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Chapitre 3 : Méthodologie

3.3 La grille d’entretien : construction et fonctions

Nous présenterons dans un premier temps de quelle manière nous avons structuré notre grille (3.3.1) et dans un second temps à quoi cette grille va nous servir dans l’analyse (3.3.2).

3.3.1 La construction de la grille d’entretien semi-dirigé

Selon Quivy et Van Campenhoudt (1995/2006), la grille d’entretien assure une forme de rupture épistémologique entre la littérature scientifique et le recueil des données du terrain. La grille d’entretien permet de faire la transition entre la théorie et la pratique en fournissant un cadre semi-rigide au chercheur. Concrètement, la grille assure une forme de standardisation (on aborde les mêmes thèmes dans chaque entretien) tout en permettant de découvrir de nouveaux aspects potentiellement pertinents au moment de l’analyse. En l’espèce, nous avons procédé en trois temps.

Dans un premier temps, nous avons isolé les deux notions centrales de notre question de recherche (communauté et connaissance qui sont les deux notions au cœur des modèles théoriques, respectivement, de COP et ILP). Nous avons ensuite extrait des sous- notions à partir de la littérature scientifique. Cette étape permet d’opérationnaliser chacun de nos concepts et d’assurer la cohérence avec nos objectifs. La grille d’entretien se compose alors de deux thèmes et de quelques sous-thèmes. À ces deux thématiques que sont la communauté et l’utilisation de la connaissance dans le travail policier, nous avons choisi d’inclure le récit de vie comme troisième thématique. En parlant de quelque chose qu’il connaît bien (son parcours au sein de la police), le répondant est souvent plus à l’aise

et plus confiant par rapport à la suite de l’entretien. Le récit de vie a une fonction particulière dans l’approche qualitative car il permet de mettre en confiance le répondant pour le préparer à aborder des thématiques plus spécifiques (en l’occurrence, le travail de terrain, la communauté et la circulation de l’information). Selon Fenneteau (2007, p. 21), le récit de vie permet d’évacuer le stress et de dépasser les idées convenues ou le discours institutionnel. Enfin, le récit de vie est utile dans la description de l’échantillon, car il fournit les caractéristiques telles que l’ancienneté, l’expérience, les postes occupés, ou encore la tranche d’âge. Cela permet de situer l’échantillon et d’en comprendre les limites aussi bien que les contraintes.

Dans un deuxième temps, nous avons réalisé des tests sur la cohérence de notre grille avec des sujets volontaires ne connaissant rien à notre domaine. Ces pré-tests ont été réalisés auprès de trois étudiants en criminologie ou sciences policières de niveau maitrise. Non enregistrés, ces entretiens nous ont permis de simuler les conditions d’entretiens pour valider l’enchainement des sous-thèmes et, au besoin, modifier ce qui n’était pas compris. Cette expérimentation fournit aussi une estimation de la durée probable de chaque entrevue. Dans un troisième et dernier temps, nous avons intégré des variantes à notre grille pour qu’elle tienne compte du poste occupé par le répondant (patrouilleur, analyste, chef de groupe, …). Avec des préoccupations quotidiennes différentes, les réponses aux questions peuvent varier. Il convenait alors de créer une grille suffisamment souple pour s’adapter à cette éventualité.

Nous précisons que nous n’avons pas rédigé toutes les relances possibles afin de laisser plus de latitude à l’écoute active et à l’empathie. Toutefois, nous nous sommes inspirés des travaux de Fenneteau (2007, p.22-25) pour formuler nos relances. Nous avons principalement utilisé :

les encouragements à avancer c'est-à-dire quelques mots neutre et empathique comme « je vois » ou « oui ».

o la répétition en écho : c'est-à-dire la réutilisation sur un ton interrogatif de la dernière idée soulevée par un répondant (« l’information? » ou « le syndic? »)

o l’intervention en miroir : lorsque le répondant semble avoir du mal à verbaliser et pour éviter l’interprétation du langage verbal, on peut être amené à demander « vous trouvez cette situation efficace? » « ça fonctionne selon vous? » « vous trouvez? »

o la reformulation/ résumé est très utile avant de changer de thèmes car elle permet de résumer ce que vient de dire le répondant pour vérifier avec lui, si nous avons compris son point de vue (« en résumé, vous… » « si je résume,… » « si je comprends bien… » garder le silence : pour permettre au répondant de réfléchir sur un thème ou

pour lui laisser le temps de rassembler ses souvenirs pour une illustration l’interrogation générale neutre était plutôt utilisée en fin d’entretien pour

inviter le répondant à compléter son discours sur un thème déjà abordé ou pour lui permettre de nous parler d’une thématique qui lui tient à cœur. Cette technique a reçu un accueil favorable de la part des policiers qui pouvaient, ainsi, au début et à la fin, s’exprimer hors du cadre de la recherche (entre-temps, les thèmes étant imposés par la recherche, le discours est libre mais encadré)

Construire une grille d’entretien80 est un exercice qui demande de trouver un équilibre entre la littérature scientifique et la liberté dont le répondant va disposer pour se raconter. Trois temps sont importants dans sa structuration : isoler des thèmes et des sous- thèmes, tester la cohérence de la grille, intégrer des variantes pour tenir compte de la diversité des répondants.

Ce travail préparatoire est crucial. C’est de la qualité de la grille que dépend la suite du travail de recherche. On peut dire que la grille assure quatre fonctions dans la recherche.

3.3.2 Les fonctions de la grille

La première fait office de vérification. En effet, en utilisant la même grille pour chaque répondant, on s’assure d’avoir abordé tous les thèmes et les sous-thèmes. À la manière d’une check-list, la grille évite les omissions ou les erreurs tout en étant facile d’utilisation.

La deuxième fonction repose sur la cohérence avec nos objectifs principaux et secondaires. La grille d’entretien vaut pour chaque répondant mais elle vaut aussi pour l’ensemble de notre sujet. Elle recouvre alors tous les aspects de notre question de recherche du plus important au plus insolite ou anodin.

La troisième fonction tient à l’émergence de nouvelles thématiques. Cet aspect n’a rien d’étonnant car la grille est construite de manière à laisser le répondant libre de ses réponses (tout en étant encadré par une thématique de départ). Au fil des relances, il arrive qu’une thématique émerge soudainement. Il est alors possible de l’aborder si jamais elle parait appropriée pour la compréhension du sujet. Dans ce cas de figure, la souplesse de la grille d’entretien est un atout précieux.

La quatrième et dernière fonction est tournée vers l’analyse ultérieure des données. La grille d’entretien permet une certaine standardisation des données recueillies puisque les thèmes et les sous-thèmes sont communs. Même si l’ordre des informations peut varier, le chercheur dispose d’un pool d’informations qu’il va pouvoir traiter durant l’analyse. Cette standardisation assure une forme de validité et de fiabilité à la méthodologie qualitative choisie.

Après avoir justifié de l’utilité de la méthodologie qualitative pour cette recherche et avoir présenté les grandes lignes de la grille d’entretien, nous allons pouvoir présenter de quoi se composent nos données et comment nous les avons recueillies.