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1-a. La collecte directe

La collecte de données personnelles à des fins commerciales ou non, vise la constitution de fichiers nominatifs ou les individus sont classés selon des critères plus ou moins objectifs.

Les enfants sont souvent de meilleurs internautes que les adultes ou du moins des internautes plus assidus. Faute de maturité et d’expérience civique ils constituent des cibles idéales128 dans la collecte des données personnelles quel que soit le but de cette collecte.

Dans l’absolu, les internautes ont conscience de devoir se dépouiller d’informations personnelles lorsqu’ils sont appelés à remplir un formulaire en ligne. Des sondages américains font apparaître que 41% des internautes renonçant à livrer des informations personnelles préfèrent se déconnecter tandis que 40% choisissent de mentir129 . Mais cette

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Sophie Louveaux, Comment concilier le commerce électronique et la protection de la vie privée ? Droit des technologies de l’information. Regards prospectifs, sous la direction d’Etienne Montero, Cahier du centre de recherche informatique et droit, Bruylant. Bruxelles 1999, p.151-152.

127 J. Frayssinet, Internet et la protection juridique des données personnelles, Colloque international. Internet et le droit, 26 septembre 2000.

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Internet, les jeunes et la protection des données personnelles et de la vie privée.

www.cnil.fr/juniors/fiches/fiches1.pdf/

129 J. Boyer, Internet et la protection des données personnelles et de la vie privée : Cahier français, mars-avril 2000, p.74 et s., spéc. , p.75.

50 réaction est elle attribuable à tout internaute ou alors faut t-il y voir la marque d’internautes particulièrement avisés.

La collecte directe ne peut avoir lieu qu’avec le consentement130 ou du moins la participation consentie de l’internaute. Mais, le fait est que tous les internautes ne sont pas égaux devant cette collecte, les mineurs étant considérés comme les plus vulnérables et les plus malléables.

La collecte des données personnelles auprès des mineurs entraîne une interrogation quant à la probité de certains sites Web dédiés aux enfants. Une enquête131 a montré en la matière que, alors que 8 sites sur 10 collectent des données personnelles, seuls 4 sites sur 10132 présentent une déclaration relative au respect de la vie privée. Lorsqu’elle apparaît, cette information légalement obligatoire est souvent incomplète133.

D’entrée de jeu se pose la question de la validité de la collecte auprès des mineurs, qu’il s’agisse ou non de leurs données personnelles. En principe, le consentement du mineur n’a de valeur que s’il est corroboré par celui d’un parent ou du moins d’un majeur responsable.

De manière générale, l’internaute qui souhaite réaliser une transaction électronique livre de lui-même ses données personnelles afin de permettre la réalisation de la transaction. Il fournira par exemple son nom son adresse en vue de la livraison de biens commandés134.

130 Le principe de la nécessité du consentement est consacré à l’article 7 de la Directive du 24 octobre 1995 sur le traitement des données à caractère personnel. Il s’agit d’une nouveauté par rapport à la loi de 1978 qui posait simplement le principe d’un droit d’opposition. Il existe cependant des exceptions à ce principe de consentement. C’est le cas en matière de commerce électronique quand le traitement a lieu dans le cadre de l’exécution d’un contrat art. 7b ; le consentement n’est pas exigé lorsque le traitement répond à un intérêt légitime de son responsable ou d’un tiers qui aurait communication des données, dans la mesure où ne prévalent pas l’intérêt ou les droits fondamentaux de la personne concernée.

131 Enquête a été réalisée par l’université d’Anvers en Belgique et diligentée par le Monsieur le professeur Michel Walrave en 2005. Il n’est pas précisé si les sites (294 en tout) sont tous ou non belges. Cette enquête paraît en intégralité sur les sites suivants :

www.safeinternet.be www.e-privacy.be

132 82% des sites pour enfants collectent les données et seulement 39% présente une déclaration relative à la vie privée, 81% demandent le nom du visiteur, 87% demandent des coordonnées telles l’adresse e-mail, 54% demandent l’adresse du domicile, 32% demandent le numéro de téléphone, 19% demandent le numéro de GSM, 37% demandent les caractéristiques personnels exemple âge et pour 15% le sexe, pour 7% les passe-temps et pour 6% la nationalité et enfin pour 5% l’éducation scolaire, Enquête du professeur Michel Walrave préc. 133 Etienne Wery, 7 novembre 2005, voire le Site Droit & Nouvelles technologies.

