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SECTION I : INSTRUMENTS DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES

3- Les instruments économiques

3.1. Les taxes environnementales ou les éco-taxes

Bürgenmeier et al. (1997 : p.89) avancent que ce sont des taxes exerçant une action

favorable sur l’environnement ; on parle aussi de taxes écologiques ou bien des éco-taxes. L’idée générale est de rendre la pollution coûteuse pour le pollueur en lui faisant payer une somme dont le montant a une relation avec la pollution qu’il émet. Ce terme générique d’éco-taxes englobe deux catégories se distinguant d’après leur objectif principal :

- la première a pour finalité l’internalisation des externalités ; ces taxes, appelées taxes

pigouviennes en hommage à leur concepteur Arthur Cecil Pigou, corrigent les prix pour

prendre en compte les coûts externes. Elles incitent à adopter un comportement qui tienne compte de l’ensemble des coûts occasionnés par des activités nuisibles à l’environnement.

- la deuxième catégorie a pour objectif le financement d’activités de protection de l’environnement ; ce sont les taxes financières ou redevances pour service rendu qui ont aussi une influence sur la qualité de l’environnement.

Ces deux objectifs de dissuasion et de financement peuvent sembler différents. Ils ont cependant un rapport avec la protection de l’environnement ; même les taxes dont

l’objectif est le financement du traitement des déchets sont des incitations en faveur de la protection de l’environnement. La taxe peut être soit spécifique (en fonction du poids, ou du contenu) ou bien soit ad valorem (en fonction de la valeur du bien). L’assiette ou la base sur laquelle est perçue la taxe peut varier : cette assiette est soit une émission, soit un produit. L’Organisation de Coopération et de Développement Economique, OCDE (1989), reprise par Bürgenmeïer et al. (idem : p.92-93), note qu’il y a comme taxes :

1) taxes ou redevances de déversement, ou taxes sur les émissions (redevances sur les eaux polluées payées par les industriels aux Agences de l'Eau en France) servent à imputer aux émetteurs les coûts de leurs émissions polluantes proportionnellement à la quantité d’émission ; l’assiette fiscale est la pollution émise ;

2) taxes ou redevances sur les produits sont utilisées pour des produits ou des équipements dont l’utilisation, la production ou la destruction est polluante ; elles sont

employées lorsqu’une mesure des émissions est impossible, trop coûteuse ou pour inciter à une utilisation rationnelle de ces produits : l’assiette fiscale est le produit. Ici aussi, il peut

s’agir des taxes pigouviennes ou incitatives. Il y a deux cas particuliers de taxes sur produit49 ;

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La différenciation par l’impôt qui renchérit les produits ne respectant pas l’environnement par rapport aux

autres qui sont moins polluants. Elle différencie des produits substituables en fonction de leur impact. Les systèmes de consignation renchérissent certains produits lorsqu’ils ne sont pas éliminés de manière conforme

ou imposent une taxe sur un produit potentiellement polluant. La taxe est remboursée quand la pollution est évitée par le retour du produit après son utilisation (ex : les systèmes de consigne des bouteilles en verre).

3) redevances pour service rendu financent certains services publics liés à

l’environnement. C’est un autre nom pour les taxes financières ; l’assiette est le service public

4) redevances administratives et taxes de non-conformité sont versées pour l’utilisation de certains produits ou processus permis dans la première modalité et interdits dans la seconde. Les redevances administratives sont des taxes financières, alors que les taxes de non-conformité se rapprochent du concept d’amende.

Ceci dit, si la catégorisation de ces taxes est une tâche assez aisée, leur application par contre, peut dans diverses situations, présenter des écueils quasiment impossibles à résoudre et ce, pour des considérations techniques et/ou économiques. Logiquement, il semble qu’une taxe sur les produits induise un faible besoin d’information qu’une taxe sur les rejets. Cette perspective n’est efficace que si elle puisse développer une corrélation suffisamment forte entre l’émission et le produit taxé (ex : la taxe sur le contenu en carbone d’un carburant

dont la combustion est liée aux émissions de CO2) : une taxe sur l’émission et une taxe sur le produit sont alors équivalentes. Illustrons un autre cas, la relation entre une taxe sur les

engrais azotés et une taxe sur la pollution de nappes phréatiques ; ce rapport est plus dilemmatique parce que l’externalité négative ici peut être tributaire du type d’engrais, de la géologie du sol, du type des plantes, des pratiques agricoles, ou du volume des eaux pluviales. Ce lien problématique entre ces deux taxes nous renvoi vers ce qu’on qualifie de pollution ou d’effet externe diffus qui laisse l’autorité régulatrice impuissante pour déterminer précisément les émissions de chaque pollueur. En fonction de l’exemple suscité de la pollution agricole, nous observons qu’il est très compliqué de quantifier les engrais épandus qui ne reflètent pas pertinemment la nuisance individuelle des agriculteurs. Cette nuisance qui

