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Les principales catégories d´ exploitants

L´analyse du système agraire de la micro-région d´Itajuípe-Coaraci nous a permis

d´identifier trois catégories d´exploitants, bien distinctes: les fazendeiros capitalistes qui sont

la majorité dans cette région, les agriculteurs familiaux et, enfin une minorité formée par les exploitants patronaux.

2.3.1. Les agriculteurs familiaux

Les exploitations agricoles familiales sont celles dans lesquelles l´essentiel du travail est fourni par la main-d’œuvre familiale du chef d´exploitation. De la force de travail extérieure peut être temporairement louée pour la réalisation de certains travaux (cueillette du cacao, par exemple) mais ces travailleurs ne réalisent jamais la part la plus importante du travail. Une autre caractéristique est le fait que la surface de ces exploitations est limitée par la capacité de travail de la famille et, en général, la surface n’est pas supérieure à 15 ha.

Les agriculteurs familiaux privilégient, en général, la mise en culture du manioc associée au haricot, au maïs et à quelques légumes. Le maintien des parcelles vivrières souligne la domination d´un système d´autosubsistance. De même, les petits agriculteurs adoptent la stratégie de plantation et d´entretien (dès que possible) des cacaoyers sur leurs exploitations.

Le non-arrachage des cacaoyers, quand ceux-ci ne rapportent plus suffisamment depuis quelques années, confirme, d´ailleurs, le statut du cacaoyer comme un marqueur foncier important. Le cacaoyer peut être alors un garant de la propriété foncière et une assurance pour la famille. C´est à dire qu´il existe bien des incertitudes sur la propriété foncière dans la région.

De plus, le non–arrachage des pieds de cacaoyers est justifié par l’inexistence d’une autre culture pouvant apporter une valeur ajoutée plus élevée. Selon les agriculteurs, le cacao est «le fruit d’or qui a amené du bonheur ». En effet, au-delà de la question foncière, les

agriculteurs familiaux croient en un nouveau boom de l’activité cacaoyère dans la région.

L´introduction du cacao est accompagné d´une prise de conscience de la valeur de la terre, liée à la pérennité des cultures.

Au contraire des fazendas du type capitaliste, les exploitations familiales constituent de petits noyaux dans la région de Itajuipe-Coaraci. Ces exploitations se situent

sur la Serra dos Macacos , sur la région du « Catongo », dans les « assentamentos » ruraux,

sur les petites surfaces de terre situées en bord de route et dans les « fazendas » (Figure 2.2).

Les agriculteurs familiaux peuvent être des assentados, des métayers, des contratistas, des

agriculteurs de bord de route ou simplement des propriétaires de petites unités de production agricole.

Dans la zone de la Serra dos Macacos prédominent au sein des fazendas de la vallée

la présence de posseiros44 qui se sont installés sur des terres de l’Etat (certains ayant obtenu

un titre de propriété et d’autres pas). Il s´agit d´une zone d’accès difficile puisqu´elle est située au sommet d’une montagne. Les familles cultivent des cultures de subsistance (manioc, maïs, haricot, etc.) et certaines exploitations de cette zone peuvent avoir des petites parcelles avec des cacaoyers communs ; la technique du greffage n´est pas répandue parmi

ces agriculteurs. Dans la région de la Serra dos Macacos, où les petits agriculteurs sont

embauchés grâce à un contrat de colonat (contratista), le cacao représente la seule garantie de leur permanence sur les terres qu’ils exploitent.

Les agriculteurs de la zone de Catongo sont les descendants des propriétaires de trois

anciennes fazendas. A la mort de leurs parents dans les années 1980, ils se sont répartis les

terres des fazendas entre héritiers. A l’heure actuelle, on y trouve en majorité des retraités. La

surface disponible pour chaque famille n´est pas suffisante pour leur permettre de vivre

seulement de ces terres. En général, ces agriculteurs sont aussi ouvriers dans les fazendas

localisées à proximité. Ils n’ont pas formé d’association ; c´est pour cette raison qu´il leur est difficile de bénéficier de crédits.

