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les violences visuelles:

L’œuvre de Yasmina Khadra face à diverses violences

Chapitre 2 : Violences langagières

5- les violences visuelles:

Ecrire la violence n’est ni une fin en soi, ni un exercice de style gratuit. Cela exige une implication affective et intellectuelle particulière de celui qui s’attache à la décrire, fut-il historien ou auteur de fiction. Raphaëlle Branche note en ce sens que le fait de choisir de travailler sur la violence, et de prendre le risque de la décrire, nécessite d’accepter cette force dérangeante car elle a une puissance de bouleversement intime et dont il est vain d’espérer le contrôle total, chez soi comme, a fortiori, chez ses lecteurs Ainsi il est évident que nous ne pouvons pas faire l’économie du trouble que suscitent les récits de la violence dans l’acte d’écriture, tout comme celui de la lecture. De ce fait, ce genre de fiction implique alors chez l’auteur et le lecteur un état dysphorique216.

Parler des violences langagières dans les romans du corpus nous amène immanquablement à parler de la violence des mots et des expressions qui ont été choisis pour la contenir et la manifester. Des mots crus, durs, brutaux dont l’accumulation au sein du récit a certes réalisé une fidélité inouïe à l’horreur des histoires racontées mais surtout a formé, ce que Yasmina Khadra ( cité par Rachid Mokhtari, dans son ouvrage intitulé La Graphie de l’horreur : essai sur

la littérature algérienne (1990-2000, p.177) appelle « Une syntaxe de sang ».

cette syntaxe du sang, impitoyable vis-à-vis du lecteur, qui n’insinue pas, ne recourt pas aux sous-entendus et aux non-dits, mais qui tonne et déclame la douleur à travers un champ lexical dense afin d’aviver la véracité des souffrances endurées par les personnages. Ce champ lexical est difficile à délimiter du fait que le repérage exhaustif des mots et expressions le composant nous conduirait à reproduire l’intégralité de l’œuvre car le texte est loin d’être simplement parsemé de ce vocabulaire cruel et sanguinaire mais qu’il en est tissé du début jusqu’à la fin. En fait les romans du corpus contiennent de nombreuses scènes qui

216Branche, Raphaëlle. « La violence coloniale. Enjeux d’une description et choix d’écriture ». Tracés. Revue de Sciences humaines, 19 | 2010. URL: http://traces.revues.org/4866.

présentent en détail soit des actes de violence en train de se produire, soit les effets de ces actes, qui atteignent « l’horreur dans sa laideur absolue… »217.

Les mots et expressions utilisées sont en relation étroite avec le mot noyau violence, ainsi le repérage complet serait encombrant, nous ne citons que quelques exemples. Dans Les agneaux du seigneur , l’auteur déploie tous les moyens linguistiques pour rendre compte de l’état de barbarie ( qui renvoie à tout acte cruel et bestial synonyme de vandalisme commis à l’encontre des innocents) qui a régné en Algérie lors de la décennie noire. Il désigne cette guerre civile par le terme « tuerie » qui renvoie à l’image de massacre et de carnage, aussi l’appellation « barbarie » accentue l’effet d’horreur véhiculé par le premier terme. Nous assistons dans ce passage à une forte métaphore où l’état de barbarie dans lequel a sombré l’Algérie est assimilé à l’image de tentacule ; appendice que possèdent certains invertébrés utilisé pour piéger ou s’accaparer de leur proie. L’image qui vient à l’esprit du lecteur est celle de créatures marines dangereuses telles que les anémones de mer ou les céphalopodes… considérées comme des prédateurs voraces. Elles utilisent leurs tentacules pour immobiliser les proies. Cette métaphore rend compte de la situation dangereuse et critique de la guerre qui semble se généraliser. Le lecteur aura l’impression d’une gradation puisque le passage du terme « tuerie » au terme « barbarie » évoque une évolution négative car il ne s’agit plus de massacre seulement mais d’une rare bestialité qui accompagne cette criminalité :

« La tuerie dure depuis deux ans. (…) la barbarie déploie ses tentacules un peu partout »218

