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Les Hirondelles de Kaboul :

Chapitre 4 : La symbolique des titres chez Yasmina Khadra

2- Analyse des titres de Yasmina Khadra :

2.3. Les Hirondelles de Kaboul :

Ce titre ressemble au premier par sa construction syntaxique composée d’un syntagme nominal « les hirondelles » suivi par un groupe prépositionnel « de Kaboul ». La particularité de ce titre réside dans la présence d’un indice géographique qu’est la ville afghane « Kaboul », en fait cette localisation spatiale donne une spécificité majeure au titre à travers la situation d’accroche et de séduction du lecteur qui passe nécessairement par une sorte de rapprochement du titre ou plus exactement de la ville afghane avec l’actualité de ce pays.

En fait l’usage que fait l’auteur « des hirondelles » dans le titre n’est guère fortuit mais relève d’une symbolique et une métaphore qui sert à appuyer le contenu du récit. Les hirondelles sont des oiseaux migrateurs familiers qui installent leurs nids près des habitations. Ces oiseaux symbolisent traditionnellement l'arrivée du printemps, car leur retour d'hivernage en Afrique se fait dès les premiers beaux jours, pour nicher et se reproduire en Europe.

L'hirondelle est le symbole du renoncement et de la bonne compagnie dans l'Islam. Chez les Persans, le gazouillement de l'hirondelle sépare les voisins et les camarades, elle signifie solitude, émigration, séparation, sans doute à cause de sa nature d'oiseau migrateur. Donc les hirondelles ont une forte valeur symbolique, perçues comme annonciatrice du printemps, elles représentent l’heureux présage et deviennent par extension dans le monde entier un porte-bonheur. L'hirondelle symbolise aussi la liberté, la fécondité, l'enthousiasme, la chance, la fidélité, la loyauté, la pureté et l'endurance, qualités qui sont à notre avis essentielles dans le

combat de tous les jours ; l'hirondelle devient donc le symbole d'une personnalité prompte à agir.

Toute cette symbolique de l’hirondelle nous interpelle, dans la mesure où un questionnement principal s’oriente vers le lien que peut entretenir « les hirondelles » avec la ville afghane « Kaboul » dont le climat ne permet pas aux oiseaux hirondelles de séjourner. L’unique apparition du terme « hirondelle » est en rapport avec le climat de guerre qui sévit en Afghanistan et plus exactement dans la ville de Kaboul:

« Le ciel afghan, où se tissaient les plus belles idylles de la terre, se couvrit soudain de rapaces blindé : sa limpidité azurée fut zébrée de traînées de poudre et les hirondelles effarouchées se dissipèrent dans le ballet des missiles. La guerre était là. Elle venait de trouver une patrie. »92

Depuis la citation, nous saisissons que l’hirondelle est associée à la paix et la tranquillité et sa disparition connote la perte de bonheur et de sérénité.

Les hirondelles du titre rappellent peut être les femmes afghanes cachées derrière leur burka ou tchador. Bel oiseau, il invoque la splendeur de Zunaira veuve de Mohcen dont Atiq le geôlier sera séduit et tombe amoureux.

Par son aspect énonciateur de printemps donc de beau temps symbolisant la grande joie, « les hirondelles » conduisent le lecteur à établir un lien qui permet de penser à la société afghane chaotique vivant sous l’oppression du régime taliban et qui cherche au fond de cette fournaise, une lueur d’espoir, de retour de printemps dans une ville qui semble sombrer dans la grisaille d’un hiver interminable.

Les hirondelles par leur aspect migrateur et solitaire rappellent donc ces femmes afghanes victimes d’un régime sociopolitique récalcitrant, tyrannique et absurde à l’image de la population qui sont à la recherche d’une lueur de liberté.

Ce sont des femmes qui veulent s’évader, partir, quitter cet espace monotone et contraignant. D’ailleurs Zunaira après avoir été remplacée par Mussarat et sauvée par Atiq le geôlier à choisi de partir, de s’enfuir. Ces hirondelles évoquent aussi l’image de ces femmes cachées derrière leur burka bleue semblable à ces oiseaux à la robe bleue (hirondelle rustique).

En fait le titre associe deux éléments diamétralement opposés : Kaboul une ville où règne la guerre en proie à la désolation et au désespoir causés par le régime intégriste et barbare des Talibans et l’hirondelle qui annonce la joie du printemps, le beau temps et le retour à la vie.

Toutes les connotations que nous révèle la lecture du titre sont en parfaite liaison avec une thématique tragique repérée à l’intérieur du texte, celle de l’actualité afghane, un pays en proie aux violences barbares perpétrées par le régime taliban où toutes les pertes sont perceptibles : perte de joie, de dignité, de liberté, bref perte de la vie.

2.4. L’Attentat :

Ce titre du deuxième roman de la trilogie consacrée au dialogue des sourds, au conflit qui oppose l’orient à l’occident est totalement différent dans son aspect morphosyntaxique des autres titres analysés précédemment. Il s’agit d’un syntagme nominal composé d’un « article déterminant : le » et d’un nom « attentat ». En fait l’accompagnent du nom par un article défini véhicule un sentiment de déjà connu.

L’attentat dans son acception générale se définit telle une action destinée à nuire aux biens ou à la vie d’autrui, acte contraire aux lois. On parle généralement d’attentat dans un contexte politique. On pourrait distinguer deux sortes d’attentats : les attentats terroristes et les attentats-suicide la différence entre les deux réside dans le degré d’atteinte de l’auteur de cet assassinat le premier semble se distancier par rapport au lieu du crime alors que dans le second, l’auteur porte atteinte à sa propre personne et dans ce sens l’appellation est très révélatrice. Il existe encore une catégorie qu’on surnomme le faux

attentat qui renvoie à des menaces qui ne se concrétisent pas mais qui perturbent les activités habituelles.

Dès le départ le titre s’impose tel un annonceur de cataclysme, de désastre. L’horizon d’attente que construit le lecteur après la lecture du titre ouvre la voie à un ensemble de questionnement : de quel attentat s’agit-il ? À quel endroit ? Qui en est l’auteur ? Quelles en sont les victimes ? Ces interrogations sont en fait légitimes et relèvent du processus d’investigation qui s’impose à l’esprit de ce dernier.

Le thème de mort est annoncé dès le départ et capte l’intérêt du lecteur. Dès le début celui-ci est confronté à l’aspect violent du titre et par conséquent du récit. En fait le titre de ce roman résume bien l’esprit de rivalité qui règne dans le roman : lorsque un attentat ou acte terroriste a lieu, ceci implique certainement la présence d’un conflit opposant deux entités politiques ou même plusieurs.

Dans ce cas là le roman qui s’ouvre sur un attentat-suicide et qui se clôture sur un attentat terroriste démontre bien l’hostilité de la situation. L’attentat suicide qui ouvre le roman a eu lieu à Tel-Aviv contre la communauté juive dont l’auteur appartient à la mouvance palestinienne (le kamikaze Sihem est l’épouse d’Amine Jaafri chirurgien palestinien intégré), et l’attentat terroriste qui clôt le récit, perpétré par les israéliens contre des palestiniens à Janin révèlent la teneur du conflit entre les deux communautés musulmane et juive.

Le titre choisi par l’auteur L’Attentat et en rapport direct avec une intrigue nourrie d’un ton tragique permettant au lecteur de partager avec le texte ce malaise senti tout au long de la lecture du roman et de prendre conscience de cette guerre qui oppose palestiniens et israéliens.