http://www.droit-technologie.org/1_2.asp?actu_id=1125

134 Sophie Louveaux, comment concilier le commerce électronique et la protection de la vie privée ? Droits des technologies de l’information. Regards prospectifs, sous la direction d’Etienne Montero, Cahier du centre de recherche informatique et Droit, Bruylant Bruxelles 1999, p.152

51 Il existe diverses manières de collecter des données auprès des mineurs. Il est possible par le biais de formulaires, de jeux, de forum de discussion, de collecter directement des données personnelles auprès du mineur.

1.a'. La collecte par le biais des formulaires et jeux.

Les publicitaires collectent des informations en invitant les mineurs à remplir des formulaires pour pouvoir jouer sur le net et participer à des concours. Il semblerait que 59% des mineurs ciblés se disent prêts à donner leur nom et d’autres renseignements personnels pour courir la chance de gagner un prix à un concours : 52% donneraient leur adresse de courriel135.

Les jeux et concours en ligne constituent une des raisons qui motivent les mineurs à passer beaucoup de temps sur la Toile. Certains sites ont une vocation éducative tandis que d’autres ont une vocation purement mercantile. D’un point de vue légal, les mineurs doivent être assistés dans toutes ces activités par un majeur responsable, qui doit valider leur consentement par le sien propre. C’est dans ce sens que l’association canadienne du marketing a amendé son code de déontologie pour y ajouter des clauses concernant la vente et la promotion auprès des mineurs de moins de treize ans136. Ces directives insistent sur l’obligation de ne pas recueillir d’informations auprès des enfants sans le consentement exprès des parents.

Dans le même esprit, aux Etats-Unis, la Children Online Privacy Protection Act (COPPA) adopté par le Congrès en octobre 1998 et entrée en vigueur en avril 2000 énonce que, aucune information personnelle ne doit être recueillie en ligne auprès d’un enfant de moins de treize ans sans le consentement de ses parents ou d’un tuteur légal. Ce consentement doit être vérifiable, sois sous la forme d’un formulaire d’autorisation envoyé par courrier postal ou télécopie, ou directement par le biais d’un numéro de téléphone sans frais de la compagnie. Ce texte concerne les sites commerciaux basés aux Etats-Unis qui s’exposent à des amendes en cas de non respect.

La réalité est cependant loin de cet énoncé, tout au moins en ce qui concerne le Canada ; ces précautions ne sont pas toujours respectées par toutes les parties Le Réseau Education-Médias montre que 80% des jeunes sont seuls quand ils naviguent sur Internet et que la plupart des

135 La protection de la vie privée et les jeunes, Réseau éducation-Médias.

www.education-medias.ca/francais/enjeux/vie-privée-enjeu.cfm

52 parents ignorent tout des activités de leurs enfants en ligne. 65% d’entre eux pensent que leurs enfants utilisent essentiellement la Toile pour leurs travaux scolaires, alors que 56% des jeunes citent le courriel comme étant leur activité préférée ; 50% naviguent pour le plaisir ; 40% utilisent les messageries instantanées et 39% fréquentent des bavardoirs137. Autant d’activités qui se prêtent à la divulgation même involontaire d’informations personnelles138.

La collecte directe des données personnelles auprès des mineurs concerne autant le secteur public que le secteur privé. Le secteur public est concerné à une moindre échelle. Ceci s’explique en grande partie par le fait que les démarches administratives sont effectuées en majorité par des adultes. Nous allons tout de même envisager ce cas de figure.

Il existe plusieurs modes de collecte des données personnelles auprès des mineurs. Dans la catégorie des collectes consenties et donc directes, nous avons les formulaires de toutes natures complétés en ligne. Nous avons également les forums de discussions où la collecte quoique directe doit être nuancée.

Qu’en est-il de l’état du droit sur la collecte des données auprès des mineurs en France, en Europe et aux Etats-Unis ?

