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L’apologie des crimes contre l’humanité et leur contestation

Dans le document LA PROTECTION DU MINEUR DANS LE CYBER ESPACE (Page 180-186)

2-b. Les infractions spécifiques à Internet

Chapitre 2. LA SANCTION DES MANQUEMENTS DU MINEUR AUX DROITS D’AUTRUI DANS LE

A. Les infractions de presse

2. L’apologie des crimes contre l’humanité et leur contestation

Les crimes contre l’humanité constituent une matière suffisamment grave et sensible, c’est pour cette raison qu’ils sont susceptibles de générer deux types de délits ; l’apologie des crimes contre l’humanité et la contestation des crimes contre l’humanité.

2-a. L’apologie des crimes contre l’humanité.

Dans son jugement dit “Aussaresses “539, le Tribunal de Paris a définit l’apologie des crimes contre l’humanité comme s’entendant « du discours qui présente un crime de guerre de telle sorte que le lecteur est incité à porter sur ce crime un jugement de valeur favorable effaçant la réprobation morale qui, de par la loi, s’attache à ce crime ». Une telle apologie est selon le Tribunal « incriminée en ce qu’elle constitue une provocation indirecte à commettre de semblables crimes ». Parmi les apologies de crimes prohibées et conformément à l’article 24 de la loi de 1881, il faut compter les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi.

Les crimes contre l’humanité sont déterminés comme suit :

- Avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, les crimes définis par l’article 6 du statut du Tribunal militaire international dit de ”Nuremberg ” annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 étaient ceux qui avaient été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle (SS, Gestapo, SD, Corps des chefs des nazis), soit par toute personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

- Selon la jurisprudence, constituent des crimes contre l’humanité des actes inhumains et des persécutions qui, au nom d’un Etat pratiquant une politique d’hégémonie idéologique, sont commis systématiquement contre des personnes en raison de leur

180 appartenance à une collectivité raciale ou religieuse, ou contre les adversaires de la politique de cet Etat.

Seuls sont concernés les crimes reconnus perpétrés pendant la Seconde Guerre mondiale par des criminels de guerre des pays européens de l’Axe, essentiellement l’Allemagne nazie, et par toute personne ayant agi pour le compte de ces Etats540.

La matérialisation d’un tel délit dans le cyberespace est liée à ses fonctionnalités. Les supports pouvant permettre la matérialisation de cette infraction sont les sites et pages personnels, les blogs, les forums de discussion organisés ou édités par des mineurs. En somme tout ce qui est axé sur la communication du mineur dans un espace public. La condition de communication publique est retenue car il ne serait pas possible à la justice de se saisir spontanément des communications privées du mineur ou des communications de ce dernier dans un espace déterminé comme privé sauf ordonnance juridique.

Depuis quelques années, on peut voir pulluler sur Internet des sites néo-nazi. Ces sites ont fait du cyberespace un terrain de recrutement et de propagande auprès des internautes de plus en plus jeunes. Des mineurs convertis à cette idéologie, se servent à leur tour d’Internet pour véhiculer cette idéologie en faisant par exemple l’apologie de crimes contre l’humanité.

2-b. La contestation des crimes contre l’humanité.

Il faut entendre par contestation des crimes contre l’humanité leur contestation ou leur négation publique.

La contestation de ces crimes est réprimée par l’article 24 bis de la loi 1881 sur la liberté de la presse541. Cet article a été inséré par la loi du 13 juillet 1990 dite Loi Gayssot. Cette infraction vise tout particulièrement ceux qui, prétendant à la qualité d’historien, tendent à démontrer l’inexistence de l’holocauste nazi ou à le minimiser de manière outrancière. Aucun texte ne permettait de sanctionner les auteurs d’écrits qualifiés révisionnistes ou négationnistes qui

540Combattre le racisme France, France/Les lois antiracistes.

http://www.droitshumains.org/Racisme/r_france/04.htm

541 « Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par des membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ». Cet article punit d’un an d’emprisonnement au plus et/ou une amende de 300.000 € au plus.

181 parvenaient à donner à leurs propos une résonance raciste. Il importe peu que cette contestation soit effectuée le cas échéant sous une forme d’insinuation comme l’a admis la Chambre criminelle de la Cour de Cassation542. Seuls les crimes contre l’humanité définis par l’article 6 du statut du Tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 sont concernés. Le texte contient une référence expresse au jugement du Tribunal de Nuremberg qui vaut définition du délit de la contestation de crimes contre l’humanité.

