouvertes au dialogue, pour autant que ce dernier s'effectue en ordre, suivant les règles établies par la Constitution. Dès les premières réunions du Conseil Représentatif, les libéraux sont actifs en son sein pour faire évoluer la démocratie genevoise naissante vers leurs objectifs démocratiques. Dès 1830, ils mettent leurs espoirs dans la formule du premier syndic Rigaud de "progrès graduel", qui montre clairement que le gouvernement ne peut plus faire la sourde oreille à certaines de leurs revendications. Le principe du "progrès graduel", qui est justement d'éviter une nouvelle révolution, a cependant divisé encore plus l'opposition, en radicalisant l'aile la plus extrême.

3.2. La mosaïque libérale

Mouvement de réflexion, le libéralisme est avant tout un foisonnement d'idées, où chaque pensée s'affronte librement, créant ainsi un flou autour d'élus qu'il est parfois difficile de comparer. Au sein même de la classe bourgeoise, les divisions sont nombreuses, et chaque individu a son idée propre sur chaque question. En considérant le libéralisme comme un mouvement logique, dont la progression au sein de la société (et donc des organes politiques) est inéluctable, il n'est pas possible de dresser un panel des couleurs politiques. Il faut tenir compte du facteur temporel. Jean-Jacques

317

NAEF, Henri, La famille Naef et le lignage de Gattikon en Suisse Romande, Lausanne, 1932, p. 158.

318

Ibidem.

319

SISMONDI, Jean Charles Léonard, Sur les lois éventuelles, Genève, 1814.

320

SALIS, Jean (de), op. cit., p. 247.

321

Ibidem. Les deux autres "sacrifices" dont parle Sismondi, sont d'une part la non-publication d'un discours prononcé aux promotions, et surtout son ralliement au projet de Constitution.

Rigaud a une origine conservatrice indiscutable, mais il verse dans le libéralisme avant 1842,322 même

si cette évolution ne fait pas l'unanimité.323

Les libéraux représentent une mosaïque de personnalités. L'intérêt n'est pas de savoir qui est libéral, mais depuis quand, en excluant naturellement les conservateurs qui, en 1842, bloquent toujours devant l'inexorable marche du progrès social. Antoine Fazy-Pasteur, par exemple, est un libéral affirmé et des plus actifs dès 1814. Industriel, parent de James Fazy, il est par la régularité de son engagement politique un des leaders du libéralisme à Genève.324 Mais Fazy-Pasteur marque déjà le

renouveau du libéralisme genevois. Plus jeune que les pères du libéralisme, il en incarne un visage différent, puisqu’ engagé dans une affaire industrielle, il n'est pas comparable à ses aînés, publicistes, juristes, économistes, etc. Fazy-Pasteur, avant d'être un homme de théories, est un homme d'action. Il en est de même avec des personnages comme Guillaume-Henri Dufour,325 dont le libéralisme est à

mettre en regard de sa formation. Ingénieur,326

Dufour est un homme d'ordre qui jouit d'un respect important,327 aussi bien du côté des conservateurs que du côté des libéraux. Lui seul en tant que

militaire et ingénieur, réussit à jeter les premiers ponts au-dessus des remparts de la cité, en faisant tomber le défi technique et le défi politique d'un affaiblissement du système de défense.

Par leurs actions au sein du Conseil Représentatif, les libéraux remportent de notables victoires politiques, et ne cessent d'alimenter les débats de revendications nouvelles. Leur accession aux bancs du parlement a été facilitée par l'abandon de la Rétention en 1819, ainsi que la première baisse du cens électoral. Partisans du suffrage universel, ils ne vont cesser de réclamer la suppression de cet impôt électoral. En 1832, ils remportent une première victoire lorsque Rigaud lui-même soutient l'idée d'une baisse du cens. "Les motifs du Conseil d’Etat (…) sont tirés de l’état moral du pays, des progrès en tout genre faits par la population genevoise, qui doivent faire supposer que le nombre de citoyens capables d’être de bons électeurs, a dû augmenter depuis 1819".328 L'argumentaire est riche

de subtilités. Le premier syndic soutient l'abaissement du cens, qui prend la forme d'une récompense,

322

François Ruchon considère Rigaud comme libéral dès 1830, RUCHON, op. cit, vol I, p. 168.

323

Paul Lullin, un conservateur sans concession, classera en 1841 Rigaud parmi les personnalités "flottantes", c'est-à-dire ni radicale ni conservatrice. Le terme de "libéral" n'est pas utilisé par Lullin. LULLIN, Paul, Journal des

événements de 1841 à 1846, manuscrit, BPU Ms Suppl. 1400-1401.

324

Au sujet de Fazy-Pasteur, voir MOLINA-DESMEULES, Carrière politique d'un libéra l genevois du XIXe

siècle: Marc-Antoine Fazy-Pasteur, mém. Lic. Fac. Des Lettres, Univ. De Genève, Genève, 1982.

