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SECTION I : INSTRUMENTS DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES

2- Les instruments réglementaires

En toute certitude, la problématique environnementale a mis à nu l’idéologie présumée parfaite du libéralisme matérialisée par la main invisible dans la gestion des imperfections

des marchés ce qui a conduit à un basculement vers la main visible chapotée par l’Etat via des politiques environnementales devant assurer un seuil d’efficience non négligeable. D’une manière classique, ces politiques ont pour socle : i) les réglementations contraignantes, s’appuyant sur la coercition des agences gouvernementales qui imposent des dispositions visant à éviter la constitution des nuisances ; ii) les instruments économiques, reposant sur des mécanismes d’incitation qui, en intégrant des signaux prix, poussent les agents à internaliser ces nuisances en associant une valeur distincte aux actifs naturels.

Mzoughi (2005 : p.18) rapporte les propos de Gaulding et Karp (1995), selon lesquels, les ressorts d’action de ces deux modalités d’instruments sont respectivement la peur des sanctions et la volonté de maximisation des gains. L’approche réglementaire est la plus ancienne et la plus ancrée dans la pratique des politiques environnementales ; sa terminologie américaine reflète clairement la nature de ce système : "command and control approach".

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On a donc une relation caractérisée par la sélection adverse (les caractéristiques d'un agent ne sont pas observables) et par l'aléa moral (les actions d'un agent ne sont pas observables).

Berry et Rondinelli (1998 : p.39) déclarent que ce système est devenu le fondement pour un grand nombre de programmes d’environnement, de santé et de sécurité ainsi que pour des milliers de directives, standards et de régulations étatiques, fédérales et locales dans lequel les activités doivent opérer. Cette approche repose, entre autres, sur ce qui suit :

* les normes d'émission consistent en un plafond maximal d’émission qui ne doit pas être dépassé sous peine de sanctions administratives, pénales ou financières. Dans la mesure où les agents pollueurs ont économiquement intérêt à polluer, la norme assure qu’ils choisiront toujours exactement le niveau maximal de pollution autorisé, ni plus ni moins47

* les normes de procédés ou techniques imposent aux agents l’usage de certains équipements dépolluants (pots d'échappement catalytiques, stations d'épuration) ;

* enfin, les normes de produit imposent des niveaux donnés limites à certaines

caractéristiques des produits (taux de phosphates dans les lessives, taux de nitrates dans l’eau potable, teneur en soufre des combustibles ou de carburants des véhicules, caractère

recyclable des emballages, pesticides non dangereux, etc.).

L’ensemble de ces normes ne doit pas être instauré aléatoirement, mais au contraire, il doit obéir, de préférence, à des paramètres environnementaux et socio-économiques ;

l’essentiel, c’est de fixer une limite de pollution socialement acceptable, autrement dit, un seuil de pollution optimale. Cependant, cette opération qui consiste à arriver à un tel

niveau de pollution implique obligatoirement, de la part des agences environnementales

compétentes, une estimation pertinente ou fiable des dommages causés aux pollués. Le dilemme de la pollution optimale se pose alors de manière récurrente puisque cette

estimation est intimement liée au problème d’asymétrie de l’information : comment évaluer

le niveau tolérable des externalités négatives en présence d’une information imparfaite ?.

Dans le cas d’une norme assez rigoureuse non laxiste, le pollueur est poussé à tricher car contourner la norme lui permettrait de réduire ses coûts de dépollution ; donc des contrôles sévères et fréquents sont primordiaux48. Les normes techniques ou les normes de produit seraient ainsi préférables aux normes de rejets : vérifier un équipement de dépollution est plus aisé que de mesurer continûment les effluents polluants qui sont parfois incorporels.

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Si la norme est correctement spécifiée, l’objectif du planificateur est alors atteint. Mais la norme peut être fixée à un niveau inadéquat avec l’optimum : si elle est trop laxiste, le niveau de pollution sera trop élevé sans que les pollueurs soient incités à réduire leurs émissions, si elle est trop rigoureuse, le niveau de pollution sera inférieur au niveau optimal ce qui, du point de vue de l’efficacité économique, n'est pas souhaitable car il dégradera le bien-être social en imposant aux pollueurs un coût de dépollution excessif.