La condition de la répression est l’existence d’une contestation publique ; l’expression de cette contestation sur Internet en a toutes les caractéristiques. Les modes de manifestation de la liberté d’expression sur Internet favorisent toutes sortes de dérapages notamment de la part des mineurs. Ces derniers même si ils mesurent parfois la gravité des propos qu’ils tiennent n’en maîtrisent pas pour autant toutes les conséquences juridiques. Dans leurs pages personnelles, leurs blogs, dans des forums, des chats ou tout autre moyen d’expression électronique, ils peuvent de leur propre fait ou en interaction avec d’autres, commettre de tels délits. Certains par ignorance et par amusement vont diffuser de tels écrits sans en connaître la portée ; d’autres vont se faire le relais d’opinions, d’idéologies haineuses, qu’ils les partagent ou non.

Il n’est pas nécessaire que le mineur soit lui-même l’auteur de cette contestation, il suffit qu’en tant qu’éditeur de contenus il aie publié ou relayé des contenus constitutifs de contestation de crimes contre l’humanité pour engager sa responsabilité.

Internet donne une telle impression de liberté d’expression, d’existence virtuelle en dehors des contingences répressives du monde réel que les dérapages sont fréquents. Les mineurs peuvent se servir de leur statut d’éditeur ou d’auteur de contenu pour nuire à la réputation et/ou l’image d’autrui. Il s’agit d’infractions par voie de presse qui sont régis par le code pénal en marge des délits de presse qu’incrimine la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

542 Cass. Crim 29 janvier 1998 ; Cass. Crim. 12 septembre 2000, Droit pénal, 2001, paragraphe 4, observations Véron.

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B. Les infractions par voie de presse.

La loi de 1881 a conservé son statut de grande loi sur la presse ; cependant la multiplication des délits de presse en dehors de son domaine lui a fait perdre son hégémonie en la matière543. Il ne s’agit pas d’une loi autonome mais au contraire d’une loi « de supplément » à laquelle il ne convient de faire appel que lorsque les règles du droit commun sont insuffisantes544. Les infractions par voie de presse sont des infractions d’origine et de nature diverses mettant en œuvre des moyens de commissions diversifiés mais présentant le point de commun de pouvoir être commises par voie de presse545. « Nombreuses sont les infractions constituées par une publication et qui ont été essaimées par le législateur hors du domaine de la loi de 1881546. Le code pénal répertorie un certain nombres de ces infractions : atteintes à la vie privée (art. 226-1 à 226-9), montage de paroles et d’images (art. 226-8), provocation au suicide (art. 223-13 à 223-15), diffusion d’un message violent, pornographique ou attentatoire à la dignité susceptible d’être vu par un mineur (art. 227-24), provocations de mineurs à commettre diverses actions (art. 227-18 à 227-21), provocation à la rébellion (art. 433-10), pressions et discrédits jetés sur les décisions de justice (art. 434-16 à 434-25).

1. La rumeur.

Fondée ou pas, la rumeur ou fausse information se caractérise par sa source non officielle et le doute qu’elle génère. Dès qu’elle s’officialise, c’est pour être démentie ou confirmée : c’est la fin de la rumeur.

La facilité qu’offre Internet pour diffuser des informations au public est logiquement génératrice de dérives comme la rumeur qui est considérée comme « le plus vieux média du monde »547. Internet s’est révélé un puissant vecteur de rumeurs. Elles fleurissent dans les

543

A. Lepage, Libertés et droits fondamentaux à l’épreuve d’Internet, op. cit.., p. 120.

544 Sophie Martin-Valente, La place de l’article 1382 du code civil en matière de presse depuis les arrêts de l’Assemblée plénière du 12 juillet 2000 – Approche critique (2e partie), Légipresse N° 203 – juillet/août 2003, p. 90.

545 M. Véron, La responsabilité pénale du directeur de la publication. Infractions de presse et infractions par voie de presse, art. op. cit.

546 A. Lepage, Les droits et libertés fondamentaux à l’épreuve d’Internet, op.cit., p. 131.

547 J.-N. Kapferer, Rumeurs. Le plus vieux média du monde, Seuil, Points 1995 ; Dossier de Monde Interactif, 23 mai 2001, p. I à III, « Rien n’arrête la rumeur sur la Toile ».

183 pages web et son relayées entre autres par les mails548. Nul n’est besoin de préciser que, une fois qu’une rumeur est "lâchée" dans le cyberespace, elle n’est plus contrôlable.

Internet apporte deux éléments majeurs dans la propagation de la rumeur. Auparavant la rumeur devenait publique dès lors qu’elle était relatée dans les médias. Internet permet à chacun de la rendre publique au-delà de toute proportion. De plus, l’anonymat et la possibilité de se créer de multiples identités sur Internet, permettent un relais plus aisé de la rumeur. Les internautes dans leur totalité peuvent être concernés, dans la mesure où tout internaute peut prendre part à sa propagation soit qu’il en est l’initiateur ou un des relais. La nuance quant au mineur est que l’on peut quasiment exclure l’infans de ce type d’infractions qui nécessite une volonté de nuisance avérée.

