• Aucun résultat trouvé

Le titre entre escorte et signifiance :

Chapitre 4 : La symbolique des titres chez Yasmina Khadra

1- Le titre entre escorte et signifiance :

« Il faut commencer l’étude du texte par celle de son titre »79

De la littérature à la critique littéraire, les titres ont fait l’objet de nombreuses analyses qu’on retrouve dans les travaux de J.Ricardou, C. Grivel, G.Genette, R.Barthes, C.Duchet, L.Hoek,….car ils ont un rôle prépondérant dans l’éveil de l’intérêt du lecteur. L’étude du titre pose avec plus d’acuité des problèmes relatifs à toute analyse littéraire. Le titre considéré comme un énoncé publicitaire, se distingue du reste du texte par son effet de captation en rapport d’abord avec son originalité d’une part et de sa brièveté d’autre part. En fait, cet effet que révèle le titre a souffert d’une pauvreté théorique remarquable, puisqu’il a fallu attendre les années soixante dix pour que certains concepts théoriques soient mis en place.

En littérature, le titre relève de l’entité paratextuelle selon Gérard Genette et semble trôner majestueusement sur l’intégralité de ses éléments car il permet au

lecteur de découvrir l’œuvre avant même d’en faire la lecture grâce aux différentes informations qu’il pourra cueillir et nourrira avec ses présupposés :

« (…) le paratexte n’est ni à l’intérieur ni à l’extérieur : il est l’un et l’autre, il est sur le seuil et sur ce site propre qu’il convient de l’étudier car, pour l’essentiel peut-être, son être tient à son site. »80

Pour J.Ricardou qui a choisi d’étudier les titres de romans d’un point de vue rhétorique, le titre a une primauté dans la première de couverture du livre en tant que porte qui s’ouvre au lecteur puisque la :

« Couverture est aussi cet écran très surveillé où se déploie le titre. Or, tout se passe comme si cette première page de carton jouait le rôle d’une porte d’entrée(…) une fois franchie l’unique entrée du texte, le lecteur est convié à suivre le corridor jusqu’à l’unique sortie, tout au bout. »81

C.Grivel quant à lui souligne suite à une étude faite sur le sémantisme des titres de roman dans son ouvrage intitulé Production de l’intérêt romanesque publié en 1973 que le titre possède une « puissance » dans la mesure où :

« L’autorité du texte se lit et se subit dès sa marque inaugurale.»82

Du côté des sociocritiques, Claude Duchet fait paraître un article très important en 1973 qu’il intitule : Eléments de titrologie romanesque où il attire l’attention sur la codification du titre, qui selon lui est double : sociale et littéraire. Le titre serait pour lui la charnière de l’œuvre littéraire et du discours social :

« Interroger un roman à partir de son titre est du reste l’atteindre dans l’une de ses dimensions sociales, puisque le titre

80 Gérard, Genette, Seuil : Les Titres, Paris, éd Seuil, Coll Poétique, 1987, p.5

81 Jean, Ricardou, La Prise/Prose de Constantinople, Paris, éd Minuit, 1972, p.21

résulte de la rencontre de deux langages, de la conjonction d’un énoncé romanesque et d’un énoncé publicitaire. »83

Dans son ouvrage Pour Une sémiotique du titre publié en 1973, L.Hoek posait les premiers jalons d’une théorie qui rendaient compte de l’importance du titre et sa relation étroite avec l’intratexte car pour lui le titre laisse une traçabilité à l’intérieur du texte. Puis en 1981, il fait paraître un important ouvrage sur un modèle de lecture du titre qui s’intitule La Marque du titre : Dispositifs

sémiotiques d’une pratique textuelle. Selon lui, lorsque nous nous servons d’un

titre pour désigner un référent, nous participons à une interaction sociale et le titre devient acte de parole. Le titre en tant qu’incipit est :

« Cette partie de la marque inaugurale du texte qui en assure la désignation et qui peut s’étendre sur la page de titre, la couverture et le dos du volume intitulé. »84

L.Hoek rappelle que la titrologie a acquis depuis un certain nombre d’années une place importante dans l’approche des œuvres littéraires, et suite à laquelle maintes définitions du titre ont été élaborées. Pour Claude Duchet, le titre du roman se définit comme :

« Un message codé en situation de marché : il résulte de la rencontre d’un énoncé romanesque et d’un énoncé publicitaire ; en lui se croisent nécessairement littérarité et socialité : il parle de l’œuvre en terme de discours social mais le discours social en terme de roman. » 85

Le titre se présente alors comme « un emballage » dans le sens où il attire le lecteur vers le texte. C’est un « aimant » qui semble être un passe-partout dans le but d’aborder l’univers crée par l’auteur pour le lecteur.

83 Claude, Duchet, « « La Fille abandonnée » et « La Bête humaine », éléments de titrologie romanesque », in Littérature, N°12, décembre 1973

84 L, Hoek, La Marque du titre : Dispositifs sémiotiques d’une pratique textuelle, La Haye, 1981, p.6

85 Claude, Duchet, « « La Fille abandonnée » et « La Bête humaine », éléments de titrologie romanesque », in Littérature, N°12, décembre 1973

Ainsi, le titre se propose tel un slogan publicitaire qui présente et annonce alors le texte permettant de cerner la signification de l’œuvre et livre les clés de sa compréhension. Le titre participe à l’édification d’un lieu d’échange entre l’auteur et le lecteur en établissant un « pacte de lecture » qui vise à orienter le processus de la réception de l’œuvre dès le départ.

De ce fait le titre est étroitement lié à l’œuvre par la légitimité qu’il lui confère en lui donnant un « nom ». Il accroche l’attention du lecteur et éveille son intérêt pour la lecture de l’œuvre, de ce fait le titre est assimilé à une double fonction celle de stimuler d’abord et d’assouvir par la suite la curiosité du lecteur. Le choix du titre n’est nullement le fait du hasard, sa formulation est longuement méditée par l’auteur afin de mettre le lecteur sur les rails de la compréhension du sens de l’œuvre et de décoder le message qu’elle véhicule.