325

Voir notamment BRULHART, Armand, Guillaume-Henri Dufour : génie civil et urbanisme à Genève au XIXe

siècle, Lausanne, 1987; DURAND, Roger [éditeur], Guillaume-Henri Dufour dans son temps 1787-1875, Actes

du colloque Dufour, Genève, 1991.

326

Le monde des ingénieurs ne s'affirme comme acteur du développement économique en Suisse qu'à partir de 1848. PAQUIER, Serge, "La naissance de l'ingénieur électricien, origines et développement des formations nationales électrotechniques", in BADEL, Laurence [ed.], Histoire de l'électricité, actes du troisième colloque international d'histoire de l'électricité, Paris, 1994, p. 252. La question de la place des ingénieurs à Genève pendant le XIXe siècle est traitée dans le chapitre 14 point 1 de ce travail.

327

La famille Dufour est bourgeoise de Genève depuis 1641, lorsque Jacques achète ses lettres de bourgeoisie. DURAND, Roger [éditeur], Guillaume-Henri Dufour dans son temps 1787-1875, Actes du colloque Dufour, Genève, 1991, p. 27.

328

AEG, "Rapport sur le projet de loi constitutionnel relatif à l’abaissement du cens électoral, présenté le 16 avril 1832", in Mémorial du Conseil Représentatif, vol. 9 (1832) , p.1183.

sans toutefois remettre en question son utilité. Le cens électoral, diminué,329 ne tarde pas à

représenter une faible somme, comme le montre le graphique ci-après.

Graphique 3.1. Evolution du cens électoral genevois pendant la période représentative (1814-1842)

Elaboré à partir de SHAG, Histoire de Genève de 1798 à 1931, Genève, 1956, p. 79, 85 et 86.

Les fonctions parlementaires s'ouvrent plus facilement, théoriquement, aux élus issus de familles non- bourgeoises. Cette tendance se confirme en janvier 1831 avec l'adoption du système d'élections directes par l'ensemble des électeurs.330

Dès cet instant, le mouvement libéral est renforcé. A côté de l'aile bourgeoise se développe dès lors un courant identique, majoritairement de tendance sociale, au sein de la population non-bourgeoise. Composée de riches commerçants pour une grande part, cette nouvelle aile du libéralisme trouve l'opposition trop molle, et désire plus de réformes. David-Etienne Gide, avocat brillant qui fait partie de ce groupe, n'accède au Conseil Représentatif qu'en 1837,331

329

L'abaissement du cens vise à contrebalancer le désintérêt de la population pour la vie politique. Il passe de 25 à 15 florins en 1832, puis à seulement 7 florins en 1835. Le mouvement de baise du cens s'est donc considérablement accéléré dès 1830. SHAG, Histoire de Genève de 1798 à 1931, Genève, 1956, p. 79, 85 et 86.

330

SHAG, op. cit., p. 84; RUCHON, op. cit., vol. I, p. 176-177; Cette loi a été adoptée le 24 janvier 1831, AEG,

Mémorial du Conseil Représentatif, séance du 19 janvier 1831, vol. 6 (1830-1831), p. 609.

331

MONNIER, Marc, David-Etienne Gide, Genève, 1869, p. 15. 0 10 20 30 40 50 60 70 1814 1816 1818 1820 1822 1824 1826 1828 1830 1832 1834 1836 1838 1840 1842 Année

quelques années après Simon Delapalud, toujours prompt à intervenir au parlement pour soutenir les positions libérales.332

3.3. La substitution "radicale"

En 1830, au moment des mouvements de Régénération, la scène politique libérale se modifie. Plusieurs grandes figures du libéralisme genevois se sont éteintes: Pictet de Rochemont, Pictet- Diodati et Etienne Dumont sont morts; Benjamin Constant décède en 1830. Déçu par l'évolution de la situation, Rossi quitte Genève pour Paris.333

Enfin, Pierre Prévost décède en 1839, après avoir été partiellement paralysé par un accident survenu en 1837.334 La perte de ces illustres députés,

additionnée aux troubles révolutionnaires qui se produisent partout autour de Genève, modifient le paysage politique et diminuent encore l'assise des élites libérales. Du premier groupe de libéraux genevois, seul subsiste Sismondi, qui décède en 1842, soit quelques mois après la chute du Conseil Représentatif, et pendant les mois d'existence de la Constituante dont il fait partie.

Le mouvement radical naît aux environs de 1830. Son développement est rapide, accéléré en 1839 par les difficultés économiques apparues alors autour du secteur horloger,335 d'où un développement

porté essentiellement par le faubourg industriel de Saint-Gervais. Etant composé de non-bourgeois, le mouvement radical ne sera traité dans cette étude que comme acteur et pression extérieurs.

3.4. L'association du Trois mars

Pour terminer le panorama des groupes politiques bourgeois, il est indispensable de parler de

Dans le document Tradition, vocation et progrès - RERO DOC (Page 67-77)