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Chapitre 4 La proximité : une réalité plurielle

4.3 La redevabilité

4.3.2 La redevabilité liée au statut de référent

Lorsque la police de proximité est perçue come référent ou miroir, elle doit également accepter de rendre des comptes au syndic (a) et à la population en général (b).

a) L’influence du syndic

L’influence du syndic se manifeste surtout à la police cantonale à cause des contrats de prestation, mais aussi par leur connaissance étendue de ce qui arrive sur le territoire de la commune.

« Si tout d’un coup, il se passe quelque chose là bas et qu’on voit M. X, le

syndic, le municipal qui vient et qui nous demande ce qui s’est passé hier soir dans la ville… Ben, ils en savent souvent plus que nous. » (PC-6-

ssoffsup)

Puisque la ville paie pour un service personnalisé, elle exige d’avoir un retour sur investissement en demandant régulièrement des comptes à la police de proximité. La redevabilité peut alors prendre deux formes (en fonction du type de contrat de prestation). D’une part, on a des objectifs quantitatifs (en heures de présence). D’autre part, on retrouve des objectifs qualitatifs davantage centrés sur la baisse des inquiétudes du public. Le but de ces contrats est d’avoir une présence sur la commune tout en assurant un lien régulier entre

le municipal et la police. Nous approfondirons les relations entre le syndic et la police dans le chapitre 6.

« Ensuite, à chacune de ces missions de proximité ont été affectées un nombre d’heures annuelles, vous imaginez bien que dans notre métier, fixer des objectifs pareils, c’est totalement irréalisable91. C’était histoire de justifier l’investissement financier pis d’arriver à ces 7700 heures. » (PC-9-

ssoffsup pour un exemple de contrat avec volume horaire)

« Je crois que c’est beaucoup une présence visible dans la localité, c’est une sorte de prévention. Donc, nous on leur fournit des heures ou des objectifs. On rencontre une fois par semaine le municipal de police pour lui dire « voilà ce qui se passe dans la commune », eux, ils nous donnent aussi leurs craintes. » « Le résultat qu’on peut obtenir ou bien qu’on espère avoir, c’est que tout se passe bien pour la commune en question. C’est surtout le but, et pis qu’on soit à l’écoute.» (PC-3-ssoff pour un exemple de contrat

avec objectifs)

Dans les postes éloignés ou appartenant à une zone autonome, on retrouve des organisations moins formelles, même si le syndic maintient des relations avec la police de proximité.

« On s’organise nous-mêmes. (On est) un poste autonome, on est libre. Après, il faut rendre des comptes, c’est clair comme tout, on n’a pas de quotas, rien du tout mais rendre des comptes sur les heures de présence, bien sûr » « Voyez le téléphone, c’est pas le téléphone rouge mais c’est le téléphone avec la municipalité. Il me téléphone directement, avec le directeur des écoles, les numéros directs, on a tout. » (PC-4-ssoffsup)

« On a de très bons contacts avec les trois syndics qu’on a dans la région. C’est vrai que ce sont des syndics avec lesquels on a de bonnes relations, ce sont des gens qui habitent à côté. Ce sont des gens qui ont une activité à côté donc on ne les voit pas forcément tout le temps. […] On n’a pas de conflit, on n’a pas de politique qui ne nous soutiennent pas comme on peut en avoir en ville. […] ça, ça vient de cette mentalité un peu campagne, un peu traditionnelle. » (PC-8-ssoffsup)

91 Les contrats de prestation par heures ont été les premiers à voir le jour. Certaines villes ont préféré adopter

Pour la police de Lausanne, l’influence du syndic se fait sentir autant dans la mise en œuvre de la démarche de résolution de problème que dans la gestion du quotidien.

« Il faut avoir accès à un bon réseau, donc il faut déjà créer ce réseau. Ça peut être un réseau qui est interne par rapport à l’administration communale, mais je pense qu’il faut aller bien au-delà […] il faut définir des objectifs opérationnels communs, mettre en place des outils pour contrôler aussi quels sont les résultats obtenus. » (PL-5-off)

« Je pense que ça va être très dur parce que celui de X, il y a déjà beaucoup de gens du conseil communal et de la municipalité qui habitent à X. Si on dit qu’on va fermer le poste de police, je pense qu’on aura pas mal d’opposition. » (PL-10-ssoffsup)

Le syndic n’est pas le seul à demander des comptes à la police de proximité, la population a également cette possibilité.

b) Les liens avec la population

La population tient un rôle central dans l’équation de la police de proximité puisqu’elle est à la fois l’origine, la source des problématiques mais aussi la réponse. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les répondants aient insisté sur leurs rapports avec le public puisqu’

« En Suisse, les gens ont été habitués à un niveau de service public très élevé et maintenant que c’est un peu plus chargé… les hôpitaux, la police aussi, des fois on a peine à attendre des délais d’intervention. […] maintenant, je vois parfois, les gens sont assez excédés par ces problèmes de XXX avec l’ouverture des frontières […] Les gens croient parfois qu’on a des pouvoirs. Comme une baguette magique, on règle les problèmes comme ça. » (PL-1-ssoff)