Les assentados dans la micro-région d´Itajuípe-Coaraci sont installés en deux

assentamentos: Rosa Luxembourg e Loanda. L´assentamento Rosa Luxembourg, de 664 ha,

occupé par 30 familles, est récent; il date de l´an 2000. Il faut souligner que l´accès y est très difficile et que la plupart des agriculteurs doivent marcher pendant trois heures, le long d´un

chemin qui relie l´assentamento à la route. Ils sont nombreux à se plaindre de ne pas pouvoir

transporter leurs produits pour les vendre sur le marché de la région. L´accès difficile et les

problèmes de régularisation des assentados auprès de Instituto Nacional de Colonização e

Reforma Agrária (INCRA), sont à la base de la vitesse de rotation de ces assentados, qui ne

restent pas longtemps sur ces lieux. Aux vues de ces problèmes dans l´assentamento, nous

avons préféré ne pas l’inclure dans ce travail.

L´occupation de la fazenda où se trouve actuellement l´assentamento Loanda, date de

1995. Cet assentamento regroupe actuellement 32 familles recensées par l´INCRA et un

certain nombre de familles en « observation » (c'est-à-dire en attente de leur enregistrement;

le nombre d’assentados défini par l’INCRA étant de 50 familles pour cet assentamento).

Chaque famille d’assentado a eu droit à 4,5 ha de terres. C’est sur cette partie individuelle que

les assentados peuvent planter des cultures de subsistance et des cultures pérennes, comme le

cacaoyer. L´augmentation du prix du cacao dans les dernières années a fait que les assentados

44 Posseiro : petit agriculteur installé sur les terres de l’Etat sans proprieté foncière véritable qui, au niveau du

ré-exploitaient les superficies en cacao qui étaient, en général, abandonnées et couvertes de capoeira (recrû forestier).

Figure 2.2 : Localisation géographique des exploitations familiales dans la micro-région de Itajuípe-Coaraci. Source : Recherche sur le terrain (2001 et 2004)

Sur le plan individuel, les assentados réservent une superficie encore indivisé pour l´implantation de projets pour lesquels ils ont reçu un financement. Les projets financés concernent le café Connillon (du type Robusta), la canne à sucre, les bananes plantain, l’ananas

et le manioc. Outre les lopins familiaux, l´assentamento possède une autre superficie

collective, destinée, en principe, à la création d´un jardin. Celle-ci n´est utilisée que temporairement, dans des conditions précaires, à cause des problèmes de gestion au sein de l´assentamento.

Enfin, le reste de l´assentamento est réservé aux prairies qui ne sont pas divisées, pour

le troupeau collectif et les futurs bovins individuels. Cependant, comme pour l’instant la terre n’est pas totalement utilisée, les assentados, qui n’ont pas suffisamment de terre à cultiver dans leur partie individuelle (c’est-à-dire lorsqu’ils n’ont pas de friches mais que du cacao en bon état), peuvent cultiver une parcelle dans cette zone ou sur les parties "projet" libres. Sur ces parcelles qui leur sont allouées temporairement, ils ne sont pas autorisé à implanter des cultures pérennes.

Des agriculteurs familiaux sont également localisés au sein même des fazendas de

cacao et sur des bandes de terres le long de la route. Dans les fazendas, ces agriculteurs

peuvent être contratistas ou métayers dans les superficies de cacao avec l´obligation de

partager leurs récoltes, en général, de moitié avec les propriétaires. Quelques fazendeiros

proposent également des terres pour cultiver du manioc et des fruits, en location à part, en particulier à proximité de Sequeiro Grande. Tous ces « contrats » sont informels et les agriculteurs n'ont aucune garantie sur la durée pendant laquelle ils pourront cultiver ces terres. Ils ne peuvent en aucun cas y implanter des cultures pérennes.

Quelques ouvriers agricoles cultivent aussi des cultures de subsistance sur des petites

parcelles de la fazenda, avec la permission du propriétaire. La plupart de ces ouvriers

n´arrivent pas à obtenir l´autorisation de cultiver sur les fazendas. Ceci car ils n´ont pas de

travail fixe, réalisent des travaux temporaires (payés à la journée ou à la tâche).

