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Chapitre 5 : L’utilisation de l’information dans la police de proximité

5.2 L’analyse criminelle dans la pratique vaudoise

5.2.3 Analyser l’information

Schématiquement, analyser l’information peut se comprendre comme l’étape durant laquelle les données sont mises en perspective dans le but de répondre à un besoin :

« L'agent de proximité fait cette transformation en renseignement. Du renseignement, il le communique aux personnes chargées d'analyser ce renseignement. Un renseignement parfaitement anodin peut amener ou déboucher à… Sur une affaire d'une certaine importance. Il n'y a pas de renseignement de faible importance. Tout renseignement doit être traité, doit être analysé et doit être classifié. Et il y a une classification qui existe ou qui devrait exister, c'est « on ne sait pas où la classer cette information », mais on doit l'avoir. (PL-6-off)

Comme le souligne cet extrait, plusieurs phases se succèdent dans l’analyse des informations, c’est pourquoi, dans le canton de Vaud, il existe un service dédié spécifiquement à l’analyse des données judiciaires qui recueille et traite l’ensemble des informations fournies par les postes de police, avant de produire des statistiques. Ce service est chargé de compulser l’ensemble des données fournies par les postes de police (ex :

nombre d’interpellations, moyens utilisés, garde à vue, type de procédures, type de délits, nombre de personnes impliquées, nombre de policiers impliqués) pour fournir, par la suite, une tendance ou une image de l’état de la criminalité dans le canton de Vaud. Pour PL-2- ssoff, cette procédure s’apparente plus à des rapports comptables, tandis que d’autres répondants (PC-8-ssoffsup) parlent d’image statique de la situation. Pour la majorité des répondants, ce service ne produit pas réellement des renseignements, mais il génère des statistiques policières. Ces statistiques seront transmises autant en amont (à la hiérarchie (PL-1-ssoff)), qu’en aval (aux postes de police (PC-2-ssoffsup)). L’objectif de ces statistiques est double. D’une part, elles permettent de renseigner les policiers de terrain quant aux tendances criminelles au niveau local ou cantonal (PL-7-ssoff) :

« Alors nous, par le biais des événements, on remplit le journal des événements et tout ça et eux (les responsables statistiques) après, à leur niveau, ils trient les événements, cas par cas et après ils leur attribuent une terminologie qui est propre à notre vocabulaire des opérations de journaux, des opérations SERA, des opérations FINESTRA… et eux répertorient tout ça et au vu de tout ce qu’ils répertorient, ils sortent des statistiques, ils sortent aussi des… comment ? les élans du mois, alors on arrive dans la période des cas SERA et ça c’est répertorié et …et….nos rapports doivent être….. il doit y avoir un échange, ça c’est sûr. » (PC-2-ssoffsup)

D’autre part, elles servent à comprendre comment se passent les interventions (i.e utilisation de moyens de contraintes, spray au poivre) (PL-2-ssoff).

« Moi je pense, c’est d’avoir des « leads » qui soient capables justement de filtrer un petit peu l’information, pour pouvoir dispatcher ça, en fonction de l’importance .Tout mettre dans le même puits et que les gens aillent puiser l’information, des fois on s’y perd un peu. Au même titre qu’internet, chercher quelque chose, ou à un moment donné, si on ne met pas de la rigueur, on sort du cadre. (PL-9-ssoffsup)

Cependant, certains répondants soulignent que les tendances qu’on leur communique ne sont pas faciles à utiliser dans leur travail au quotidien (PC-8-ssoffsup) :

« C’est clair que c’est frustrant de se dire qu’on a plus orienté les recherches dans le sud, a posteriori, alors que ça peut être partout, donc il y a toujours des problématiques de ce genre d’analyses de statistiques a posteriori et, ce qui nous manque quand même, je pense, mais je ne sais pas

si ce serait profitable, mais ce serait à essayer, ce serait d’avoir un peu plus de grandes lignes de criminologie, je ne sais pas si ça se fait vraiment, mais si c’est valable, mais typiquement, quand on a … on sait pas assez d’informations typiquement sur les déplacements de certains cambrioleurs, on ne sait pas si…. ils viennent souvent à vélo, à pied, ils ont quelqu’un qui les dépose à domicile pour le cambriolage etc. » (PL-2-ssoff)