1.a″. La réglementation de la collecte des données auprès des mineurs.

En France, aucun texte ne réglemente de façon précise la problématique liée à la collecte des

données personnelles des mineurs. L’article 488 du code civil (portant sur la majorité du mineur) et l’article 2 du code de commerce modifié par la loi du 5 juillet 1974 (qui énonce que « le mineur même émancipé ne peut être commerçant ». Cette incapacité l’empêcherait d’engager son patrimoine mais aussi de prendre des décisions concernant sa personne). Une lecture combinée de ces deux articles permettrait-elle de conclure dans le domaine de la collecte des données personnelles qu’une telle collecte auprès des mineurs serait illégale ?

La loi de 1978 garantit à tous trois droits : information, accès et opposition. Ces dispositions encadrent la protection des données personnelles des individus en général et elles

137 Forum de discussion

53 n’appréhendent pas suffisamment les problématiques liées à l’usage d’Internet par des mineurs selon un constat de la CNIL.

La loi du 6 janvier 1978 pose dans son article 40-6, un principe en matière de fichiers ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé. En vertu de ce texte, ce sont les « titulaires de l’autorité parentale » qui exercent les droits prévus au bénéfice de toute personne mineure fichée : droit à l’information, droit d’opposition, d’accès et de rectification des données la concernant.

Une recommandation de la CNIL du 1er avril 1980 relative aux modalités du droit d’accès139, semble poser un principe plus général en indiquant que, « s’agissant d’un droit strictement personnel, celui-ci ne peut être exercé que par son titulaire et le mandat ne peut être utilisé, selon les règles du droit commun que pour les mineurs et incapables majeurs140.

La CNIL a déjà eu à se prononcer sur un cas de collecte de données auprès de mineurs sous la forme d’une recommandation en date du 22 octobre 1985. Saisie d’une plainte concernant la diffusion d’un questionnaire auprès des élèves d’un collège, la CNIL avait considéré que cette enquête, auprès d’enfants mineurs, aurait du être précédée d’une demande d’accord écrit des parents. Depuis, la CNIL estime que l’accord écrit des parents est nécessaire pour la diffusion d’une photo d’enfant sur Internet, ainsi que pour la cession des coordonnées d’un enfant mineur en matière de marketing141.

Dans la recommandation du 22 octobre 1985, la CNIL précise qu’un mineur ne peut être soumis à des tests ou épreuves à caractère psychotechnique ou psychologique sans l’accord écrit de la personne qui en assure la responsabilité légale. Cela va plus loin ; en 1997 lors de l’examen des traitements d’informations nominatives mis en œuvre dans le cadre d’un site Internet ministériel, la commission a demandé que la rubrique « courrier électronique », destinée à recevoir des courriers en provenance de jeunes, comporte une mention très explicite afin de pas inciter ces derniers à donner leur nom de famille et l’adresse de leur domicile. En revanche les jeunes peuvent être encouragés à indiquer s’ils le souhaitent leur

139

Délibération n°80-010 1er avril portant adoption d’une recommandation relative à la mise en œuvre du droit individuel d’accès aux fichiers automatisés

140http://www.

54 prénom, leur pseudonyme, l’indication de leur commune et pays de résidence, leur classe (niveau)142.

La déclaration des traitements de données personnelles mise en œuvre dans le cadre d’un site Internet doit systématiquement indiquer si le site est particulièrement destiné aux mineurs143. Selon l’article 27 de la Loi de 1978, les titulaires du site ont l’obligation d’informer les internautes lors de la collecte des données du caractère obligatoire ou facultatif des réponses qu’ils sont invités à fournir, des personnes ou des organismes destinataires des informations, de l’existence d’un droit d’accès aux informations qui les concernent et du lieu où il s’exerce. La CNIL conclut son rapport en disant que la collecte d’information auprès des mineurs concernant l’entourage familial, le mode de vie des parents, leur statut social professionnel, doit être considérée comme excessive et déloyale. Les jeux et loteries proposés aux enfants ne doivent pas conduire à céder à des tiers les données ainsi recueillies, sauf accord exprès des parents.

