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Des filières structurées par le marché avec très peu d’intégration verticale verticale

Conclusion du chapitre

3.3. Les différents types d’acteurs et la typologie des filières

3.3.3. Des filières structurées par le marché avec très peu d’intégration verticale verticale

Cet ensemble d‘acteurs n‘interagissent pas tous entre eux, différents types de filière de l‘anacarde se distinguent.

Selon la définition donnée par Duruflé et al. (1988), la filière de production est « l’ensemble des

agents (ou fraction d’agents) économiques qui concourent directement à l’élaboration d’un produit final, c’est à dire à la production, puis à la transformation et à l’acheminement, jusqu’au marché, d’un même produit agricole (ou d’élevage). La filière retrace donc la succession des opérations qui, partant, en amont, d’une matière première – ou d’un produit intermédiaire – aboutit en aval, après plusieurs stades de transformation/valorisation à un ou plusieurs produits finis au niveau du consommateur ».

La filière permet donc de définir des méso-systèmes autour des circuits de commercialisation. Selon l‘ouvrage collectif dirigé par Griffon, la filière se réfère à :

- « un sous-ensemble d’agents d’une économie liés par le circuit d’un produit à travers ses transformations, et qui échangent entre eux : la mercatecture ;

- l’enchaînement des techniques qui sont utilisées dans ce circuit : la technotecture » (Morvan

1985, in Griffon et al., 2001 ; 48)

La filière est donc un mode de découpage des activités de production qui sont généralement complexes. Distinguer différents types de filière permet de révéler des traits discriminants dans les modalités de coordination ou de régulation entre agents de la filière. « Ce découpage de l’économie

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permet de focaliser les analyses sur l’identification des modes de coordination des échanges, sur l’efficacité et la durabilité des formes d’organisation des marchés » (Griffon et al., 2001 ; 48). Les

critères discriminants utilisés pour construire une typologie de filière font débat : certains préconisent de se focaliser sur le mode de régulation dominant de la filière (Hugson, 1994)43, d‘autres proposent de se recentrer sur des critères jugés plus « standards » (comme la structure des échanges, l‘échelle géographique, le degré de périssabilité des produits) ou sur les types de difficultés rencontrées dans les filières44 (Griffon et al., 2001). Quels que soient les critères choisis, l‘exercice de typologie consiste à tracer des limites et à compartimenter une réalité extrêmement complexe qui se traduit par des formes et des situations singulières. Etant donné que cette typologie se base sur un même produit (l‘anacarde), provenant d‘un même bassin de production, mais alliant des agents différents, j‘ai choisi de prendre en compte la succession des fonctions remplies par les différents agents de la filière, ainsi que la structure des échanges entre ces agents.

Les limites des filières sont également à définir, puisque selon les approches et les secteurs concernés, l‘approvisionnement en intrants est parfois considéré comme l‘amont de la filière, et la fonction de consommation comme l‘aval. Dans le cas de ces travaux de recherche, la filière anacarde est décrite pour questionner ultérieurement les enjeux spatiaux et socio-économiques qu‘elle comporte à l‘échelle du bassin de production burkinabè. De plus, la fourniture d‘intrants (plants de pépinière, engrais) n‘est pas fréquente chez les producteurs d‘anacarde et ne permet pas de discriminer des types de filières. Exception faite pour la fourniture de crédit, mais cet accès différencié est toujours lié à la présence d‘un agent spécifique dans la concentration du produit (société de transformation ou association). Nous considérerons donc la fonction de production comme l‘amont de la filière. L‘anacarde au Burkina Faso est exportée brute ou transformée localement, ce qui représente déjà en soi une très grande différence dans la filière. L‘anacarde exportée brute est ensuite regroupée, échangée, stockée et vendue par différents exportateurs, pour être transformée en Inde ou au Vietnam. Les noix brutes provenant de différents circuits de commercialisation conduits avant l‘exportation peuvent donc être regroupées par la suite. Nous nous limiterons en aval de la filière à l‘exportation hors du Burkina Faso, car cela représente déjà des enjeux distincts à l‘échelle du Burkina Faso. De plus, nous n‘avons pas de connaissance précise des acteurs, flux et modes de coordination après cette étape et jusqu‘aux consommateurs finaux45.

43 Comme le système de production, le mode de circulation du produit, le mode d‘utilisation, l‘espace, le temps, les acteurs dominants, les modes de coordination et enfin les fonctions globales et objectifs de la filière. En combinant ces variables, quatre grands mode de régulation se distinguent : le mode domestique, marchand, étatique, et capitaliste transnational (agro-business) (Hugson 1994, in Griffon et al., 2001 ; 50).

44 comme l‘accès au marché, une offre rigide, l‘équité dans la fixation des prix, les comportements opportunistes, l‘instabilité des prix, la difficulté d‘accroître la productivité ou la qualité (Griffon et al., 2001 ; 58).

45 Dans une analyse économique fine de la filière anacarde, cette étape serait très importante à prendre à compte, notamment par une analyse de la répartition de la valeur ajoutée selon les types de filières.