Un peu plus loin dans le roman, l’auteur n’hésite nullement à décrire cette barbarie dans sa laideur absolue en faisant abstraction de la sensibilité du lecteur. Il s’agit en fait d’une stratégie narrative de choc, où Yasmina Khadra déploie tous les mots afin de véhiculer la violence de la guerre. A la lecture du passage,

217Khadra, Yasmina. « Le choc des cultures : un choc d’incultures » (propos recueillis par Didier Billion et Marie de Jerphanion le 11 mars 2009). Revue Internationale et Stratégique n° 74 (2/2009) :pp, 7-13. www.cairn.info/revueinternationale- et-strategique-2009-2-page-7.html

le lecteur a la nausée face à l’image de ces crânes accrochés à un arbre qui reflète la pire des barbaries, celle de décapiter la tête de la victime et renvoie à une forme extrême de mutilation du cadavre. Là aussi Yasmina Khadra interpelle une autre figure de style qu’est la comparaison. En fait l’image de ces trois têtes humaines infectes est terrifiante, elle est comparée à une sorte de trophée, représentatif d’une victoire imminente remportée par les intégristes. Face à cette scène, le lecteur ne peut qu’être horrifié :

« (…) trois têtes humaines se décomposent au soleil. Tranchées à ras le cou, elles se balancent à l’extrémité d’une branche, semblable à d’épouvantables trophées. »219

Aussi dans A Quoi rêvent les loups, l’auteur expose et relate la barbarie de la guerre civile en Algérie. Il propose au lecteur une image assez impressionnante des intégristes assimilés à des cannibales. Ces anthropophages, mangeurs de chair humaine, provoquent chez lui, des sensations extrêmes de terreur et d’amertume. Dans le passage illustratif qui suit, le narrateur décrit l’ingratitude et l’injustice du terroriste vis-à-vis d’un vieillard qui l’a accueilli chez lui, hébergé et nourri. Aveuglé et assoiffé de sang, Salah L’Indochine a fait abstraction de l’innocence du vieux haj et lui a tranché la gorge avec une telle froideur, à couper le souffle du lecteur. En fait, l’auteur véhicule à travers une comparaison entre l’état du terroriste à l’heure de l’assassinat qui jouissait devant le sang tel un homme qui vient d’atteindre le sommet du plaisir sexuel. En fait cette comparaison véhicule l’image d’un criminel dépouillé de tout humanisme :

« Joignant le geste à la parole, il le saisit par la peau du crâne, lui renversa la tête en arrière et lui trancha la gorge si profond que la lame brisa les vertèbres cervicales. Une puissante giclée de sang le gifla. Salah L’Indochine la savoura pleinement en se cabrant comme sous la décharge d’un orgasme. »220

219 AS, p. 191

En fait le roman est parsemé de passages descriptifs cruels, voire même rébarbatifs. Les dénominations utilisées par l’auteur pour désigner les terroristes criminels gravitent autour d’un lexique farouche : ogre, prédateur, bourreaux… . En fait l’auteur compare ces terroristes à des ogres, qui interpellent dans l’esprit du lecteur l’image de géant fabuleux que nous retrouvons dans les contes de fées, sorte de monstre qui passe pour se nourrir de la chair humaine, spécialement celle des enfants. L’auteur identifie les terroristes à des monstres redoutables. Il accentue sa description en qualifiant ces barbares des prédateurs, il les assimile à des animaux féroces dont l’instinct est focalisé sur la chasse de leurs proies afin de se nourrir. Ici Yasmina Khadra évoque par la métaphore du prédateur : terroriste/proie : population, un rapport de puissance/faiblesse. En fait la mort frappe partout et par tous les moyens. L’usage des armes blanches par ces « prédateurs » renvoie non seulement à une accumulation (sabre, hache, couteau) mais aussi au vandalisme et à la cruauté de ces derniers. A la fin de l’extrait, la métaphore utilisée pour décrire l’intensité de la douleur et de la frayeur des victimes. En fait, Le narrateur décrit « des larmes qui giclent » alors que l’expression connait une grande exagération. Il s’agit ici d’une figure d’amplification qu’est l’hyperbole : les larmes versées des victimes coulent mais ne giclent pas comme l’eau d’une fontaine à titre d’exemple. De ce fait, cette hyperbole véhicule au lecteur l’intensité du malheur, du chagrin et la peur des victimes devant leurs bourreaux :

