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Transgression des normes sociales et religieuses: Inceste, concubinage et homosexualité

L’œuvre de Yasmina Khadra face à diverses violences

Chapitre 1 : Les violences sociales

B. Violences conjugales :

2. Transgression des normes sociales et religieuses: Inceste, concubinage et homosexualité

Les thématiques liées à la sexualité sont abordés chez Yasmina Khadra pudiquement. Il ne s’inscrit nullement dans une écriture de la perversion ou de la nudité, mais donne un clin d’œil sur certains fléaux sociaux qui relèvent d’une dégénérescence dans les principes et les valeurs de ces sociétés arabo-musulmanes.

L’inceste :

L’inceste renvoie à une relation sexuelle illicite entre les personnes qui sont parentes ou alliées au degré prohibé par les lois civiles ou religieuses fait partie des grands tabous de l’humanité. Il est abordé dans A Quoi rêvent loups, Le grand Salah Raja se montre irrespectueux envers le lien conjugal qui l’unissait à madame Raja. Celle-ci est offensée et révoltée contre les agissements de son époux. Salah Raja n’a pas commis uniquement l’inadmissible en ayant des relations extraconjugales avec ses secrétaires mais il s’est lancé dans une relation non seulement interdite par la loi juridique et divine et condamnée par le

commun des mortels dans la plupart des sociétés. En fait l’épouse semble accepter la tromperie de son mari mais refuse catégoriquement cet acte abominable :

« Où veux-tu en venir, Salah ? Haleta-t-elle. Que tu me trompes avec ton contingent de secrétaires, je comprends. Mais avec ma propre sœur… » 130

Le cadre socioculturel du récit (la société algérienne arabo-musulmane), impose un certain nombre de normes et de lois qui ne peuvent pas être transgressée. L’inceste est considéré comme un acte criminel, tombant sous interdit social et religieux. L’islam interdit en ligne directe cet acte entre ascendants et descendants même s’il est dans un cadre légal qui est le mariage. En ligne collatérale l’interdiction touche les frères et sœurs, nièces et oncles, neveux et tantes. Néanmoins, le mariage entre cousins est permis.

Les prohibitions résultant de la parenté du lait sont les mêmes que celles de la parenté ou de l’alliance mais seul l’enfant allaité est considéré comme enfant de la nourrice et de son époux, à l’exclusion de ses frères et sœurs. Le coran a bien décrit les femmes avec lesquelles le mariage est prohibé pour les musulmans, à la sourate Anissaa, verset : 22-23. Elles sont interdites : « vous sont interdites vos mères, filles, sœurs, tantes paternelles et tantes maternelles, filles d’un frère et filles d’une sœur, mères qui vous ont allaitées, sœurs de lait, mères de vos femmes, belles-filles sous votre tutelle et issues des femmes avec qui vous avez consommé le mariage ; si le mariage n’a pas été consommé, ceci n’est pas un pêché de votre part ; les femmes de vos fils nés de votre utérus ; de même que deux sœurs réunies_ exception faite pour le passé. Car vraiment Dieu est pardonneur et Miséricordieux ».

Dans le cas du roman A Quoi rêvent les loups, la relation de mariage entre Salah Raja et la sœur de son épouse n’est pas mentionnée mais plutôt remplacée par une double action l’inceste et la tromperie. Le verset coranique qui

mentionne les différents degrés d’incestes en islam évoque la situation citée dans le roman en dernière position, celle qui concerne la réunion de deux sœurs en même temps. Rappelons que la prohibition dans ce cas tombe après le décès de l’épouse.

Le concubinage et l’adultère:

Dans Les Sirènes de Bagdad, le héros est confronté à une situation très délicate, qui rend compte non seulement de la dégradation des relations familiales, mais met l’accent encore sur la perte de repères socioculturels.