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92 En reprenant les différents types d‘acteurs énoncés précédemment, que ce soit pour les modes de commercialisation segmentés ou issus d‘actions collectives, il est possible de distinguer leurs modes de coordination (Tableau 13). Ils se basent sur des relations contractualisées ou seulement sur des engagements moraux. Le préfinancement est une façon de s‘assurer l‘obtention de stocks et s‘établit à partir d‘une relation de confiance entre les deux parties. Il en résulte une intégration plus ou moins forte entre les acteurs de la filière. Cependant, la filière est dirigée par le marché, tenu par les importateurs indiens, hormis pour les productions labellisées commerce équitable et agriculture biologique qui comptent peu d‘intermédiaires avant l‘exportation. Les coordinations sont donc essentiellement guidées par la concurrence entre les acteurs avec une asymétrie forte de pouvoir de négociation entre l‘amont et l‘aval de la filière.

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93 Tableau 13 : Les modes de coordination et de régulation entre acteurs dans la filière anacarde

Producteur Groupement de producteurs Pisteur Grossiste Société de transformation et/ou d‘exportation Exportateur

Pro

d

u

cteu

r Engagement verbal ou écrit des membres à

fournir une certaine quantité de noix au groupement, paiement généralement différé, conditions et stratégie de vente du

groupement généralement discutées en assemblée générale du groupement

Achat immédiat, paiement direct (généralement), qualité des noix généralement non prise en compte

Rares transactions Rares transactions Pas de transaction

Gr o u p em en t d e p ro d u cteu rs Rares transactions Transactions contractualisées ou informelles, paiement généralement comptant Faible marge de négociation pour les groupements

Transactions souvent contractualisées avec engagement formel en début de campagne, parfois clause d‘exclusivité des ventes, parfois engagement sur un prix plancher ou sur le prix d‘achat, paiement généralement différé avec parfois un bonus selon la qualité livrée ou selon le supplément octroyé par la certification en commerce équitable.

Possibilité de négociation de ces conditions avec le groupement Pas de transaction Pis teu r Transaction informelle, avec ou sans préfinancement du pisteur Pas de transaction Gr o ss is te

Transaction contractualisée avec la société

Transaction contractualisée avec l‘exportateur. Le préfinancement implique la fixation du prix par l‘exportateur S o ciété d e tran sfo rm ati o n et/ o u d‘e xp ortatio n Transaction contractualisée avec l‘exportateur E x p o rtateu r

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94 Sept types de filières ont été distingués et sont classés selon le degré d‘intégration verticale des acteurs (Figure 28).

Figure 28 : Typologie des filières anacarde au Burkina Faso ; par soucis de simplification les sociétés d’exportation et les commerçants indépendants en charge de l’exportation ont été regroupés sous l’entité « exportateur »

Il est à noter que les types 1 à 3 représentent environ 80 à 90 % des volumes commercialisés (25 000 tonnes de noix brutes en 2012). Les types 1 et 2 représentent les filières les plus segmentées et les plus couramment rencontrées. L‘existence de deux pisteurs successifs dans la filière est souvent un indicateur d‘isolement de la zone de production (Ricau 2010). Le type 3 montre l‘existence de groupements de producteurs qui revendent à des grossistes puis à des exportateurs. Le type 4 se différencie par la présence d‘une société d‘exportation des noix, transformées ou non (comme les sociétés GENESE, SOTRIAB, GEBANA, et OLAM pour l‘exportation sans transformation), en relation directe avec les groupements de producteurs. Elle complète son approvisionnement en traitant avec des grossistes. Le type 5 met en interaction une association de transformation des noix dont les producteurs ne sont pas membres. Il s‘agit par exemple des associations de femmes transformatrices de Diéri. Enfin, le type 6 intègre l‘ensemble des acteurs, depuis les producteurs, jusqu‘à l‘unité de transformation et d‘exportation au sein d‘une association (association Wouol par exemple).

La figure montre également les ventes de noix non anticipées ou non-autorisées par les autres acteurs de la filière : il s‘agit de « trahisons » de confiance. Lorsque les producteurs font partie d‘un

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95 groupement, certains vendent une partie de leurs noix (ou la totalité) à des pisteurs, alors qu‘ils se sont engagés à fournir une certaine part de leur production au groupement. Les raisons peuvent être de deux ordres :

- un besoin immédiat de trésorerie qui ne permet pas au producteur d‘attendre l‘achat de ses noix par le groupement ;

- une opportunité de vendre ses noix à meilleur prix si le pisteur propose mieux que le contrat ou que la proposition de vente obtenue par le groupement.

Face à ses défections et malgré les services proposés aux groupements (voir section précédente), les sociétés d‘achat et de transformation tentent différentes stratégies :

- l‘anticipation : par une obligation contractuelle de livraison d‘un certain volume à un prix fixé ;

- la sanction : par une demande de remboursement des volumes non livrés si le producteur a reçu une avance de trésorerie en début de campagne.

Dans la pratique, ces deux stratégies sont rarement mises en œuvre, car elles sont sources de fortes tensions, et les sociétés risquent de perdre la confiance des groupements alors que la concurrence entre sociétés d‘achat de noix est très forte.