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La gouvernance internationale de l’environnement

SECTION III : ENVIRONNEMENT ET COORDINATION INTERNATIONALE

2- La gouvernance internationale de l’environnement

Boemare et al. (2005 : p. 36) indiquent que, dans la mesure où l’économique assimile les pollutions à un mal” public affectant la planète, une coordination entre les pays en matière de politiques environnementales est alors nécessaire qui suppose de lancer des négociations

internationales susceptibles d’aboutir à la signature d’accords environnementaux significatifs. Mais les négociations ne rassemblent pas des acteurs idéalistes qui convergent tous vers le même but, loin de là, elles sont fortement complexes car des pays ou groupes de pays

avantageraient leurs intérêts aux dépens de l’intérêt global. Le problème réside là justement :

quels sont les Etats aptes à offrir un BPM, donc à supporter des coûts additionnels à la place d’autres Etats ? y a-t-il des incitations suffisantes à le faire en dépit d’un potentiel

ou réel comportement de cavalier libre/free rider ? Ces questions sont posées parce que

des pays, parmi les plus grands pollueurs mondiaux, donnent l’impression qu’ils ne sont pas concernés par le dérèglement climatique arguant que ce problème n’est pas consensuel et/ou que les actions préventives et correctives nuiraient terriblement à leur croissance économique. Ce dilemme fait appel à la théorie des jeux coopératifs ou non-coopératifs, à la structure d’incitations décrite par Dilemme du Prisonnier (DP) par Snidal (1985) et Ostrom (1990), donc à la stratégie dominante selon laquelle toutes les parties concernées gagneraient à collaborer mais, in fine, c’est l’intérêt propre de chaque pays qui va trancher, conduisant parfois même à recommander, purement et simplement, la non-coopération.

Le débat sur la gouvernance internationale de l’environnement n’est pas nouveau. Il a fait l’objet de choix politiques dès le sommet de Stockholm en 1972 avec la création du

PNUE. En 1998, a été institué la UN Task Force on Environment and Human Settlements,

présidée par le PNUE dont le rapport concluait que la fragmentation institutionnelle et la perte de cohérence politique dûes au nombre d’organes intergouvernementaux engagés dans

les questions environnementales, rendaient inefficace le travail de l’ONU et proposait la création d’un Forum Mondial des Ministres de l’Environnement (Global Ministerial

Environment Forum–FMME/GMEF) ainsi que d’un Groupe de gestion de l’environnement (Environment Management Group-EMG), proposition endossée par l’AG de l’ONU la même

année (Le Prestre et Martimort-Asso, 2004 : p.04-05).Inversement à la gouvernance économique mondiale relativement développée, celle ayant trait aux enjeux écologiques est demeurée plus limitée malgré l’institution du PNUE il y a une trentaine d’années et la succession d’accords environnementaux. Les suggestions pour le rééquilibrage de cette gouvernance visent à engager un vrai débat s’inscrivant sur le long terme : leur mise en vigueur requiert, en effet, une large approbation internationale qui semble assez irréaliste à court terme.

Selon Fortin et Hourcade (2000 : p.46), la coordination internationale des politiques climatiques s’effectue dans un contexte caractérisé par l’absence d’autorité supranationale

reconnue comme légitime et par la coexistence de multiples niveaux d’expertise. Depuis dix ans, les économistes ont été convoqués par leurs propres gouvernements et par les organisations internationales pour chiffrer les conséquences de diverses mesures

permettant d’atteindre des objectifs plus ou moins ambitieux de baisse des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). Sur le terrain, ce type particulier de gouvernance se distingue

par deux perspectives : d’une part, des organisations compétentes en la matière avec des conventions internationales, d’autre part, l’environnement est un sujet transversal qui fait irruption dans les pratiques de diverses organisations internationales, à commencer par

l’OMC. Pour notre part, nous allons nous intéresser uniquement à la première dimension. Les actions internationales pour l’environnement sont matérialisées, entre autres, à travers :

* le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE) ; * les Accords Multilatéraux Environnementaux (AME) ;

* le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM)

2.1. Le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement (PNUE)

Le PNUE est la plus haute autorité environnementale au sein de l’ONU. Il a pour but :

• d’évaluer les conditions et les tendances environnementales mondiales, régionales et nationales. Ainsi, et à titre d’illustration, le PNUE (2002), cité par Boutillier

(2003 : p.163), affirme que les pertes économiques consécutives à des catastrophes naturelles, avec ou sans lien avec le changement climatique, doublent tous les dix ans et pourraient approcher les 150 milliards de dollars par an dans la prochaine décennie si rien ne vient infléchir la tendance actuelle ;

• de développer des instruments environnementaux nationaux et internationaux ; • de renforcer les institutions afin d’assurer une gestion avisée de l’environnement ; • de faciliter le transfert des connaissances et de technologies pour un développement durable et encourager de nouveaux partenariats et de nouvelles perspectives au sein de la société civile et du secteur privé. Notons que le PNUE héberge les secrétariats de diverses conventions environnementales internationales66 :

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Secrétariat de l’Ozone et le Fonds multilatéral du Protocole de Montréal, Secrétariats de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, de la Convention sur la diversité biologique, de la Convention sur les espèces migratoires ainsi qu’un nombre grandissant d’accords liés aux substances chimiques dont la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.

