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Quel est l´avenir du système agraire de la région cacaoyère de Bahia ?

Le principal objectif des modèles de développement régional est d´aider les gestionnaires dans l´élaboration de politiques, programmes et projets régionaux, par une meilleure représentation et une meilleure compréhension de la réalité dans laquelle ils prétendent intervenir. Dans cet esprit, les modèles de simulation peuvent et devraient être un outil important au service de la gestion publique. Ainsi, les modélisations devraient permettre aux gestionnaires publics, d´évaluer, d´une part, l´impact des variations de variables déterminées sur la dynamique régionale (analyse de la sensibilité), et de l´autre, visualiser les possibles horizons à atteindre. Les politiques publiques devraient converger vers le « meilleur » horizon possible, dans une recherche constante du bien-être social.

En réalité, l´incertitude quant aux évènements futurs et au comportement des variables exogènes des modèles peut conduire à d´innombrables situations gérant une infinité d´horizons possibles de la réalité sur laquelle on prétend influer. Parfois, l´analyse de ces possibilités rend les actions publiques peu opérationnelles et exhaustives. Il est donc fréquent de recourir à l´analyse de quelques scénarios dits généraux. Ces scénarios, s´ils représentent, à chaque fois, des simplifications des innombrables évènements possibles, peuvent néanmoins mettre en évidence les principaux éléments capables d´orienter les actions publiques.

Dans cet esprit, nous tentons ici de présenter trois scénarios possibles pour l´évolution du système agraire de la région cacaoyère de Bahia, optimiste, pessimiste et stable, selon le comportement des quelques variables exogènes. Nous considérons un horizon de planification commençant en 2007 et terminant en 2015.

5.2.1. Scénario I : prévisions optimistes quant au « comportement » des variables exogènes

Pour ce scénario, nous considérons un contexte macroéconomique favorable, avec une croissance de l´activité économique et un contrôle de l´inflation. Ce contexte favorable permet une élévation significative du salaire minimum réel à moyen terme et une augmentation du pouvoir acquisitif de la population en général. Dans ce cas, considérons que le salaire minimum réel s´élève, au cours des prochaines années, jusqu´à atteindre le seuil de 180 € en 2015 (moyenne observée en 1961 et qui correspondait au salaire minimum le plus élevé depuis la décennie des années cinquante).

La réduction de la production mondiale des fèves de cacao entraîne une tendance à la hausse du prix international jusqu´à 3.500 US$/T en 2015, seuil déjà observé à la fin des années soixante dix.

Les recherches sur le clonage des cacaoyers réalisées par la CEPLAC sont un succès et permettent des méthodes efficaces et économiquement viables de contrôle de la maladie du balai de sorcière. Une nouvelle ligne de crédit serait ouverte et disponible à partir de 2006, pour les investissements en greffage et l´entretien des cacaoyers. Ce crédit atteindra les 4 millions d´€ annuels jusqu´en 2010, la moitié du montant annuel de crédit pendant la période de 1998 à 2002. Le rendement physique maximum des cacaoyers greffés est revu positivement et passe à 50@/ha, moyenne observée pendant les années soixante-dix, période de l´apogée de l´activité cacaoyère au cours de laquelle la maladie du balai de sorcière ne prévalait pas encore dans la région.

Dans ce contexte optimiste, le gouvernement réalise le processus de réforme agraire de manière satisfaisante et affecte toutes les exploitations et surfaces abandonnées.

Les prix de la viande et du bétail s´élèveront, contrariant la tendance à la baisse observée durant ces deux dernières décennies. Les prix de la viande bovine et du lait atteindront les seuils de 28 €/@ et 0.8€/litre respectivement, en 2015. Ces valeurs se réfèrent aux seuils les plus élevés depuis le début de la décennie de quatre-vingt.

