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Chapitre 1 Les acteurs pénaux suisses : trois niveaux à coordonner

1.1. Les conséquences du fédéralisme sur la structure des acteurs pénaux en Suisse

1.1.2 Les structures cantonales de Justice et de police

En Suisse, les cantons disposent d’une compétence de principe dans l’organisation de la sécurité sur leur territoire. C’est une compétence que l’on dit originaire : c'est-à-dire qu’elle existait avant même la Constitution. Cette dernière n’a pas remis en cause le principe et a intégré cette compétence dans ses articles 3 et 47.

En conséquence, « les cantons sont donc chargés d’assurer la sécurité et l’ordre public sur leur territoire. Le second domaine principal de compétence des corps de police cantonaux est l’exécution des tâches de police judiciaire (poursuite pénale)28 ».

1.1.2.1 L’organisation de la Justice cantonale

26http://www.fedpol.admin.ch/fedpol/fr/home/fedpol/organisation/ipk.html

27 L’Office fédéral de la police et l’Office fédéral de la Justice sont sous la responsabilité du Département

fédéral de Justice et de police. http://www.bj.admin.ch/content/ejpd/fr/home/die_oe/organigramm_ejpd.html

Tout comme la police que nous présentons dans le paragraphe suivant, il est relativement difficile de faire une présentation complète et cohérente de toutes les organisations de la Justice. En effet, il existe vingt-six organisations différentes et chacune a des particularités soit en termes de juridictions, de mode de nomination, de fonctionnement soit même de compétence. Enfin, il existe deux niveaux de juridictions : la première instance et le recours.

a) Les juridictions de première instance

En première instance, on trouve un Ministère Public local et des juridictions. Jusqu’à la réforme du 1er Janvier 2011, on pouvait trouver soit (dans chaque canton) : un Office du juge d’instruction cantonal et des offices d’instruction pénale, soit un Ministère Public avec un procureur. Depuis l’entrée en vigueur de CODEX au 1er Janvier 2011, il y a dans chaque canton, uniquement un Ministère Public local avec un procureur à sa tête. C’est sous la surveillance du procureur que la police judiciaire cantonale exerce ses fonctions.

Il est pratiquement impossible de présenter toutes les juridictions dans le cadre de ce travail. Cependant, il existe quelques grandes lignes sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour comprendre la Justice au niveau cantonal. Tout d’abord, on retrouve une juridiction dédiée aux mineurs qui instruit et juge. Ensuite, on retrouve des tribunaux

locaux, d’arrondissement, de district (l’appellation varie en fonction du canton). Ces

tribunaux, répartis sur le territoire du canton, sont composés de plusieurs Cours et compétents en matière de contraventions, de délits et de crimes. Enfin, un tribunal des mesures de contrainte statue sur le placement en détention des prévenus.

b) Les juridictions de recours

Lorsqu’un justiciable n’est pas satisfait de la décision rendue par l’une ou l’autre des Cours de première instance, il a la possibilité de demander une nouvelle analyse de son cas devant le tribunal cantonal. Il n’y a qu’un seul tribunal de ce genre par canton. Le nombre de juges et leur mode de nomination sont variables.

Au niveau cantonal, on trouve également le Ministère Public central dirigé par un procureur général. Il exerce une surveillance sur les actes passés par les ministères locaux et il est compétent pour instruire certaines infractions spécifiques.

La Justice n’est pas le seul acteur pénal à avoir une organisation éclatée, morcelée et sans apparente unité. Il en est de même pour la police. Pour la comprendre, il convient de différencier, d’une part, les bases légales et politiques et, d’autre part, l’organisation pratique de la police.

1.1.2.2 L’organisation de la police cantonale

a) Le cadre légal et politique de la police au niveau cantonal

Il convient d’effectuer quelques rappels sur le système politique au niveau cantonal pour mieux comprendre comment se structurent la police et la Justice.

On trouve à la tête de chacun des vingt-six cantons deux structures : un parlement cantonal et un gouvernement cantonal29. Le gouvernement est la plus haute autorité de direction et d’exécution au niveau du canton. Il exerce les activités de gouvernement et d’administration. Il se compose de cinq à sept membres élus au suffrage universel direct (ce qui lui donne une grande légitimité) et c’est la collégialité qui prime dans le fonctionnement du gouvernement. Chaque membre est à la tête d’un département de l’administration cantonale (dont la police et la Justice).

Le directeur du département chargé de la police est le responsable politique des corps de police cantonaux, mais c’est le parlement cantonal qui fixe le budget ou les bases organisationnelles. Dans la plupart des cantons, il existe une loi cantonale sur la police qui rassemble les tâches, les compétences et l’organisation des corps de police. L’harmonisation des diverses lois cantonales concernant la police est en forte progression, surtout en matière des droits et des obligations des membres des forces de l’ordre. Selon fedpol, cette tendance s’explique par le respect des droits fondamentaux des citoyens en

particulier par rapport à la Constitution, à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et à la pratique du Tribunal fédéral30.

Bien que les cantons cherchent à harmoniser les cadres légaux et réglementaires encadrant les activités de police, force est de constater que les vingt-six cantons ne sont pas encore arrivés à une organisation unique pour la police cantonale.

b) L’organisation pratique des polices cantonales

L’organisation pratique est un domaine où chaque canton dispose d’une très grande marge de manœuvre en matière de formation, d’armement, d’équipement et d’uniforme31. Il serait illusoire, pour nous, de présenter l’ensemble des particularités des vingt-six corps de police cantonale. Cependant, comme Sigrist (2009), nous pouvons donner un aperçu satisfaisant de l’organisation de la police en fonction des régions linguistiques et culturelles.

Dans les cantons alémaniques : où on parle majoritairement allemand et qui sont situés à l’Est du pays, la police cantonale est organisée de manière tripartite. Il y a une police judiciaire (Kriminalpolizei), une police de sécurité (Sicherheitpolizei) et une police de la circulation.

Dans les cantons romands : où on parle majoritairement français et qui sont situés à l’Ouest du pays, la police cantonale est bicéphale. Elle s’organise entre la gendarmerie (qui est l’équivalent de la Sicherheitpolizei) et la sûreté (qui est l’équivalent de la Kriminalpolizei). La police de la circulation est souvent intégrée dans les compétences de la gendarmerie.

30 Nous rappelons que le Tribunal Fédéral est la plus haute juridiction suisse et qu’il fait une analyse de fond

des litiges (une analyse sur les fondements légaux et leur interprétation par les juges).

31 Cette définition est issue de fedpol :

http://www.fedpol.admin.ch/content/fedpol/fr/home/themen/sicherheit/polizeistruktur/kantonale_polizeikorps. html

Dans le canton du Tessin : où on parle italien et qui est situé au Sud du pays, les forces de police sont réparties en fonction de secteurs géographiques. La police cantonale tessinoise est composée de trois entités : la gendarmerie, l’Etat-Major (Stato Maggiore) et la police judiciaire (Polizia Giudiziaria)

Sigrist (2009, p.383) ajoute à cette présentation synthétique toutes « les variantes possibles en fonction des cantons » comme la police du lac ou celle de l’aéroport. En outre, il existe des unités spéciales, des groupes d’intervention et des organes spéciaux. Malgré cette impressionnante variabilité des structures au niveau cantonal, la compétence de principe que possède les cantons permet à Sigrist (2009, p.382) de conclure que « les polices cantonales représentent la véritable charpente de la police ».

Un dernier niveau mérite d’être présenté pour avoir une image complète de la structure des acteurs pénaux en Suisse. Il s’agit du niveau municipal.