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Le développement durable et la thèse de l’état stationnaire (steady state)

SECTION III : LE DEVELOPPEMENT DURABLE

3- Le développement durable et la thèse de l’état stationnaire (steady state)

Les économistes classiques, dont Smith, Malthus et Ricardo avaient quasiment tous, dans leurs écrits, fait allusion à un état stationnaire inéluctable à long terme. La croissance

économique ne leur semblait donc pas possible à long terme. La rareté absolue (Malthus) ou relative (Ricardo) de la terre et le fait que cette dernière soit un input essentiel à la

production et la croissance de la population ne pouvaient qu’engendrer des rendements

décroissants en agriculture, forcer le salaire au niveau de subsistance, réduire les profits et l’accumulation de capital, et donc, mener à un état stationnaire dans un futur lointain. Au 20ème siècle, le traitement de cette question d’état stationnaire à été pris en charge par des

chercheurs dans deux courants de pensée opposés : les optimistes et les pessimistes.

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Ce Protocole engage les pays industrialisés et les pays en transition (ceux de l’Europe de l’Est surtout) à réduire d’ici 2008-2012, de 5,2 % les émissions des principaux gaz à effet de serre.

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Boemare et al. (idem) donnent l’exemple des négociations sur le changement climatique qui illustrent la difficulté d’obtenir des accords de coopération englobant l’ensemble des pays concernés.

Bürgenmeier et al. (1997 : p. 59) indiquent que les pessimistes, regroupés au sein du Club de Rome38, ont publié en 1972 le Rapport « Limits to growth », traduit de façon alarmiste en français par « Halte à la croissance », et vingt ans plus tard, sa suite « Beyond

the limits ». Ils y ont annoncé l’inévitable catastrophe par suite de l’insuffisance de la

production alimentaire vers 2020, de l’augmentation des pollutions vers 2040 et de la pénurie

de matières premières à l’horizon 2050, quelles que soient les politiques démographiques et économiques adoptées, sauf à choisir sans délai la « croissance zéro » : stabilisation

immédiate de la population mondiale, investissements limités au simple renouvellement du capital, réduction de 75% de la consommation de ressources naturelles et de la pollution

par unité produite, augmentation de la durée de vie du capital industriel et transfert des

capitaux de l’industrie vers la production alimentaire (Merlin, 2008 : p.08). Globalement, les auteurs y affirment que si les tendances économiques et environnementales actuelles se perpétuent, beaucoup de ressources naturelles seront épuisées, ce qui limitera, voire empêchera toute croissance future.

Les problèmes traités dans ce rapport s’étendent à toute la planète et agissent fortement les uns sur les autres : « Développement et environnement doivent absolument être

traités comme un seul et même problème », peut-on lire en particulier, d’où la nécessité

de considérer une « problématique mondiale » partiellement inspirée de la notion de la

biosphère et de l’écologie globale. Ce rapport s’appuyait sur une des premières simulations par ordinateur d’un modèle de l’écosystème mondial caractérisé par cinq paramètres : la population, la production alimentaire, l’industrialisation, la pollution et l’utilisation des

ressources naturelles non-renouvelables. La dynamique de ce système mondial fait que les phénomènes se renforcent et aboutissent à un cercle vicieux, à savoir : une population croissante qui consomme et pollue, de plus en plus, dans un monde fini. Dès lors, quel que

soit le scénario testé, la croissance exponentielle que connaît le système mondial conduit, à terme, à son effondrement : « Nous avons la conviction, écrivent les auteurs, que la prise

de conscience des limites matérielles de l’environnement mondial et des conséquences tragiques d’une exploitation irraisonnée des ressources terrestres est indispensable à

l’émergence de nouveaux modes de pensée qui conduiront à une révision fondamentale, à la fois du comportement des hommes et, par suite, de la structure de la société actuelle

dans son ensemble » (repris parAubertin et Vivien, 2006 : p.25). Ce rapport, appelé également

rapport Meadows, promeut l’idée de l’avènement d’un « état d’équilibre global », d’une « société stable ».

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Groupe de réflexion international composé de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), d’industriels et de diplomates, dirigé par H. Dennis Meadows.

Plus qu’une référence à Thomas Robert Malthus sur laquelle insistent les critiques de ce rapport, c’est la thèse de l’état stationnaire "steady state" chère à John Stuart Mill, qui voit offrir une nouvelle jeunesse. Comme cet auteur anglais, le rapport note : « La population et le

capital sont les seules grandeurs qui doivent rester constantes dans un monde en équilibre.

Toutes les activités humaines, qui n’entraînent pas une consommation déraisonnable des matériaux irremplaçables ou qui ne dégradent pas d’une manière irréversible

l’environnement, pourraient se développer indéfiniment. En particulier, ces activités que

beaucoup considèrent comme les plus souhaitables et les plus satisfaisantes : éducation, art, religion, recherche fondamentale, sports et relations humaines, pourraient devenir florissantes » (rapporté par Aubertin et Vivien (op.cit :p.25-26).

Posé en termes différents, le développement, qui peut être perçu telle une croissance qualitative, reste une alternative réaliste liée notamment au degré de volontariat des actions des parties intéressées (les fameux stakeholders) et ce, en porte-à-faux de l’analyse Millienne. L’équilibre du système global implique des seuils de population et d’investissement ne

devant nullement être franchis, un décalage d’une quinzaine d’années entre les mouvements de stabilisation de ces deux grandeurs devant permettre d’améliorer le bien-être matériel à l’échelle du globe. Donc, au delà de la critiquable croissance nulle/zéro, au sein même du

Club de Rome, c’est plutôt la perspective d’une re-allocation des richesses au niveau mondial qui est préconisée. Pour ce faire, la croissance doit emprunter deux sentiers bien distincts : une continuité limitée dans le temps dans les pays du Sud compensée par un arrêt dans les pays du Nord. Ce rapport de force a eu le mérite de déclencher une réelle mobilisation et d’amorcer un renversement institutionnel palpable : la croissance et le développement sont désormais des sujets transnationaux traités via des négociations et des modalités d’action dans de grandes conférences. Comme les auteurs classiques, il existe chez les

pessimistes une tendance vers un état stationnaire inéluctable ; ceux-ci abordaient donc déjà le développement ou la croissance économique non soutenable sans utiliser ces termes.

A l’opposé, des chercheurs optimistes, tels Julian Simon (The ultimate resource) ou Bjorn Lomborg (The skeptical environmentalist : measuring the real state of the World)39 notent que les problèmes écologiques actuels sont moindres qu’avant et que la rareté des ressources va s’inverser grâce aux ressources alternatives qui pourront économiquement se développer et que la croissance économique favorisera la qualité de l’environnement au delà d’un certain niveau de développement (courbe environnementale de Kuznets).

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Goor et al. (2004 : p.42) nous informent que cet ouvrage comprend 515 pages, y compris 2 930 notes, écrit en 18 mois par cet universitaire danois spécialisé en statistiques. Depuis la mi-2001, ce livre a alimenté d’importantes controverses à propos du "véritable état de la planète" et de la compatibilité du développement actuel avec l’environnement.

Lomborg entend combattre, avec une verve ironique et beaucoup de données chiffrées, la « litanie » environnementaliste (médias, ONG, scientifiques…) qui, selon lui, assombrit à tort l’évolution favorable du développement mondial vers le progrès (Goor et al., 2004 : p.42) Les deux courants de pensée, celui des pessimistes et celui des optimistes peuvent facilement être critiqués mais ils gardent un mérite important, celui d’aborder le débat du rapport entre ressources naturelles et croissance et donc du développement durable.

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