Face au chômage dans la région, les ouvriers sont prêts à accepter pratiquement n’importe quel travail pour n’importe quelle rémunération. Ces ouvriers, ainsi que les ouvriers retraités qui sont restés dans la région, n’ont pas de terres ou propriétés. La basse rémunération

obtenue par les ouvriers dans les fazendas et par les retraités de la région est insuffisante pour

faire vivre leurs familles. Pour survivre, ils cultivent donc le bord des routes (bande de terre

entre les clôtures des fazendas et la route goudronnée).

2.3.2. Les fazendeiros

Comme nous l'avons vu à travers l’histoire, le processus d’appropriation des terres au début du dernier siècle ainsi que les politiques de l’Etat en faveur de l’activité cacaoyère ont conduit à une concentration foncière relativement importante, au développement d'une agriculture capitaliste et à la quasi-disparition des exploitations familiales dans la région.

Actuellement, la région cacaoyère est donc composée presque uniquement de fazendas

de type capitaliste : les propriétaires ne travaillent pas et ne vivent pas sur la fazenda. Depuis la crise de l´activité cacaoyère, ils ont renvoyé une grande partie de leurs ouvriers agricoles qui étaient embauchés, légalement, par contrat obligatoire, leur garantissant un salaire minimum et

des dédommagements en cas de licenciement. Les contrats temporaires légaux de moins de

trois mois (contrat d’expérience) se multiplient ce qui permet de diminuer les charges payées par les propriétaires. Plus généralement les contrats temporaires informels (pour lesquels les propriétaires ne payent aucune charge salarial) abondent.

Les visites du propriétaire sur ses fazendas sont plus ou moins fréquentes en fonction de l’éloignement de son domicile. Une partie d´entre eux réside dans la région cacaoyère (Itajuípe, Coaraci, Itabuna et Ilhéus) et une autre partie dans les grandes villes à Salvador et São Paulo, principalement.

A part les fazendas administrées par des gérants salariés, certains propriétaires ont

confié, depuis la crise, leurs fazendas à des métayers. Dans quelques fazendas, l’administrateur

a été maintenu et des métayers ont été engagés sur la partie plantée en cacaoyers.

2.3.3. Les exploitants patronaux

Comme pour les exploitations familiales, les exploitations du type patronal sont peu nombreuses dans la région. Le propriétaire travaille et habite dans l´exploitation qui mesure en général, 15 à 30 ha. Dans la micro région de Itajuípe -Coaraci, nous avons seulement rencontré 5 exploitations qui peuvent être classées comme patronales.

Dans ces exploitations, nous n´avons pas identifié de métayers. La présence du propriétaire dans l´exploitation n´exclut pas nécessairement celle d´un administrateur. En général, le propriétaire gère la partie financière de l´exploitation ainsi que les travaux réalisés dans les parcelles les plus proches du siège de l´exploitation. L´administrateur quant à lui, s´occupe de l´exécution des travaux dans les zones plus distantes.

Nous avons identifié trois exploitants patronaux qui avaient été ouvriers agricoles dans des fermes de la région. Après leur démission, ils ont fait valoir leurs droits auprès de la justice brésilienne. Grâce aux ressources financières obtenues par leur action en justice et comme le prix de la terre était bas à cette période de crise, ils ont pu acquérir leurs propriétés. Ceci renforce l´idée que l´émergence des exploitants patronaux dans la micro-région d´Itajuípe-Coaraci et celle d´une partie des agriculteurs familiaux est le fruit de la crise de l´activité cacaoyère.

À la différence de nombreux fazendeiros capitalistes, le propriétaire patronal possède

des connaissances précises sur le traitement du cacao. Certains investissent dans le clonage mais sans l´intention, du moins pour le moment, d´investir en greffage sur toute la surface de leurs plantations. En effet, selon ces exploitants, les résultats de cette pratique sont encore incertains et cloner toute la surface du cacao représenterait un risque élevé. Même si le nombre d´interviewes n´a pas été très élevé, nous avons tout de même pu observer que les exploitants patronaux tendent à diversifier leurs activités au sein des leurs unités de production. En plus du cacaoyer (cloné ou non), quelques propriétaires cultivent l´hévéa, les cultures de subsistance etc.

2.4. Systèmes de culture et d’élevage