Les recommandations de la CNIL n’ont aucune valeur contraignante en matière de collecte de données personnelles auprès des mineurs, et elles ne sont relayées par aucun texte légal ayant valeur contraignante. De plus, elles ne proposent en aucun moment la mise en place d’un régime d’autorisation préalable à la collecte des données auprès des mineurs144. Cette loi a créé un site junior pour sensibiliser et apprendre aux enfants à surfer sans dévoiler des données sur leur vie privée.

A la question de savoir si en France la collecte de données personnelles auprès des mineurs est possible la réponse est oui mais en respectant une double condition :

- Recueillir le consentement préalable des parents à qui l’on doit donner les moyens de s’opposer à la collecte.

- Fournir une information claire aux mineurs.

142 Rapport de la CNIL du 12 juin 2001, Internet et la collecte des données personnelles auprès des mineurs, Cécile Alvergnat.

143 Rubrique III du formulaire simplifié et électronique de déclaration.

144 Indragandhi Balassoupramaniane, Le journal du barreau volume 33 n°19 15 novembre 2001.

55 Il est cependant admis que le webmestre d’un site auquel un jeune est connecté puisse collecter l’adresse électronique et l’âge du mineur pour lui envoyer une lettre d’information. Le recueil de toute autre information est considéré comme non conforme à une telle finalité.

En Europe, le Conseil de l’Union européenne a rendu une recommandation en date du 24

septembre 1998 concernant « le développement de la compétitivité de l’industrie européenne des services audiovisuels et d’information par la promotion de cadres nationaux visant à assurer un niveau comparable et efficace de protection des mineurs et de la dignité humaine ». Il s’agit là d’un acte juridique non contraignant qui n’aborde pas la protection des mineurs à l’égard de la collecte et de la diffusion de leurs données personnelles145.

Aux Etats-Unis, en mars 1998 la Federal Trade Commission (FTC) du département du

commerce américain publiait les résultats d’une enquête portant sur les données recueillies par les sites de commerce. Selon cette étude, 89% des sites qui s’adressent aux enfants récoltent des informations personnelles sur leurs jeunes visiteurs (nom, âge, adresse, centre d’intérêts, numéro de sécurité sociale, etc.…) et sur leurs parents. Plus encore, ces sites conditionnent leur accès aux mineurs par un recueil d’information. 54% de ces sites informent sur l’utilisation ultérieure des données recueillies ; 12% offrent un droit d’accès et de modification et seulement 1% réclament un accord parental préalablement à toute collecte146. Une étude datant de janvier-février 2000 auprès de 1001 parents d’internautes âgés de huit à dix-sept ans et de 304 enfants de dix à dix-sept ans. Cette étude révèle que, avec la promesse d’un cadeau 65% des jeunes sont prêts à donner des informations sur leurs boutiques favorites et 54% prêts à livrer des précisions sur les marques préférées de leurs parents.

Ces résultats ont amené la FTC à proposer la mise en place d’une législation spécifique sur la question. C’est ainsi que le Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA) a vu le jour le 21 avril 2000.

- Tout site est obligé de requérir une autorisation parentale avant une demande de renseignements personnels auprès d’un enfant de moins de treize ans. Les

145 Ibid. 146 Ibid.

56 informations recueillies doivent être accessibles et les parents peuvent obtenir leur suppression en indiquant qu’ils révoquent leur accord.

- Il y a une obligation à l’encontre des responsables de sites. Obligation d’afficher clairement la politique de recueil des données, de prévenir les parents des enfants si leur politique change ou de fournir un contact avec une adresse courriel, une adresse postale et un numéro de téléphone.

Certains sites à l’instar d’eCrush ont décidé d’interdire l’accès à leur service aux mineurs de moins de treize ans ; Hotmail, Yahoo et Disney.com ont quant à eux pris l’initiative de demander aux parents une autorisation sous forme de numéro de carte bancaire afin de s’assurer l’authenticité des autorisations recueillies.

Les Etats-Unis sont le pays le plus à la pointe en matière de la réglementation de la collecte de données personnelles auprès des mineurs. C’est l’un des premiers pays à s’être doté d’une législation sur Internet et les mineurs.