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Les nuisances informatiques

Dans le document LA PROTECTION DU MINEUR DANS LE CYBER ESPACE (Page 197-200)

1-b. Les notions voisines

B. Les nuisances informatiques

Les nuisances informatiques visent comme leur nom l’indique à générer nuisance et gêne pour les internautes. A la différence du téléchargement illégal qui vise en premier un profit personnel, les intentions à l’origine des nuisances informatiques dont il va être ici question sont purement malveillantes. C’est le cas lorsque l’on tente de paralyser une messagerie ou un système informatique par un envoi massif de messages ou, lorsque l’on crée un virus dont la seule fonction est de détruire des systèmes.

1. Le spamming et l’e-mail bombing.

D’un point de vue technique et du point de vue du résultat obtenu (le blocage d’une boîte e-mail ou d’un site Internet), ces deux procédés sont comparables. Ce qui les différencie c’est la motivation et l’objectif qui les sous-tendent. Dans les deux cas il y a une volonté de nuisance par un envoi massif de mails. L’une des méthodes a un objectif directement ou non commercial (le spamming) tandis que l’autre s’apparente plus à du terrorisme électronique (l’e-mail bombing).

1-a. Le spamming.

Spam est un acronyme qui vient de SPice hAM590 jambon en boîte vendu aux Etats-Unis dans les années soixante-dix et ayant de réputation très mauvais goût.

197 Le spamming c’est l’envoi de plusieurs milliers d’e-mails dans le but de surcharger le serveur visé. Très simple à mettre en œuvre, cette technique ne requiert que de tous petits programmes facilement accessibles. Les plus connus portent des noms éloquents comme UNAbomber, Avalanche ou Homicide591. Les particuliers ne sont pas épargnés avec comme conséquence : perte de temps, boîte à lettre électronique saturée, confusion entre les messages utiles et les messages non sollicités.

La Cnil a rendu un rapport en la matière en novembre 2002 consultable sur son site592. Ce rapport conclu que 95% des courriers non sollicités sont en langue étrangère. Les messages à caractère sexuel constituent 42% des spams, les spams financiers constitueraient 40% des spams. La Cnil définit le spamming comme étant « l’envoi de messages électroniques à un ou plusieurs destinataires dont le nombre peut varier de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions. Il repose sur la collecte préalable d’adresses électroniques (e-mails) auxquelles seront adressés des messages électroniques ».

Une distinction doit être effectuée entre le spamming fait avec l’intention d’accéder frauduleusement à un système ou de l’obstruer et, celui qui répond à des considérations d’ordre commercial.

Le spamming qui vise l’accès frauduleux à un système ou l’obstruction de ce dernier est sanctionné pénalement par les tribunaux qui y voient un accès frauduleux dans un système de traitement automatisé ayant causé son altération (code pénal article 323-1 alinéa 2593), ou bien une entrave au fonctionnement d’un système de traitement automatisées des données (code pénal article 323-2)594.

On pourrait se poser la question de savoir quel rôle pourrait avoir à jouer le mineur dans cette diffusion qui semble être plus le fait de professionnels en tirant profit que de particuliers isolés. Sa responsabilité peut être engagée au titre de relais de Spam, notamment en ce qui concerne les hoax.

591

L’Hebdo, Cathy Macherel, Nicolas Willemin, Frédéric Blassel, 17 février 2000, « Des crimes et des châtiments ».

http://www.webdo.ch/hebdo/hebdo_2000/hebdo_07/hacking5_07.html 592www.cnil.fr

593 Tribunal correctionnel Lyon, 20 février 2001 : Comm. com. électr. Janvier 2002, commentaire n°5, observation Ch. Le Stanc ; JCP E 2002, p.78, observations A. Bertrand-Doulat. Il y a eu suite à cette décision une condamnation de 8 mois de prison avec sursis et une amende à l’époque de 20 000 francs.

594 TGI Paris, 12e chambre correctionnelle, 24 mai 2002 : www.01net : 4 mois de prison avec sursis et 20 000 euros de dommages et intérêts à la partie civile.

198 Le hoax est un Spam ayant pour origine un canular. Le spammeur est généralement un de vos contacts qui a lui-même été victime dudit hoax. La méthode de diffusion est celle du forward (faire suivre). Ce type de Spam surfe sur la culpabilisation ou la stigmatisation par la menace de malédiction à défaut de faire suivre le message. On sollicite la naïveté des internautes. Le message prend sa pleine mesure étant donné qu’il est préconisé de l’envoyer à un maximum de personnes (minimum 5 ou 10) sous peine de malchance. Il peut être dupliqué indéfiniment par des personnes qui n’entendent pas rompre la chaîne de solidarité ou de chance, ce faisant les relayeurs contribuent à saturer votre boîte de réception électronique. La simple diffusion de messages en chaîne (quelle qu’en soit la nature) permet-elle que l’on engage sa responsabilité au même titre qu’un spammeur ? C’est peu probable. Il faut que soient remplies les conditions majeures de l’infraction :

- L’altération d’un système automatisé par un accès frauduleux. Dans la technique du “forward“, il n y a pas d’accès frauduleux, puisqu’il s’agit de réexpédier le message que l’on a soit même reçu à des personnes dont-on légalement les adresses e-mails.