5.2.2. Scénario II : prévisions pessimistes quant au « comportement » des variables exogènes

Pour ce scénario, nous considérons une tendance à la baisse significative du prix international en raison de l´augmentation sensible de la production mondiale des fèves de cacao. Le prix chute progressivement sans qu´il n´y ait aucune réaction gouvernementale et atteint, en 2015, les mêmes valeurs observées qu´en l’an 2000 (environ 850 US$/T).

Les clones de cacao étudiés par la CEPLAC ne sont pas résistants à la maladie du balai de sorcière. Les plantations de cacaoyers souffrent rapidement d´un degré d´infestation élevé et leur réhabilitation, considérant le prix du cacao et le niveau de décapitalisation des producteurs, est ajournée. Dans ce cas, le rendement physique maximum des clones diminue et passe à 20@/ha.

La conjoncture économique est défavorable et le budget fiscal du Gouvernement ne permet pas une augmentation réelle du salaire minimum. Au contraire, le salaire minimum diminue graduellement pour atteindre 45 € par mois en 2015, minimum observé au début des années cinquante.

Le moment est défavorable à la libération de ressources financières par le Gouvernement, pour les investissements dans la culture du cacao. Aucune ligne de crédit n´est disponible.

Les prix du bétail et du lait chutent et atteignent en 2015, 12 €/@ et 0,12 €/litre, respectivement, valeurs observées à la fin de la décennie de quatre-vingt-dix. Ces valeurs correspondent au seuil le plus bas atteint depuis le début de la décennie des années quatre- vingts.

La réforme agraire du Gouvernement stagne et les surfaces abandonnées ne sont pas transformées en assentamentos ruraux.

5.2.3. Scénario III : prévisions basées sur des projections réalistes quant à l´évolution des variables exogènes

Pour ce scénario, nous tiendrons compte des tendances actuelles des variables exogènes. Il s´agit donc, d´un scénario basé sur des projections.

En ce qui concerne le prix international, les estimations indiquent une réduction de 2,6% et 2,7% pour 2007 et 2008 respectivement.80. La courbe du prix du cacao semble suivre une évolution cyclique caractéristique, avec des cycles d´une durée de 25 à 30 ans. L´analyse de la courbe sur les dernières décennies montre qu’à partir des années de 1980 le prix est resté

80 Projections réalisées par le Project Link Research Centre, World Economic Outlook, Meeting forecast:

relativement bas81. La remontée du prix peut être considérée comme une nouvelle étape de l´évolution cyclique. Ainsi, nous pouvons considérer que les prix suivront cependant à partir de 2010 une croissance plus modérée que dans la prévision optimiste. Admettons qu´en 2015, le prix international atteigne le seuil de 2000 US$/T.

La politique agricole du Gouvernement vise à permettre la renégociation des dettes des producteurs de cacao. La stabilité de la politique économique et la pression exercée par les producteurs de cacao permettent l´octroi des crédits agricoles et sont suffisants pour que les fazendeiros puissent adopter un niveau de technologie « maximal ».

La maladie balai de sorcière persiste dans les plantations de cacao, avec un niveau d´infestation qui varie d´année en année, en fonction des conditions climatiques. En général, cette maladie ne permet pas la récupération du rendement physique des plantations non greffées. En ce qui concerne les cacaoyers greffés, le rendement physique maximum est revu à la baisse et se situe autour de 35 @/ha, inférieur à celui qui est prévu par la CEPLAC.

Le salaire minimum s´élèvera lentement, suivant la même tendance de ces dernières années et atteindra des augmentations de 5 % par an jusqu´en 2015.

Quant au prix de la viande bovine, nous considérons une certaine stabilité, déjà observée au cours des dernières années, avec un prix moyen de 18 €/@. La série historique du prix réel de la viande bovine montre une tendance à la baisse sur le long terme, avec un prix plus élevé, pratiqué pendant la décennie de quatre-vingt. En ce qui concerne le prix du lait, il présente lui aussi une tendance à la baisse sur le long terme, malgré une certaine récupération pendant ces dernières années. Dans ce scénario, nous considérons que le prix moyen pratiqué ces trois dernières années se maintient au niveau de 0,15 €/litre.