« Elle (la population) souhaite le maximum de liberté que nous devrions avoir dans nos états démocratiques mais EGALEMENT le maximum de sécurité. C'est-à-dire qu’elle (la population) demande à la police de faire un travail de plus en plus pointu, des plus professionnels, tout en garantissant le maximum de facilité à la population, en ce sens que la population décrit, ce que j’appellerais, l’envie d’être en sécurité sans en avoir les inconvénients. » (PL-6-off)

Cette idée d’exigence accrue venant de la population semble être liée d’une manière ou d’une autre au développement de l’individualisme auquel les policiers font face dans leur travail (PL-9-ssoffsup). Il semble que la redevabilité envers la population se manifeste tout d’abord dans la compréhension de ses besoins puis dans la capacité à y répondre Il semble que la police ait accepté d’être un palliatif au manque de cohésion au sein de la population. Faute de pouvoir s’appuyer sur le voisinage, les habitants se tournent vers la structure qui leur parait la plus à même de satisfaire leurs attentes (sécuritaires ou non sécuritaires) : la police de proximité. Présenté ainsi, il ne parait pas illusoire de vouloir mettre en place une approche de proximité quitte à ce que le mandat policier dépasse largement le maintien de l’ordre et l’application de la loi pénale.

« Par rapport à la demande des citoyens aujourd’hui, je pense qu’il y a de véritables défis à relever, c'est-à-dire être capable de prendre en compte la demande respectivement des attentes des citoyens ou des autorités, de travailler avec les processus d’organisation sur cet élément pour que le citoyen après puisse, lui aussi, en faire une évaluation. […] Aujourd’hui on rentre plutôt dans un modèle de co-production de sécurité où on intègre la demande d’une part, ensuite la réponse qu’on peut faire et surtout la notion de l’évaluation. » (PL-5-off)

La redevabilité se manifeste aussi dans les voies que la population utilise pour faire savoir à la police de proximité qu’elle est inquiète.

« J’ai remarqué qu’il y a des gens qui préfèrent passer par le politique que de venir discuter avec le policier. Et puis, à la limite, ils écrivent et ça nous reviendra mais par un autre circuit. C’est peut-être un petit peu ce qui est dommage. Une fois qu’on le sait, on les voit et on leur explique que c’est mieux de manière directe, vers nous, déjà parce qu’on perd moins de temps et on agit plus rapidement, et puis, on a peut-être déjà une réponse à donner. » (PL-8-nongd) voir aussi PC-11-ssoff pour la même idée.

Comprendre les attentes de la population devient un véritable enjeu dans la relation que la population peut entretenir avec les services publics. PC-6-ssoffsup explique que le public a perdu une partie de ses repères traditionnels et qu’il a « tendance à se reporter (sur

la police et les services publics)… ». Il souligne aussi que les policiers sont vus comme

de Funès » alors que PC-9-ssoffsup « peut être assez fier d’avoir une côte de popularité honorable par rapport à ce qu’on lit dans les journaux ou comment est perçue la police ailleurs. » Pour PC-3-ssoff, l’évolution des attentes envers la police pourrait s’expliquer par

l’évolution des autres services publics (le syndic par exemple) qui remplissaient, auparavant, un rôle plus important.

« Le syndic, c’est plus les mêmes personnalités qu’avant. Avant, c’était vraiment quelqu’un de typique du village, qui connaissait tout le monde. Maintenant, c’est des gens qui sont beaucoup… qui travaillent à l’extérieur,[…] donc qui connaissent pas forcément non plus tout le monde. Donc, on n’a plus personne vraiment à qui on peut demander et pis, si vous prenez l’administration communale dans certaines localités, elle sera ouverte 2 à 3 heures par semaine. Donc, c’est vrai, c’est des personnes à qui on peut demander des renseignements, mais souvent, c’est fermé donc il faut bien s’aiguiller quelque part. » (PC-3-ssoff)

Pour la majorité des répondants, cette évolution de leur rôle est « normal » (PC-3- ssoff) et elle semble même faciliter le travail de proximité en asseyant davantage « le cycle

de la confiance » (PL-6-off). Le policier de proximité devient tour à tour « acteur dans la régulation sociale » (PL-6-off), « assistants sociaux […] quand les gens ne savent plus où aller » (PC-9-ssoffsup), « un petit peu office du tourisme » (PL-1-ssoff) voire de

« thérapeute » (PC-4-ssoffsup)

« C’est vite vu, quand les gens savent plus quoi faire, ils se tournent vers la police. J’ai toujours dit, nous étions les éboueurs de la société, c’est quand même ça. C’est pas péjoratif mais c’est ça. […] Ils (les gens) appellent la police, c’est le réflexe, c’est ce que vous feriez si vous étiez vraiment dans une situation critique. » (PC-4-ssoffsup)

En plus de la redevabilité liée au statut de référent ou de miroir de la population, la police de proximité de Lausanne est soumise à une forme récente de redevabilité : le Comité d’éthique et de déontologie :

« On est le pionnier, on est le premier corps de police de Suisse à avoir œuvré dans ce sens, un bel esprit d’ouverture je pense. » (PL-1-ssoff)