- Il faut entraver le fonctionnement d’un système de traitement automatisé des données. Or chacun de nos contacts, ne recevra qu’une seule fois le message "forwardé" ; ce qui n’est pas de nature à paralyser le fonctionnement de son système.

Il est toutefois possible à l’internaute mineur, dans une démarche malveillante d’inonder la boîte de réception d’une personne physique ou morale au point de paralyser celle-ci par le procédé de l’e-mail bombing.

1-b. L’e-mail bombing.

Cette pratique consiste à envoyer un même message de manière répétée à une personne déterminée, le but étant d’inonder la boîte électronique du destinataire au point de la bloquer. A la différence du spamming souvent de nature publicitaire, l’e-mail bombing a pour unique but de saturer un serveur afin d’en empêcher le fonctionnement normal. L’article 323-2 du code pénal sanctionne cette pratique en énonçant que : « le fait d’entraver ou de fausser le fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende ». Il faut s’appuyer sur l’article 1382 du code civil

199 pour demander réparation du préjudice lié à la perte de la messagerie, même si celle-ci est gratuite595. Le mineur auteur d’une telle infraction engage sa responsabilité pénale et civile596. La difficulté réside dans l’identification de l’auteur de l’e-mail répété, il existe en effet des logiciels spécifiques qui permettent d’agir de manière anonyme597.

L’e-mail bombing est présenté par ses défenseurs comme un moyen de faire une “e-manifestation“, de mettre en œuvre son droit de pétition et d’expression. La première décision sur l’e-mail bombing a été rendue par le premier vice-président au Tribunal de grande instance de Paris le 26 mai 2003598. Cette décision n’a pas retenu la qualification d’e-manisfestation, par conséquent il n’a pas été reconnu à l’email bombing la qualité d’un exercice normal et justifié de la liberté d’expression. Ces “e-manifestations“ constituent encore aujourd’hui une arme de protestation des internautes dont les cibles varient au gré de l’actualité. Toute personne ayant participé à cet envoi massif est considérée comme auteur ou coauteur de l’infraction.

Il est possible de poursuivre des internautes animés d’intention de nuire sur le fondement de l’article 323-2 du code pénal599, lorsqu’ils auront volontairement entravé le fonctionnement d’installations informatiques. C’est ainsi que le Tribunal de grande instance de Paris a condamné un internaute ayant pratiqué du « mail bombing » à 4 mois de prison avec sursis ainsi qu’à payer 20 000 euros de dommages et intérêts au fournisseur d’accès Noos dont les

595 Olivier Iteanu, Tous cybercriminels. La fin d’Internet ? préc., p.115.

596 Voir en supra les paragraphes sur la responsabilité civile du mineur ou de ses tuteurs légaux au regard des infractions que ce dernier commet.

597 TGI de Paris 12e chambre, 24 mai 2002, un jeune technicien en informatique a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende pour avoir nui au fonctionnement du système de messagerie du fournisseur d’accès Internet Noos après avoir expédié au même internaute le même e-mail en plusieurs centaines de milliers d’exemplaires, Source ZdNet.

598

Par une ordonnance de référé du TGI de Paris du 26 mai 2003, FSU et autres c/ La Droite Libre,

www.legalis.net, le Président du TGI a dit que le blocage des messageries dont il avait à connaître « caractérise une intention malicieuse » de la Droite Libre qui visait à perturber le fonctionnement des syndicats. Il en conclut que cette action ne peut se prévaloir d’un exercice normal de la liberté d’expression. Il précise que cette action, en privant « les demandeurs de l’usage des services de courrier électronique dont ils ont une possession légitime » a « constitué un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin ». L’association la Droite Libre entendant réagir face aux grèves dans les Transports et l’Education nationale lance une e-manifestation consistant à susciter un envoi massif de messages électroniques modélisés vers une quarantaine d’adresses électroniques d’organisations et de responsables syndicaux. Il y avait eu un précédent dès la seconde fête d’Internet en mars 1999, une association d’internautes, l’ADIM aujourd’hui disparue avait lancé la première e-manifestation contre le prix trop élevé de l’accès à Internet par France Télécom.

599 Article 323-2 : « Le fait d’entraver ou de fausser le fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

Dans le document LA PROTECTION DU MINEUR DANS LE CYBER ESPACE (Page 197-200)