La réforme agraire n´est que partielle et ne couvre que 30 % des surfaces abandonnées. Cette situation se doit en grande partie, à la lenteur du mécanisme d´expropriation des grands domaines fonciers exploités de façon extensive.

5.2.4. Simulation des scénarios

Les différents scénarios ont été analysés du point de vue du rendement physique moyen du cacaoyer, du prix de la terre, de l´emploi agricole, de répartition des surfaces agricoles et de l´indice de Gini.

Le rendement physique moyen de la région cacaoyère se maintient, jusqu´en 2015, aux alentours de 7 @/ha et 30@/ha pour les scénarios pessimiste et optimiste, respectivement (annexe 5.10). Pour le scénario II, le rendement physique du cacaoyer ne dépasse pas le seuil de 20@/ha. On remarque que même dans le cas du scénario optimiste, le rendement physique maximum obtenu par simulation (30@/ha) est inférieur au rendement enregistré dans la région, pendant la « belle époque » du cacao, soit 50@/ha.

Ce comportement du rendement physique peut être associé, en grande partie, au vieillissement des plantations cacaoyères dans la région. Malgré le fait que quelques producteurs ont augmenté la densité des plants au sein de leurs plantations, une grande partie des pieds de cacaoyers a plus de cinquante ans. Dans le cas de la densification des plantations, les producteurs ne profitent plus de la rente forêt, les cacaoyers étant plantés dans des zones de replantation. Ceci est un avantage en faveur des régions amazoniennes où le cacaoyer

81 Annexe 5.9

présente des rendements physiques supérieurs à ceux de Bahia, car leur plantation se fait quasiment aussitôt après le défrichement de la forêt.

Le prix de la terre ne dépasse pas le seuil de 690 €/ha, même dans le cadre du scénario optimiste où la terre a pris de la valeur suite à l´augmentation du prix du cacao et du rendement physique de la plante. Le prix de la terre n´atteint cependant pas une valeur inférieure à 345 €/ha, même dans le scénario pessimiste (Annexe 5.11). Les investissements déjà réalisés dans le greffage valorisent la terre et empêchent les prix de baisser trop drastiquement, comme ce fut le cas à la fin de la décennie de quatre-vingt-dix, lorsque le prix de la terre était descendu jusqu´au faible niveau de 172 €/ha.

Dans le scénario I (optimiste), il n´y a presque aucune surface abandonnée car le prix international et le rendement physique élevés incitent les producteurs à réhabiliter leurs plantations. La politique de la réforme agraire est satisfaisante et elle augmente la surface destinée à l´agriculture familiale. En 2007, l´agriculture familiale occupe 6.4 % de la superficie totale et passe à 10.2 % en 2015 (tableau 5.1). Dans ce scénario, il y a une diminution de la surface réservée aux pâturages en fonction des bons résultats de l´activité cacaoyère, d´une certaine stabilité de la surface consacrée aux cacaoyers greffés (plus de 70 % de la surface) et d´une baisse de l´étendue occupée par les cacaoyers non greffés.

Tableau 5.1: Scénarios simulés de l´évolution des surfaces agricoles de la région cacaoyère de Bahia, 2007 à 2015 Scénario I 2007 2009 2011 2013 2015 Prairie 13,29 13,21 13,98 13,01 11,74 Assentamentos 6,44 7,22 7,94 8,88 10,26 Cacaoyers greffés 71,99 71,92 70,96 71,30 71,25 Abandon 0,43 0,37 0,37 0,59 0,79 Cacaoyers communs 7,84 7,28 6,75 6,22 5,96 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 Scénario II 2007 2009 2011 2013 2015 Prairie 14,52 14,46 14,08 14,76 17,80 Assentamentos 4,74 4,74 4,74 4,74 4,74 Cacaoyers greffés 68,34 68,06 68,08 64,94 53,95 Abandon 1,25 1,17 1,21 2,96 8,01 Cacaoyers communs 11,16 11,57 11,88 12,60 15,50 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 Scénario III 2007 2009 2011 2013 2015 Prairie 13,62 12,91 12,2 11,4 10,4 Assentamentos 5,49 5,95 6,4 7,2 9,8 Cacaoyers greffés 70,78 71,43 72,0 70,2 63,1 Abandon 0,87 0,87 0,7 2,4 6,6 Cacaoyers communs 9,25 9,25 8,7 8,8 10,0 100,00 100,40 100,00 100,00 100,00