consiste en un résidu de l’épandage qui n’est ni absorbé par la plante ni immobilisé dans la couche superficielle du sol. Seul le niveau de la pollution ambiante est facilement

observable (le taux de nitrates dans la nappe) mais cette constatation est insuffisante parce qu’on ne peut estimer les rejets individuels en se basant uniquement sur la pollution ambiante. Ainsi donc, le problème posé au régulateur, qui est dans une situation d’ignorance face à la variable que le régulé peut voiler (seuil d’émission), est dit problème d’aléa moral qui touche d’ailleurs d’autres facettes. Via son principe de taxe ambiante, Segerson a traité un problème du dilemme du prisonnier à n pollueurs. Etant donné que la taxe est assise sur un résultat collectif (pollution ambiante), tout pollueur aura intérêt à être un cavalier seul ; pour un émetteur de pollution, polluer représente un gain privé certain qui se traduit par un coût de dépollution évité et un coût mutualisé avec tous les autres émetteurs.

Ce problème est supprimé par un niveau de taxe très important qui dissuade l’adoption de ce comportement : logique de punition collective. Notons qu’il y a d’autres alternatives pour lutter contre la pollution diffuse nécessitant toutes des contrôles onéreux et difficiles puisque les pollueurs sont en général plus nombreux, plus mobiles ou les prescriptions réglementaires et les assiettes sont plus difficilement observables par le réglementeur50.

Mais que faire des flux financiers des taxes et redevances appliquées aux pollueurs ?

Glachant (2004 : p.33-34) nous fournit deux solutions possibles :

1) financer des subventions environnementales : les recettes financent des subventions de dépollution dans le même domaine. Les subventions peuvent être assises sur la quantité de pollution évitée/supprimée comme les subventions à la dépollution ou sur le coût d'investissement dans le dispositif de dépollution. Par exemple, les Agences de l’Eau en France financent de 30 à 40 % du coût d'investissement d’une nouvelle station d'épuration ;

2) réduire d'autres taxes en respectant une contrainte de neutralité budgétaire : les éco-taxes ou redevances peuvent concourir à la réforme fiscale en facilitant la réduction de

distorsions préexistantes (sur le travail ou le capital) grâce aux recettes qu'elles génèrent. Elles peuvent déplacer une partie du fardeau fiscal ce qui est un argument en leur faveur. En fait, une taxe sur le travail (charges salariales) rend le travail plus cher et incite les employeurs à acheter moins de travail diminuant donc le niveau d'emploi. L'impôt sur le revenu est désincitatif pour les hauts revenus : plus on gagne, moins il est intéressant de faire des efforts supplémentaires pour gagner plus du fait de la progressivité des taux et parfois il suscite une fuite de capitaux vers des pays moins taxés. Les inefficacités dans ces cas là ont la même source : les taxes incitent des agents économiques à modifier leur comportement inversement avec l'intérêt général alors que les taxes environnementales modifient les comportements des taxés (les pollueurs) mais dans un sens conforme à l’intérêt général d’où l’idée du double dividende51 : utiliser les revenus de la fiscalité environnementale pour diminuer les taxes distorsives. Ce raisonnement paraît imparable car il montre que ces éco-instruments conduisent à deux effets positifs :

• un effet direct sur le bien-être via l'internalisation des effets externes négatifs ; • un effet de recyclage du revenu via la diminution de la fiscalité distorsive.

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i) des réglementations coercitives visant les comportements et non pas les émissions individuelles :

interdiction de labour à certaines périodes pour éviter plus de migration de nitrates et de pesticides vers les eaux de surface) ; ii) des mesures volontaires laissant l’agriculteur adopter des règles culturales diminuant les émissions polluantes (réglementations optionnelles).Ces programmes s'accompagnent de subventions financières

(en France, le PMPOA, Protocole de Maîtrise des Pollution d'Origine Agricole, les CTE : Contrats Territoriaux d'Exploitation) ; iii) des taxes sur la base d'un niveau de nitrates dans les couches

superficielles du sol de l'exploitation ou taxer les intrants à l'origine des pollutions (taxe sur les engrais azotés).

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On considère souvent l'option de réduire la fiscalité sur le travail : notion de double dividende environnement et emploi. Parfois, on l’élargit aux dividendes multiples : environnement, emploi, consommation, investissement.

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