Tandis que d’autres rapportent la sous-exploitation des analyses réalisées par le service de police, voire même le caractère pratiquement comptable des statistiques vaudoises ou les limites inhérentes aux statistiques :

« C’est toujours le risque de pas trop généraliser, il faut quand même veiller à ce qu’il y ait un examen le plus scientifique possible […] parce que sinon le risque, c’est de tomber dans la discrimination et puis il faut quand même être conscient que les infractions qui parviennent à la connaissance de la police sont une partie des infractions, donc il y a le chiffre noir. » (PL-4-

nongd)

« Leurs analyses… peut-être qu’on les sous-exploite, mais je pense, ça vient aussi par la nature de notre travail et tout, on a tellement d’informations aussi que peut-être ce total d’informations nous… nous bloque… » (PC-1-

ssoff)

« Ça reste de toute façon des statistiques très formelles, c’est un nombre de cambriolages par semaine, donc il y a peu de chance d’avoir des variations par rapport à la réalité. » (PL-2-ssoff)

« C’est suffisant, mais c’est vrai que des fois, il manque la sensibilité humaine. Typiquement, on a régulièrement un coordonnateur judiciaire qui vient regarder les affaires de la nuit ou en cours, quand on discute, il a toujours beaucoup plus de choses à raconter que ce qui est noté sur le papier bien sûr. On arrive beaucoup plus à échanger verbalement et c’est vrai que les statistiques et le papier sont bien jolis ou les plans mais, des fois quand on sait vraiment ce qui se passe ou la façon dont se sont traitées certaines affaires, on a un petit plus, quand on a un contact privilégié avec les gens. » (PL-2-ssoff)

Moi, mon intérêt, ça serait de savoir à quoi elles servent […] A mon avis, elles sont juste là pour justifier un travail, mais on ne tient pas compte des statistiques que l’on fait pour dire « tiens, dans un quartier, il y a un problème, on pourrait peut-être y penser » il n’y a pas, à mon avis… peut- être au niveau plus.. plus, au niveau judiciaire, pas à notre niveau (PL-9- ssoffsup)

Le service dédié à l’analyse des informations93 n’est pas le seul à bénéficier des informations collectées et vérifiées par les policiers de proximité. En effet, les policiers de proximité réalisent eux aussi cette étape d’analyse pour les affaires qu’ils ont à traiter. Cette pratique semble être une évidence pour les policiers de proximité qui s’appuient spontanément sur leur intégration au maillage humain :

« On a deux personnes qui le font actuellement mais, pour moi, il y a quelque chose à développer encore là. Le traitement du renseignement est quelque chose de... doit être fait par des spécialistes qui doivent avoir suivi une formation d'analystes, ça c'est clair. Mais bon, on a quelque chose qui est assez solide et il faudra sensibiliser nos personnels à :1) au fait qu'ils sont des agents de proximité, avant d'être des spécialistes 2) qu'ils ont cette mission, cette charge de créer un climat de confiance avec la population et charge aussi d'alimenter ce renseignement. » (PL-6-off)

« Oui, ça permet de faire des croisements : pourquoi est-ce que celui-là… non pas ça, ce n'est pas son genre, ça n'a rien à voir avec ça. Ça va nous permettre de décliquer, alors que d'autres auraient pas décliqué du tout parce qu'ils ne le connaissent pas. Un moment, ils voulaient tout centraliser, on le voit par exemple avec les CIR, les collègues vont sur place, ils font leur intervention et ils repartent, il n'y a pas… Il y a de la perte d'informations, ça c’est net ! Ça, on s'en est rendu compte, même si on le savait déjà, mais pour différentes raisons, on n’a pas voulu le voir à l'époque et on revient un petit peu à l'idée qu'il faut avoir des gens sur place, pour avoir cette proximité, ce contact avec les gens, avec la population… Parce qu'on travaille quand même avec ça. » (PC-8-ssoffsup)

Une fois que les policiers de proximité ont accès aux statistiques, il leur est possible de mettre en œuvre leur contenu sur le terrain. Cette étape est cruciale, puisque c’est elle qui assure la circulation de l’information.