«Pareils aux ogres de la nuit, les prédateurs se ruèrent sur leurs proies. Le sabre cognait, la hache pulvérisait, le couteau tranchait. (…) les larmes giclaient plus haut que le sang. (…). Les bourreaux massacraient sans peine et sans merci. »221

Dans Les Hirondelles de Kaboul, l’auteur nous relate le récit d’une ville meurtrie, victime de la barbarie humaine qui ne cesse d’endurer les pires atrocités. Yasmina Khadra nous en livre une vision saisissante et hasarde le lecteur malgré lui, dans le quotidien apocalyptique que vivent les habitants de la

ville, livrés à une barbarie sans égal. La vie tourne autour des exécutions sommaires, des lynchages et des lapidations… . La violence des mots et des descriptions devient dès lors indispensable pour rendre compte de la bestialité des Talibans ; et enfonce le lecteur dans une atmosphère apocalyptique sans bouteille d’oxygène. Ainsi dans le passage qui suit, le narrateur souligne par l’usage de l’adjectif invariable « plusieurs » que les lynchages, qui consistent à exécuter quelqu’un sans jugement ou de le brutaliser gravement en lui faisant subir des violences physiques entrainant la mort, sont monnaie courante à Kaboul. Il nous décrit aussi la mise à mort de deux individus, en les suspendant par le cou au moyen d’une corde :

« Mohcen a assisté à plusieurs lynchages de cette nature. Hier seulement, deux hommes, dont l’un à peine adolescent, ont été pendus au bout d’un camion-grue pour n’être décrochés qu’à la tombée de la nuit. »222

Dans un autre passage, le narrateur décrit la lapidation d’une prostituée jusqu’à l’horreur. Rappelons que la loi des talibans est intransigeante face à toute erreur commise par les habitants de Kaboul. L’image de la suppliciée dont le corps est inerte n’a pas arrêté les lapideurs, bien au contraire, ils ont redoublé leur férocité tel des assoiffés de sang. Le narrateur communique au lecteur une représentation assez cruelle de ces personnes, car il utilise une hyperbole qui convoque la férocité des animaux sauvages à la vue de leur proie. Les « yeux révulsés » et la « bouche salivante » renvoient le lecteur à l’image du vampire à la vue de sa victime:

« Au bout d’une minute, ensanglantée et brisée, la suppliciée s’écroule et ne bouge plus. Sa raideur galvanise davantage les lapideurs qui, les yeux révulsés et la bouche salivante redoublent de férocité… »223

222 HK, p. 12

L’Attentat contient lui aussi au même titre que les romans précédents de

nombreuses scènes qui présentent en détail soit des actes de violence en train de se produire, soit les effets de ces actes, qui atteignent l’horreur dans sa laideur absolue. L’intention de départ de l’auteur est bel et bien de mettre le lecteur en état de choc dès le départ. L’incipit in medias res décrit le moment où une explosion vient de se produire. Dans le chaos de la situation, Le lecteur est confronte d’emblée à une la violence dans ses conséquences physiques brutales et irrémédiables, dans sa monstruosité Immédiate. Les seules informations fournies par le narrateur plongent le lecteur dans une sorte de narration simultanée, comme dans un reportage en direct. Le roman s’ouvre sur un attentat contre le cheikh Marwane, dont Amine Jaafari est aussi victime. Les circonstances de l’attentat ne seront révélées que beaucoup plus tard, mais au début du roman, c’est sur la scène apocalyptique que la narration se focalise : des corps déchiquetés, des personnes brûlées vives, la voiture du cheikh en flammes, les hurlements des blessés qui interfèrent avec les sirènes des ambulances venues porter secours. Le tout crée un paysage cauchemardesque :