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Le problème de hasard moral ainsi posé ne pouvant être combattu que si le bénéfice marginal anticipé de la fraude est plus faible que le coût anticipé de la pénalité (égal au produit du montant effectif de la pénalité subie en cas de détection de la fraude et de la probabilité de contrôle).

D’après Porter et Van Der Linde (1995 : p.100), les instruments réglementaires créent une pression qui incite à l’innovation et au progrés. En revanche, l'inconvénient des normes le plus souvent invoqué est leur incapacité, si elles ont été fixées à un niveau non optimal -

possible que c'est le cas le plus courant-, à inciter les agents à augmenter leur effort d e dépollution (Beaumais et Chiroleu-Assouline, 2002 : p.36-37). La réglementation a

pour défaut majeur son application uniforme à toutes les firmes sans tenir compte des différences de coûts de dépollution. Elle est nécessaire toutefois pour des pollutions dangereuses et irréversibles pour la santé (ex : commercialisation et utilisation de l’amiante). Lanoie et al. (1994 : p. 103) reprennent Dewees (1990), pour qui, la réglementation aurait un autre impact sur le comportement des firmes puisque l'annonce publique de poursuites ou d'amendes imposées aux entreprises peut se traduire par une détérioration de leur image publique ou de leur réputation. Cette détérioration peut se manifester en termes économiques par une diminution de la demande pour les produits de l’entreprise et, partant, une réduction

de ses revenus futurs. S’il s'agit d’une entreprise cotée en bourse, ces effets se traduiraient par une baisse de sa valeur boursière. Lanoie et al. (idem) se basent également sur le travail de Muoghalu et al. (1990) prouvant que l’annonce publique d'une poursuite judiciaire contre

une firme ayant présument enfreint la loi américaine sur la récupération et la conservation des ressources (Resource Conservation and Recovery Act, 1976) a eu un impact négatif sur la valeur de cette firme

Gray (1987) indique que la réglementation de l’EPA serait responsable d'environ 1/3 du ralentissement du taux de croissance de la Productivité Totale des Facteurs (PTF) durant les années 70. L’impact de la réglementation sur la technologie, les coûts et la productivité peut affecter la compétitivité internationale des firmes sises dans des juridictions plus sévères en matière d’environnement (cité par Lanoie et al., idem : p.105). Dès la fin des années 80, plusieurs rapports mettent en évidence le fait que les réglementations sont, soit inappliquées,

soit peu efficaces, au sens où ces pratiques auraient surtout renforcé les technologies de « bout de chaîne » sans modifier radicalement le cœur des technologies, ni le comportement

des pollueurs (ex. : pot catalytique, filtre d’incinérateurs, stations d’épuration, etc)… Autrement dit par Aggéri (2000 : p.33), ce qui résulte de ces rapports, c’est que les modes de

gouvernement traditionnels sont en crise, que la légitimité de l’État est menacée et qu’il est nécessaire, pour surmonter cette crise, pour repousser les limites de l’État, d’inventer de nouvelles formes de gouvernance mieux adaptées à la nature des problèmes visés.

Depuis un certain temps, des facteurs susceptibles de jeter les bases d’un modèle

de gouvernance ciblant l’opérationnalisation du développement soutenable tendent légitimement

à apparaître, au moins en Europe, en faisant la promotion de l’usage d’éco-instruments plus adéquats (instruments économiques et approches ou accords volontaires, essentiellement); autrement dit, en encourageant une action partenariale qu’une mono-action contraignante. Selon Goulder et Parry (2008 : p.01), le choix de l’instrument de lutte contre la pollution

représente une décision politique environnementale cruciale. Le choix est en soi difficile parce que les critères d’évaluation comparative s’appliquent : les économistes tendent à se concentrer sur les critères de l’efficacité économique (avantages nets globaux d’une politique) et de son proche parent, la rentabilité. D’autres critères importants sont à noter : la distribution

des avantages ou des coûts sur des groupes de revenus, des ethnies, des régions, des générations et l’incertitude. Certains analystes incluraient aussi la faisabilité politique

comme un critère. Par rapport aux taxes sur les émissions et les quotas d’émissions

négociables, la réglementation se situe dans une position défavorable quant à la réunion des conditions de minimisation des coûts. Les inconvénients sont relatifs aux problèmes de l’information que doivent réunir les régulateurs ou les organismes de réglementation.

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