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Conclusion du chapitre :

2.1. Le dispositif d’enquête

2.1.1. Les zones d’enquête

Trois communes burkinabè ont été choisies au sein du bassin de production de l‘anacarde (Carte 10). Ces communes, Toussiana, Kourinion (région Hauts-Bassins) et Sidéradougou (régions des Cascades) ont été sélectionnées sur la base de données statistiques (RGA 2006, EPA 2008-9), des monographies communales et d‘une série d‘enquêtes exploratoires permettant de :

- maîtriser un certain nombre de variables (la frange pluviométrique, le grand groupe ethnique – les dioulas-, la taille de l‘unité-géographique : entre 3 000 et 6 000 habitants pour le chef-lieu de commune)

- et d‘en faire varier d‘autres : la structure socio-politique et économique du village, la distance différenciée aux axes de circulation nationaux (et donc goudronnés) (tableau 3).

Les communes de Toussiana et Kourinion sont assez similaires en termes de structuration socio-politique : elles font toutes deux partie du pays toussian. Il y a très peu d‘allochtones installés dans cette zone. L‘accessibilité de ces deux communes est semblable, traversée par l‘axe Banfora-frontière ivoirienne pour Toussiana et à quelques kilomètres de l‘axe Bobo-Dioulasso-Orodara-frontière malienne pour Kourinion. Cependant, du fait de sa position privilégiée sur cet axe de circulation important, Toussiana comporte de nombreux commerces en bordure des axes goudronnés, contrairement à Kourinion où il n‘y a qu‘une seule petite boutique. Au niveau des cultures agricoles, les productions vivrières sont similaires avec une forte autoconsommation de pois de terre et de fonio qui font la particularité de cette zone. Les cultures commerciales sont essentiellement basées sur le maïs, l‘arachide et l‘arboriculture. Le coton est pratiquement absent, mis à part le nord de la commune de Kourinion (villages de Guena et de Sidi). De la même façon l‘élevage est très peu présent, en dehors de quelques grands agro-éleveurs dont les troupeaux ne résident pas dans la commune mais sont confiés à des bouviers peuls qui les emmènent vers la frontière ivoirienne qu‘ils traversent parfois à la recherche de pâturages et de zones plus faiblement peuplées. Le nord de la commune de Kourinion, dans laquelle un zonage agropastoral est en négociation, comporte également beaucoup de troupeaux. L‘arboriculture est composée de vergers de manguiers et d‘anacardiers ainsi que d‘autres espèces fruitières (agrumes) dans l‘ensemble de la commune de Toussiana et dans le sud de la commune de Kourinion. Ce clivage entre le nord et le sud de la commune de Kourinion est en partie dû aux types de sols rencontrés, argilo-sableux et profonds pour les premiers, gravillonnaires et lessivés pour les seconds (données BUNASOL).

La commune de Sidéradougou se distingue tout d‘abord par sa dimension, sept fois plus grande que les communes de Toussiana et Kourinion. Son bourg principal, Sidéradougou, est 2 fois plus peuplé mais la densité de population totale de la commune est plus faible qu‘à Toussiana et Kourinion. En

Chapitre 2 : les producteurs

42 outre, la population est moins concentrée dans le bourg principal qui ne comporte que 8 % des habitants contre 18 et 20 % à Toussiana et Kourinion. Cette commune compte ainsi une population très dispersée avec 40 villages, contre 14 à Toussiana et 12 à Kourinion. Par ailleurs, la présence de trois forêts classées (Gouandougou, Kongouko et Boulon) dans lesquelles les activités agricoles sont proscrites, viennent réduire l‘espace habitable et les superficies cultivables. Si l‘on soustrait ces superficies de celle de Sidéradougou, la densité de population passe à 22,3 habitants/km² mais reste loin de celles de Kourinion et Toussiana. Son accessibilité est fortement contrainte par les 60 km de piste qui l‘éloignent de Banfora et de la voie goudronnée. C‘est pourtant un lieu de passage important de voyageurs et de marchandises car cette voie relie Banfora à Gaoua puis à la frontière ghanéenne. Les nombreux commerces de Sidéradougou et la taille de son marché se tenant tous les 5 jours attestent de sa position centrale dans les échanges. Il s‘agit donc d‘une très grande commune avec un bourg important. La dispersion de la population en brousse dans les villages secondaires s‘explique par sa très grande diversité socio-linguistique et par son histoire. C‘est une commune qui a accueilli beaucoup d‘allochtones, dont certains ont formé des hameaux puis des villages en brousse. Ainsi en 2003, 3 928 rapatriés s‘installent dans la commune, suivis en 2004 de plus 6 000 personnes (Direction de l‘Action Sociale 2007). Cette migration a fortement augmenté la densité de population qui est passée de 8,3 habitants/km² en 1996 à 20,2 habitants/km² en 2006. La production agricole se concentre sur les cultures vivrières classiques (sorgho, mil et maïs) et le coton est très présent dans les assolements. De plus, certains producteurs sont sélectionnés pour produire des semences de maïs. L‘arboriculture est moins présente qu‘à Toussiana et Kourinion et s‘est focalisée principalement sur l‘anacarde et très peu sur les manguiers ou autres fruitiers. Les sols sont pour la plupart sablo-argileux et conviennent autant à la cotonculture qu‘à l‘arboriculture. L‘élevage est en revanche beaucoup plus important dans cette commune puisque cette dernière fait partie des circuits de transhumance de troupeaux venant du nord en saison sèche, ou se dirigeant vers la Côte d‘Ivoire, ou encore de troupeaux sédentarisés dans cette zone historiquement peu peuplée (Augusseau, 2007 ; Gonin et Tallet, 2012a).