« Une crue de poussière et de feu vient me happer, me catapultant à travers mille projectiles. J’ai le vague sentiment de m’effilocher, de me dissoudre dans le souffle de l’explosion (…) le véhicule du cheikh flambe. Des tentacules voraces l’engloutissent, répandant dans l’air une épouvantable odeur de crémation. (…) près de moi, un vieillard défiguré me fixe d’un air hébété : il ne semble pas se rendre compte que ses tripes sont à l’air, que son sang cascade vers la fondrière. »224

En fait, l’extrait est centré sur l’explosion, l’agonie du narrateur et des personnages aussi. Nous retrouvons la même métaphore, comme dans Les

Agneaux du Seigneur liée à l’emploi des tentacules et sa représentation mentale

chez le lecteur. En fait l’auteur décrit la virulence de l’incendie qui a affecté le véhicule ciblé de cheikh Marwan par un drone, en convoquant l’image des tentacules voraces. Celles-ci rappellent directement chez le lecteur cet animal

mollusque céphalopode comme le poulpe qui déploie ses tentacules pour s’accaparer de ses proies. Les flammes qui enveloppent le véhicule du leader palestinien sont assimilées à l’image du poulpe dont les tentacules capturent et emmaillotent la proie dans le but de la paralyser. A cette image s’ajoute celle de la voracité, qui renvoie plutôt à l’idée de dévorer, d’engloutir, de manger avec avidité, considérée comme l’une des caractéristiques des animaux féroces. Yasmina Khadra fait preuve d’une fécondité exceptionnelle à ce niveau. La métaphore zoomorphe occupe une place importante dans l’écriture de ces romans et semble se généraliser à tous les écrits de l’auteur. Wenceslas Carlos Lozana la définit ainsi :

«J’entends par zoomorphisme la représentation métaphorique ou allégorique que l’on fait d’un animal pour caractériser quelqu’un ou quelques choses, une conduite, un caractère, une situation,… etc »225

Le recours à la métaphore de l’animalisation, est sur le plan stylistique, un procédé qui contribue à mettre en relief l’effet de violence véhiculé par la réalité socio-politique dans les romans de Khadra.

Dans un roman qui semble illustratif de la situation sociopolitique d’un Irak qui s’entre-déchire, Les Sirènes de Bagdad nous relate via le personnage central du jeune bédouin le grand cataclysme de cette société livrée aux barbares. En fait le roman ne s’ouvre pas sur les scènes d’horreur mais permet au lecteur de découvrir graduellement les horreurs que vit la population irakienne. Cependant, lors de la fête de mariage des Haithem, une attaque soudaine de l’armée américaine la transforme en boucherie, c’est un horrible massacre. Cet accident affreux installe le malheur et fait naître des sentiments confus et de haine et de rancune dans l’esprit du jeune Bédouin. Ce bombardement illustre la laideur de la violence aveugle, pratiquée contre les innocents. La description faite par le héros narrateur des corps éjectés très loin revoie à la puissance de

225 Wenceslas Carlos Lozano, « sur l’écriture de Khadra », site officiel de yasmina khdra www.yasmina- khadra. com

l’explosion. Les corps endommagés, défigurés, et calcinés sont la preuve d’actes barbares et cruels perpétrés contre des innocents :

«Le souffle de l’explosion avait projeté sièges et corps à une trentaine de mètres à la ronde. (…). Quelques corps étaient alignés sur le bord d’une allée, mutilés, carbonisés. »226

Si les premiers traumatismes subis par le héros à Kafr Karam sont assez durs à supporter et à surmonter, son voyage à la capitale était parsemé, lui aussi, de témoignages à couper le souffle du vandalisme qui règne à Bagdad. L’usage de l’adjectif « plusieurs » renvoie à une hécatombe, où la loi de la mort est la plus dominante. Les « morceaux de chair » dans l’extrait qui suit, renvoient le lecteur directement à cette image horrible des corps déchiquetés à cause de la puissance des déflagrations :

« Plusieurs fois, je débouchais sur un carnage encore fumant et je restais là à lorgner l’horreur(…). Je regardais les ambulanciers ramasser les morceaux de chair sur les trottoirs, les pompiers évacuer les immeubles soufflés… »227