Un des exemples de rumeurs les plus célèbres lancées sur Internet concerne les attentats du 11 septembre, plus précisément celui commis contre le Pentagone. Les circonstances réelles, voire la réalité de cet attentat ont été remises en cause549 par des individus qui se sont servi d’Internet comme outil de propagande. En l’espace de quelques heures, la rumeur avait fait le tour de la planète amenant avec elle son cortège de soupçons et de suspicions. Dans le même genre, une rumeur concernant la ville d’Issy-les-Moulineaux a couru sur la Toile, passant de messagerie en messagerie avec pour titre « A FAIRE SUIVRE A TOUS VOS AMIS ». L’histoire concernait une femme qui se serait fait piquer par une seringue qu’un message accolé dessus disait contaminée par le virus du SIDA. Plusieurs institutions dont l’Institut Pasteur, le Commissariat de Police de la ville auraient prétendument avalisé cette rumeur en émettant des messages de prévention et d’alerte ; elles ont toutes démenties550.

On est amené à se demander si Internet n’aurait pas fait glisser le pouvoir des médias vers les particuliers. Ces derniers par manque de volonté, par malveillance ou souvent par ignorance ne se donnent pas la peine de vérifier, trier les informations qu’ils diffusent dans le cyberespace551.

L’émergence des blogs a accru ce phénomène de création et de propagation des rumeurs. Les messageries instantanées, les courriers électroniques et les forums ne sont pas exclus. Tous les

548 A. Lepage. Les droits et libertés fondamentaux à l’épreuve d’Internet, op.cit., p. 68.

549 Le Monde 21 mars 2002, p. 18 et 23 ; Libération 26 mars 2002, p. 6 – 31 mars 2002, p. 4 et 6 ; Le Nouvel Observateur 28 mars et 3 avril 2002, p.68.

550 Journal Du Net, Philippe Guerrier, Issy-les-Moulineaux victime d’une rumeur sur Internet.

http://www.journaldunet.com/0102/010228issy.shtml

184 modes de communication sont propices à la diffusion de rumeurs. Les mineurs familiers à un monde de vérités factices (avec la vitrine des célébrités dont les fausses informations sont souvent orchestrées), sont les premiers à prendre au mot les rumeurs et à les relayer comme vraies. Ces rumeurs ne concernent pas que leur entourage ; il peut s’agir de célébrités plus ou moins connues, de personnages publics à diverses échelles, etc. C’est ainsi qu’on vu de nombreuses histoires émerger, mettant en cause leurs camarades ou le corps professoral, etc.

La victime seule peut demander l’application des règles de la responsabilité civile de droit commun sur le fondement de l’article de l’article 1382 du code civil. Pour ce faire, elle doit apporter la preuve de trois éléments : la fausse information elle-même constitutive d’une faute, le préjudice subi et le lien de causalité entre cette faute et le préjudice. Sur le plan pénal il n’existe pas de délit couvrant la création ou la diffusion de fausse information en tant que telles. Pour qu’une telle sanction soit envisagée, il faut que la création ou la diffusion de cette fausse information aboutisse à un préjudice particulier.

La particularité de la rumeur dans le cyberespace en comparaison au monde réel est que, dans le monde réel une rumeur peut cesser d’elle-même. Dans le monde virtuel cependant, elle pourra continuer d’apparaître dans les recoins du réseau, resurgir à tout moment, par le biais d’un moteur de recherche, la page personnelle d’un internaute, une sauvegarde, etc. La solution semble être un démenti juridique, pour cela la victime devra démontrer la fausse information et l’identité de son auteur552.

Le mineur peut engager sa responsabilité en tant qu’auteur de la rumeur ou en tant que diffuseur. Sa responsabilité civile peut être engagée sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun telle que régie par l’article 1382 du code civil. Mais, le recours à l’article 1383 du code civil553 est également envisageable. Le mineur bien qu’il ne soit pas l’auteur de la rumeur peut voir sa responsabilité engagée :

- si il a contribué à sa propagation bien qu’ayant conscience554 que celle-ci pouvait causer un préjudice ;

- si il n’a pas pris des précautions de texte telle que : l’emploi du conditionnel, la citation de la source ou de l’absence de source.

552

Olivier Iteanu, Tous cybercriminels. La fin d’Internet ?, préc. p.81.

553 « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

185 La rumeur peut prendre plusieurs formes : fausses alertes aux virus, fausses chaînes de solidarité, fausses promesses, fausses pétitions555, etc.

La responsabilité pénale du mineur en tant que diffuseur peut être engagée si c'est prouvé qu’il avait conscience de rediffuser une information fausse. Responsabilité au titre de la complicité ou à titre principal.

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