Lorsque le héros arrive à Bagdad, il se rend naturellement à la clinique « Thawba » où sa sœur ainée Farah exerce en tant que médecin. Celle-ci qui devait accueillir son jeune frère chaleureusement dans son bureau, s’est montrée d’une froideur extrême et elle s’est comportée avec lui telle une étrangère, il était l’intrus. Cette situation rend compte de l’ébranlement des liens familiaux, une forme de violence à laquelle était confronté le protagoniste. Ceci le laissait perplexe mais considérait que cette situation a pour origine la fatigue et l’endroit lui-même. Mais à la grande surprise du frère, la sœur refuse de l’héberger chez elle, non pas faute d’espace car elle a toujours son appartement mais parce que cette dernière vit avec un homme. Cette déclaration met le frère dans tous ses états. Pour lui sa sœur qui vit avec un homme étranger, un amant, en dehors des liens du mariage, c’est-à-dire en concubinage, a transgressé le conformisme social et la règle religieuse. Le héros est sous l’effet de choc:

« -je ne peux pas t’héberger parce que je vis avec quelqu’un, m’interrompit-elle sur un ton sec.

Une avalanche de glace s’abattit sur moi.

-tu vis avec quelqu’un ? Comment ça ? Tu t’es mariée sans que la famille le sache ?

-je ne suis pas mariée. Je bondis sur mes jambes.

-tu vis avec un homme ? Tu vis dans le péché »131

Dans le début du roman, le narrateur attire le lecteur sur le courant religieux des villageois de Kafr Karam, ils sont tous des sunnites, c’est-à-dire des musulmans qui suivent la conduite du prophète Mahomet qu’on appelle en arabe « sunna ». Par extension, Farah est elle aussi une sunnite puisqu’elle est originaire du village.

Par rapport au contexte socioculturel et religieux de Bagdad et de L’Irak en général, la situation de Farah n’est en aucun cas admissible, ni tolérée car elle relève de ce nous appelons en Islam l’adultère considéré comme l’un des pêchés capitaux qui interpelle une sanction très sévère. Si Farah, la fille bédouine a osé faire abstraction de toutes ces règles sociales et religieuses et a agi démesurément, c’est parce que celle-ci a perdu ses repères identitaires et a opté pour un mode de vie occidental. Ceci reflète en fait le degré d’usure du tissu social et l’effondrement des valeurs morales. Farah n’est qu’un échantillon représentatif de cette décadence sociales et cette acculturation parce que le concubinage et l’adultère ne sont en aucun cas représentatifs de la culture arabo-musulmane. L’absence de mariage, union légale entre homme et femme dans le cas de Farah, est représentative d’un désordre social et d’une société en proie à tous les vices.

Le héros qualifie la situation de sa sœur de « péché », où il y a transgression volontaire de la loi divine. Nous pouvons rappeler ici que la situation de Farah, est assimilée indirectement à ce que nous appelons en Islam « l’adultère ou Zinâ ». Le lecteur saisit très vite l’idée que La relation entre homme et femme a une seule voie dans notre religion, celle du mariage selon les lois divines et sociales. Toute relation qui s’inscrit en dehors de ce cadre fait partie des péchés capitaux qui mérite une punition publique selon les lois de la Charia.

L’homosexualité :

Dans Les Sirènes de Bagdad, l’auteur donne un clin d’œil sur certains fléaux sociaux à travers des cas bien précis. Le personnage Omar le caporal, un bédouin lui aussi originaire de Kafr Karam et son colocataire Hany représentent par leur relation très particulière l’un des sujets tabous dans les sociétés arabo-musulmane. L’homosexualité qui est la manifestation d’un désir sexuel et sa pratique envers une personne de son propre sexe ; est considérée comme un signe de déviationnisme et de perversion :

« Regardez-moi ça…Je connaissais Omar le Soûlard, et voilà Omar le sodomite. Il s’envoie des garçons, maintenant. On aura tout vu. »132

La sodomie jugée illicite, est associée dans la religion musulmane au péché du peuple de Loth qui s’est livré à la pratique sexuelle anale avec des personnes du même sexe, c’est-à-dire rapport sexuel homme/homme ; puis a subi le châtiment divin par des anges qui anéantirent la cité de Sodome pour punir ses habitants de leur pratique perverse. Sous la loi islamique, le sodomite ainsi que son partenaire sont tous deux condamnés à mort. De ce fait, la condamnation par le coran de la relation homosexuelle est très claire. Le cas de Omar dans le roman est très explicite quant à cette idée d’homosexualité dont la fin était tragique. Ceci témoigne en fait d’une véritable décadence sociale et morale.