Nous avons constaté que le champ lexical dans les différents romans s’organise autour de mots cruels qui ponctuent les récits : cadavre, victime, dépouille, bourreaux, terroriste, cannibales, , crime, tuerie, exécution, barbarie, , milice, égorger, éventrer, trancher, déchiqueter, décapiter, brutaliser, mutilé, mort, terreur, supplice, sabre, corps dépecé, corps désarticulé, ruisseaux sanguinolents, bébé éventré…Toute cette armada de mots et expressions clairs et transparents, qui décrivent et intensifient la violence tétanisent le lecteur. Elle théâtralise sous ses yeux des crimes abominables et font de lui un spectateur impuissant et victime de ce lexique sanguinolent. Avec un style incisif, Yasmina Khadra n’épargne rien : les attentats, les massacres collectifs, les viols, les traumatismes violents et profonds….

226 SB, p 112

L’auteur utilise ce que nous pouvons nommer « la métaphore du miroir » et « la métaphore de l’animalisation » pour décrire le lien étroit entre la réalité et la fiction. Désormais la fiction a alors le pouvoir d’aller de l’autre côté du miroir et d’observer à son aise et devient dès lors un outil de réflexion car elle met à nu toutes ces sociétés manipulées et assujetties à toutes les formes de violence. De ce fait, il ne s’agit nullement de reproduire la réalité, mais de la confronter à elle-même à travers la fiction, de lui renvoyer une image critique. L’écriture de la violence confronte la réalité a ce qu’elle a d’abominable, exhibant l’impensable, racontant l’inimaginable à travers le recours au caractère animalier des êtres et des situations. Il s’agit de dévoiler les avatars les plus monstrueux du Mal, avant et afin de pouvoir l’anéantir et en guérir.

La constitution linguistique des textes qui ont fait l’objet de notre analyse s’est révélée très particulière. Insoumis aux exigences de lisibilité du texte littéraire et de son esthétique, ils rendent compte d’une certaine complexité quant aux différents usages de langue qu’a fait l’auteur. Cette écriture d’apparence réaliste, convoque chez le lecteur une grande réflexivité sur la nature et la visée d’une telle écriture, vue sa teneur en violence d’une part, et rend compte d’autre part de l’idéologie de l’auteur. La violence qui se manifeste dans le langage est l’un des procédés linguistiques utilisés par Yasmina Khadra afin de mettre le doigt sur le bouleversement socioculturel des différentes communautés mises sous la loupe et de la violence véhiculée par les textes qui par moment atteint son apogée et met le lecteur dans un état de frustration quant à l’intensité de cette violence. Donc la violence linguistique représente une forme d’éclatement textuel qui rend compte à notre avis de l’éclatement de ces sociétés.

C’est dans le cadre des récits qui réfèrent à des événements assez brutaux, sanglants, et douloureux que Yasmina Khadra a effectué ce choix extraordinaire, celui d’exercer sur la langue française et le texte littéraire une certaine mutilation. Les romans veillent en effet à signifier la violence et à appliquer au texte la torture par les mots sans pour autant la nommer. Il s’agit de partager avec le lecteur une violence nourrie des horreurs que l’œuvre n’a eu de cesse de signifier et ce à travers une langue génératrice elle-même de cruauté, de sauvagerie et d’hostilité. Loin de se contenter d’un champ lexical de l’horreur, l’auteur sans économiser le moindre effort, est parti puiser dans tous les recoins du langage afin d’assurer l’effet de violence escompté. Le registre relâché, la langue orale, le langage ordurier et injurieux, et le recours à la langue arabe constituent les différents procédés convoqués par l’auteur dans les textes afin d’assurer un effet de violence linguistique extrême. Nous vous rappelons que le recours à l’alternance codique, c’est-à-dire à l’association de deux codes linguistiques à l’intérieur des récits n’est nullement spécifique à Yasmina khadra ; beaucoup d’écrivains oscillent entre leur langue maternelle et la langue d’adoption, celle utilisée pour l’écriture romanesque ; ce qui donne une certaine originalité à