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La compréhension des besoins de la population par la police de communauté

Chapitre 2 : Un cadre théorique initial pour une compréhension plus détaillée

2.1 La police de communauté

2.1.3 La compréhension des besoins de la population par la police de communauté

consultation de la population pour comprendre ses besoins (2.1.1.3)

2.1.3 La compréhension des besoins de la population par la police de

communauté

Comprendre les attentes d’une communauté est un des défis que les acteurs pénaux cherchent à relever en implantant la police de communauté. Beauchesne (2010) illustre bien cette difficulté dans son étude. En retraçant l’évolution du modèle policier, Beauchesne revient sur l’idée du policer comme « combattant du crime » et elle démontre la complexité du rôle de la police dans le contexte moderne (en particulier dans les rapports avec les médias). L’auteure insiste ensuite sur les liens entre le politique et le virage communautaire tout en constatant que c’est « un succès politique mais un échec sur le terrain ». Compte tenu des résultats mitigés de la police communautaire, Beauchesne décrit le glissement vers une approche de renseignement au niveau local qui fait une utilisation extensive des données (COMPSTAT) parlant alors de police communautaire de tolérance zéro. Toutefois, elle souligne que cette forme de policing est sujette à de nombreuses controverses en particulier concernant l’élargissement du filet pénal. Face à la difficulté de mise en œuvre de la police de communauté, plusieurs outils « plus pragmatiques » (Brodeur, 2003) ont été

développés. Nous en présenterons trois : la mise en place de SARA, le développement des activités proactives et enfin le reassurance policing.

L’une des méthodes les plus populaires de prise en compte des problèmes et de systématisation de l’approche communautaire porte le nom de SARA (Eck & Spelman, 1987; Watson, Stone, & DeLuca, 1997). Elle est l’un des outils les plus répandus de la police de résolution de problèmes (Goldstein 1977, 1979, 1990). SARA est l’acronyme de Scanning, Analysis, Response et Assessment62. C’est une séquence d’actions à accomplir avec l’objectif de résoudre un problème dans une communauté en favorisant la mise en œuvre de réponse personnalisée impliquant autant la police que la population locale.

Dans le « Scanning », les policiers vont à la rencontre de la population. Ils utilisent leur expérience et leur connaissance du terrain pour recueillir les plaintes, écouter les commerçants ou rencontrer les associations. La rencontre physique avec la population n’est qu’un moyen parmi ceux à disposition. Il y a aussi les sondages, les médias, les journaux, la télévision ou les manifestations… Cette étape a pour but de repérer les problèmes et de les identifier clairement. La phase « Analysis » de la police de résolution de problèmes s’inspire largement des techniques utilisées en analyse criminelle. Elle met en jeu un raisonnement spécifique, des ressources humaines et matérielles ainsi que des moyens techniques. Plus la problématique est complexe, plus cette démarche demande du temps et de la minutie. Il en est de même quand les communautés sont vastes, car l’analyse suppose alors de traiter une masse de données importante (traces matérielles comme chez Normandeau (1993) ou Ribaux & Margot (2007) ou données stratégiques comme chez Froidevaux (2007). Durant cette étape, la police va rassembler les informations, évaluer la pertinence et la fiabilité, utiliser leur contenu et finalement lier les informations entre elles, avant d’en proposer une représentation. La représentation idéale est celle qui illustre le problème avec le plus de justesse et qui assure une compréhension du problème par l’ensemble des forces de police.

L’analyse est un pivot du processus SARA car elle guide à la fois le type de réponses (Response) à apporter au problème et les méthodes d’évaluation (Assessment) de l’efficacité. La réponse dépend très largement du problème de départ, de la compréhension qui en est faite, des ressources disponibles et de la créativité policière. Dans la littérature, elle est présentée sous des formes très variées en fonction du lieu ou du moment où elle doit intervenir (Normandeau, 1993). A titre d’illustration, la réponse apportée à un problème dans la communauté peut se faire grâce à une surveillance accrue, l’augmentation des patrouilles, la mise en place de programmes d’écoute, des interventions dans les écoles. Cette troisième étape poursuit en général l’un des cinq objectifs suivants : la suppression complète du problème, la réduction significative du problème, la réduction de la gravité ou des conséquences dommageables, l’amélioration de la réponse policière et enfin la prise de responsabilité du problème par les personnes adéquates (Normandeau, 1993).