Tous les deux ans, le Conseil d’administration se réunit pour donner son accord au plan d’action. Le Guide de l’environnement et du commerce, édité par le PNUE et l’Institut International du Développement Durable (IIDD), note, à juste titre que le PNUE

a été chargé de catalyser l’action environnementale dans toute l’architecture onusienne, tout en se voyant attribuer des ressources très modestes par rapport à l’importance de cette

entreprise planétaire. Ces ressources sont éparpillées entre les continents, puisque, outre son siège à Nairobi, le PNUE dispose d’implantations à Paris, Genève et Osaka. La modestie de

ses moyens explique que le PNUE ne puisse financer sur ses fonds propres de grands projets de protection de l’environnement dans les pays du Sud notamment et doit se contenter

à la simple gestion de grands accords internationaux67.

2.2. Les Accords Multilatéraux Environnementaux (AME)

Pearce (2007 : p. 313) affirme que la communauté internationale est prétendument très préoccupée par le sort du monde de la diversité biologique. Preuve de cette préoccupation

découle de la ratification de divers traités internationaux sur la conservation de la biodiversité. La Conférence de Stockholm a été le déclencheur de plusieurs accords régissant une

multiplicité des thèmes inhérents à l’environnement (traitement des causes et effets des

dégradations, des mécanismes de prévention). La sensibilité envers les crises écologiques a atteint une dimension universelle avec l’implication de l’ONU. Après Stockholm, l’AG de

l’ONU a adopté la Charte Mondiale pour la Nature, instrument ayant une valeur morale

importante pour appréhender les vrais motifs nécessaires pour protéger l’environnement. Gadji (2007 : p.29-30) se réfère au préambule de cette charte énonçant que « toute forme de

vie est unique et mérite d’être respectée, quelle que soit son utilité pour l’homme et, afin de reconnaître aux autres organismes vivants cette valeur intrinsèque, l’homme doit se guider

sur un code moral d’action ». Les AME se sont multipliés ces vingt dernières années mais

la plupart ne prévoient pas de mécanisme de sanction en cas d’inexécution, ni de véritable système de surveillance. Une procédure d’arbitrage est parfois prévue en cas de litiges mais

elle requiert l’accord des deux parties en conflit et peut donc aisément être évité : cela explique que l’application par les Etats de leurs engagements internationaux ne soit pas

toujours irréprochable. Devant l’impossibilité de présenter tous les AME, seuls quelques cas tirés d’un rapport du Sénat français (2004 : p. 84-88) seront brièvement exposés :

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Le PNUE est abondé, pour l’essentiel, par des contributions volontaires des Etats. Cette précarité des crédits est un obstacle à une programmation des actions à long terme et conduit à détourner une partie de l’énergie de ses agents de leur mission première pour la consacrer à la recherche de financements.

* Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages

menacées d’extinction (CITES) : premier principal AME, élaboré en 1973 et entré en vigueur

en 1975, la CITES régule le commerce des espèces menacées d’extinction ainsi que des

produits provenant de ces espèces. Elle institue des mécanismes de contrôle des échanges qui vont de la prohibition complète à un système de licences d’exportation. Elle voit la

participation très active des ONG, surtout scientifiques et militantes, à ses délibérations. * Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer : ou Convention de Montego Bay, signée en 1982 et entrée en vigueur en 1994. L’article 193 spécifie que «les Etats ont le

droit souverain d’exploiter leurs ressources naturelles selon leur politique en matière

d’environnement et conformément à leur obligation de protéger le milieu marin ».

L’article 207 §1 prévoit que «les Etats adoptent des lois et règlements pour prévenir, réduire

et maîtriser la pollution du milieu marin » ; obligation qui doit conduire les Etats à

développer leur administration interne en matière d’environnement.

* Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone : il réglemente des substances chimiques industrielles dégradant la couche d’ozone en interdisant la production et l’utilisation de plusieurs d’entre elles et applique aux autres une stricte réglementation. Il prévoit la création d’un fonds pour aider les pays en développement à se libérer peu à peu de leur dépendance à l’égard des substances réglementées. Il régule le commerce des substances nocives à la couche d’ozone et des produits contenant des substances réglementées 68

* Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets

dangereux et de leur élimination : signée en 1989, elle trouve son origine dans la crainte des pays

en développement, notamment ceux d’Afrique, de devenir des lieux de stockage pour les déchets dangereux qui ne seraient plus éliminés dans les pays développés. Elle fixe la liste des déchets

dangereux et proscrit leur exportation ou importation vers ou en provenance d’un Etat non partie. * Convention de Nairobi sur la diversité biologique (1993) : ouverte à la signature à la Conférence de Rio, cette convention a pour objectifs de protéger la diversité biologique,

d’encourager l’utilisation écologiquement viable de ses éléments et de favoriser la répartition

juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. La Convention de Nairobi n’a pas été facile à rendre opérationnelle. La diversité biologique

est elle-même un concept élaboré par la recherche scientifique au cours des vingt dernières années pour nous aider à mieux comprendre le milieu naturel.

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Les objectifs ont, depuis, non seulement été atteints, mais dépassés. Alors que la production mondiale de CFC s’élevait à 1,2 Mt en 1987, elle n’était que de 350.000 t en 1994. Aujourd’hui, les CFC ne sont plus fabriqués que dans certains pays en voie de développement qui ont obtenu des dérogations (Aggéri, 2000 : p. 34).

* Convention-Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC,

1992) et Protocole de Kyoto (1997) : adoptée à la Conférence de Rio en 1992, entrée en

vigueur le 21 mars 1994, la CCNUCC porte sur la plus complexe des questions environnementales et celle qui présente les plus fortes incidences économiques. L’action de la CCNUCC consiste à orienter les investissements futurs vers des activités produisant moins de GES. Instrument de mise en œuvre de la CCNUC, le Protocole de Kyoto qui a été adopté en décembre 1997, ouvert à ratification le 16 mars 1998 et entré en vigueur en février 2005.

* Convention de Paris sur la lutte contre la désertification (1994) : entrée en vigueur en 1996, elle prévoit que les parties élaborent des programmes d’action nationaux contre la désertification, harmonisés au niveau régional par des conventions bilatérales ou multilatérales. La convention insiste sur la nécessité d’associer à ces programmes les communautés locales et les ONG. Elle appelle à la mobilisation de ressources nationales ou internationales, publiques ou privées, pour financer la lutte contre la désertification.

* Convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause

applicable dans les cas de certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet du commerce international (Convention de Rotterdam) : nombre de produits interdits ou strictement

réglementés sur le marché intérieur sont échangés sur le marché international. Le PNUE (compétent en matière de gestion des substances potentiellement toxiques) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (qui surveille l’utilisation des pesticides) avaient intérêt à élaborer un système uniforme de notification garantissant que les renseignements seraient communiqués rapidement aux autorités compétentes. Il fallait en outre créer un dispositif qui permettrait aux pays en développement qui le jugent nécessaire de mettre fin à l’importation de substances déterminées. Cet objectif a été atteint grâce à la Convention de Rotterdam.

* Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants : ouverte à la signature dès 2001, elle vise à réglementer les polluants organiques persistants,

c’est-à-dire, des produits qui persistent dans l’environnement et peuvent s’accumuler dans les

organismes vivants. La Convention prévoit l’élimination des produits les plus dangereux et restreint l’usage des substances jugées moins nocives. La portée réelle de ces conventions

est variable : la Convention de Montréal a été un véritable succès puisqu’elle a permis de réduire considérablement les émissions de gaz dégradant la couche d’ozone69.

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Il est vrai que la faiblesse des contraintes imposées aux Etats est souvent le gage d’une large adhésion aux divers traités. A l’inverse, les traités qui contiennent des objectifs précis suscitent plus de réticences de la part des Etats au moment de la ratification ce qui explique que le Protocole de Kyoto, entre autres, a pris un retard pour qu’il entre en vigueur.

2.3. Le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM)

Faisant suite à un projet conjoint franco-allemand, le FEM a été instauré en 1990 en ayant pour mission d’apporter les fonds nécessaires pour faire face au surcoût subis par les pays en développement par l’institution d’accords environnementaux sur la diversité

biologique, la protection des eaux internationales, le changement climatique et la protection

de la couche d’ozone.Depuis l’an 2000, le FEM peut aussi faire valoir ses compétences sur des projets liés à l’application de la convention sur les polluants organiques persistants. Cet organisme regrouperait plus de 167 gouvernements. Son instance décisionnelle est le

Conseil du FEM qui rassemble 16 Etats de l’OCDE, 02 Etats en transition et 14 PED. Il consent d’apporter son financement à des initiatives qui lui sont présentées par 03 agences de mise en œuvre : le PNUE, le PNUD et la Banque Mondiale. Depuis sa

fondation, le FEM a participé au financement de plus de 1.000 projets dans 150 pays en voie de développement ou en transition.

3- Le Protocole de Kyoto : effort réel mais inachevé pour réduire les émissions de GES

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