Dans le scénario II (pessimiste), les conditions défavorables à l´activité cacaoyère entraînent une augmentation de la superficie réservée aux pâturages qui occupe jusque 17,8% de la surface totale en 2015, contre 14.5% en 2007. De la même manière, il y a une augmentation de la superficie abandonnée qui passe de 1.25 % en 2006 à 8 % en 2015. Comme il n´y a pas de réforme agraire, il n´y a pas de changements en ce qui concerne la surface destinée aux petits agriculteurs. La superficie consacrée aux cacaoyers non greffés augmente en fonction de la réhabilitation de quelques superficies abandonnées. La surface

des cacaoyers greffés diminue car une partie des producteurs opte pour l´élevage et arrache leurs pieds de cacaoyers, même ceux des cacaoyers greffés.

Le scénario III peut être considéré comme intermédiaire entre les scénarios I et II. Dans ce scénario, la surface destinée à l´agriculture familiale augmente comme résultat du processus de la réforme agraire qui couvre 30 % des surfaces abandonnées. Les conditions du marché favorisent la diminution des superficies en cacaoyers greffés et l´ augmentation de la superficie abandonnée.

En ce qui concerne la quantité d etravailleurs dans la région cacaoyère, la simulation a montré la tendance de chute observée après le début de la crise de l´activité cacaoyère, à la fin des années 1980. A cette époque, la quantité de travailleurs dépassait le seuil de 150.000. Après 1998, lorsque les investissements dans le greffage ont commencé, il y a eu une demande de main d´oeuvre, faisant que la quantité de travaileeurs dans les fazendas atteigne environ les 106.388, en 2005. A partir de 2005, les propriétaires de terres réduisent la main d´oeuvre allouée au greffage, et une phase de déclin de travailleurs dans la région debute, ce que l´on observe dans tous les scénarii.

Dans le scénario I, la quantité de travailleurs, y compris les agriculteurs familiaux des aasentamentos, atteint le seuil de 101 milliers, en 2015. Cette quantité descendrait à 82.102 travailleurs si l´on considérait uniquement les travailleurs dans les fazendas, qu´il soient métayers ou salariés. Cela signifie que la réforme agraire serait capable d´employer presque 20.000 travailleurs.

Dans le scénario II, on observe une chute conséquente de l´emploi suite à la crise de l´activité cacaoyère (71.592 travailleurs en 2015, y compris les agriculteurs familiaux) , avec des prix payés aux exploitants et des rendements physiques insufisants pour couvrir les coûts de production. Pour le scénario III, les conditions du marché ne suffisent pas à provoquer une tendance à la croissance de l´emploi à long terme. Dans ce cas, le nombre de travailleurs atteint 78.672 en 2015.

En ce qui concerne l´indice de Gini, il varie peu dans tous les scénarios. La valeur de cet indice se maintient aux alentours de 0.59 à 0.60 points, ce que l´on peut considérer comme une concentration élevée. Ceci signifie que la réforme agraire dans les zones abandonnées n´aura pas été suffisante pour engendrer une chute significative de l´indice de Gini. La cause est que les conditions du marché, dans les scénarios I et III sont encore suffisamment favorables pour que les propriétaires gardent leurs unités de production.

5.3. Limites du modèle de la dynamique du système agraire de la région