La dernière étape est celle de l’évaluation (assessment). Elle permet de « déterminer si la stratégie fonctionne » (Normandeau, 1993). Tout comme l’étape précédente, les modes d’évaluation sont multiples et personnalisables en fonction des besoins ou du contexte communautaire. Plusieurs dimensions semblent néanmoins se retrouver dans les évaluations réalisées avec SARA : la mise en application de la réponse apportée au problème en particulier, la planification des données nécessaires à l’évaluation, les objectifs à court moyen et long terme ou encore les ressources externes impliquées. Cependant, tous les auteurs ne sont pas aussi enthousiastes que Normandeau (1993). Ainsi, Lemieux (2005) se questionne sur la surestimation de l’efficacité de SARA. Il met en avant la surinformation et les contraintes de temps qui rendent l’analyse des problèmes compliquée. L’auteur relève également une capacité d’adaptation relativement limitée et la difficulté d’anticiper les conséquences à moyen ou à long terme.

Le reassurance policing tel qu’il est développé par le britannique (Innes, 2003, 2004) représente une seconde illustration du besoin de comprendre les besoins de la population. Selon Innes et Roberts (2008, p. 259), « le but principal du reassurance policing est de faciliter la capacité des communautés à développer le contrôle social informel en leur

permettant de gérer par eux-mêmes une partie de leur propre sécurité ». Pour y arriver, Innes propose à la communauté d’être activement impliquée dans la coproduction de l’ordre social (2008, p. 248) de deux manières : en travaillant avec d’autres agences et en développant l’ « intelligence de la communauté » (community intelligence). L’association de la police et de la communauté avec d’autres agences permet d’avoir une meilleure compréhension des problèmes à résoudre au niveau local. Selon Innes, ce ne sont pas les classifications des crimes qui importent, mais plutôt l’importance que la police accorde à ses problèmes. L’intelligence de la communauté (COMMTEL) est une terminologie qui se développe rapidement dans le policing britannique mais sur lequel il n’y a pas de réel consensus. Innes et Roberts (2008, p. 249) considèrent que le COMMTEL est « une information fournie par des sources ouvertes ou typiquement des membres du public […]. Lorsqu’elle est analysée, elle fournit une vision du risque causé ou perçu par des personnes qui partagent certaines facettes communes ». Le reassurance policing intègre également le feedback comme outil de redevabilité à mettre en place au sein de la police. En se fondant sur (Weisburd & Eck, 2004, p. 44), Innes et Roberts (2008, p.254) expliquent qu’en s’exposant au feedback de la communauté, les policiers augmenteraient le niveau d’implication par rapport à la sécurité publique.

Enfin, plus globalement, la compréhension des besoins des communautés passe par l’implantation d’activités plus proactives que réactives. Il existe deux grandes familles de programmes mis en place : ceux qui visent particulièrement des problématiques (vols, cambriolage, drogues, conduite affaiblie) et ceux qui se concentrent sur des personnes (enfants, adolescents, personnes âgées, vacanciers). Il est important de tenir compte du contexte, des moyens et de l’évaluation de ses programmes63.

En plus de la police de communauté, une autre philosophie semble avoir inspiré la police de proximité vaudoise. Il s’agit de l’intelligence led policing largement décrit par Ratcliffe (2008). Ratcliffe (2008, p.102) rappelle que l’Intelligence Led Policing a été mis

63 Voir Noel (2010) pour plus de précisions concernant les programmes préventifs en matière de police de

en œuvre, en Grande-Bretagne, à l’aide du National Intelligence Model (NIM) qui est un business model (John et Maguire, 2004/2008 voir p.8 pour la définition du lien entre ILP et NIM)64. NIM de même que les adaptations qui ont été faites de ce modèle dans les d’autres pays) se fonde sur la production et l’utilisation de quatre produits (analytique, intelligence, savoir, système) pour comprendre des phénomènes criminels variés (problèmes locaux, maintien de l’ordre, criminalité avec haut volume mais aussi les problèmes internationaux)