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43 Tableau 3 : Caractéristiques des trois zones d'études (sources : WorldClim, monographies communales de Toussiana et de Sidéradougou 2007, entretiens avec des personnes ressources, données du RGA 2006 et de l’EPA 2008-2009).

Toussiana Kourinion Sidéradougou

Pluviométrie moyenne 1950-2000 (mm/an) 1 066 1 052 1 069

Population de la commune (habitants en

2006) 16 945 14 540 75 397

Superficie de la commune (en km²) 491 600 3871

Densité de population dans la commune

(habitants/km² en 2006) 34,5 24,3 19,5

Population du bourg principal (éponyme) (habitants en 2006) et part de la population communale (%)

3 059 (18 %) 2 993 (20 %) 6 191 (8 %)

Superficie protégée (forêt communale, etc.) 0 0 488 km²

Densité de population hors zones protégées 34,5 24,3 22,3

Groupe socio-linguistique autochtone Toussian Toussian Dogossin puis Tiefo et

Dioula

Groupes socio-linguistiques allochtones majoritaires

Très faible part :

Mossi15 Très faible part : Mossi

Très forte présence :

Karaboro, Mossi, Sénoufo, Lobi, Peul, etc 16

Distance du bourg principal à un axe

goudronné (km) 0 5 60

Cultures agricoles vivrières principales

Sorgho, maïs, arachide, fonio et pois de terre

Sorgho, maïs, arachide, fonio et pois de terre

Sorgho, maïs, arachide,

Cultures agricoles commerciales principales Anacardes, mangues, Anacardes, mangues Coton, maïs, anacarde

Type d‘élevage (ruminants uniquement) (UBT/ménages) Peu d‘élevage, prédominance de bœufs de traits et de caprins ; pas de passage de troupeaux transhumants (1,30) Elevage très inégalement réparti entre les ménages, certains agro-éleveurs ont de très grands troupeaux, pas ou peu

de passage de

transhumants (3,21)

Elevage assez présent avec de grands troupeaux chez certains producteurs (>200 bovins), zone de passage de transhumants et de séjours prolongés pendant la saison sèche (2,63)

15 Aujourd‘hui couramment écrit « Mossi » dans la littérature, ce qui sera privilégié dans ce document. En toute rigueur c‘est l‘orthographe « Moose » qui devrait être utilisée et « Moaaga » pour le singulier (Hochet Di Balme 2013).

16

La monographie communale ne recense pas moins de 18 groupes socio-linguistiques allochtones, installés dans la zone au cours du XXe siècle. Seules les principales ont été reportées dans le tableau. Les Karaboro étant installés depuis longtemps ils sont parfois considérés comme autochtones.

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44 Carte 10 : Toussiana, Kourinion et Sidéradougou : trois chefs-lieux de communes productrices d’anacarde

Une autre variable différencie également ces trois communes, et est d‘une importance particulière pour le développement de l‘anacarde : c‘est l‘origine de son introduction dans la commune et dans les systèmes de production des ménages. L‘introduction de l‘anacarde a été reconstruite au travers d‘entretiens compréhensifs exploratoires menés en 2011. Pour chacune des communes enquêtées, l‘origine de l‘anacarde varie entre :

- un grand projet piloté par l‘État entre 1980 et 1990, appelé projet « Anacarde ». Il a été soutenu par la CCCE (Caisse centrale de la coopération économique, actuelle AFD (Agence française de développement), mis en œuvre par l‘IRFA (Institut de Recherche sur les Fruits et Agrumes), et a consisté à Kourinion à implanter un verger de 500 ha en trois lots de parcelles (Carte 10);

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45 - un appui des services de l‘agriculture, le CER (centre d‘encadrement rapproché) vers l‘arboriculture avec installation de fermiers pilotes dans la commune de Toussiana, à partir des années 1970 ; ces fermiers bénéficiaient des conseils des techniciens et du matériel pour la réalisation des pépinières et des plantations ;

- une introduction liée au fait d‘individus faisant le choix d‘introduire l‘anacarde, sans appui de projets ni de services de l‘agriculture, pour la commune de Sidéradougou.

Les trois zones d‘études sélectionnées recouvrent donc deux types de pilotage du développement de l‘anacarde : un pilotage dirigé pour Kourinion et Toussiana et une introduction non concertée et « spontanée » dans la zone de Sidéradougou. Même si ces aspects diachroniques semblent primordiaux, ils ne seront abordés qu‘ultérieurement (chapitre 6), afin d‘identifier leurs conséquences sur les niveaux de production de l‘anacarde.

Pour synthétiser la description des zones d‘études et malgré les particularités propres au milieu considéré, ces trois communes présentent des traits structuraux forts similaires pour deux d‘entre elles (Toussiana et Kourinion) et des spécificités pour la troisième (Sidéradougou).