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Chapitre2 : Cadre territorial

2.3 L’évolution de l’économie villageoise :

2.3.2 Les moyens et les techniques d’exploitation :

Le matériel à traction animale est de plus en plus courant dans les exploitations familiales. Chaque famille des villages de Kollo et de Liboré possède, en moyenne, deux machines : un semoir et une houe; les charrettes ne sont pas encore très nombreuses. Les ménages dépourvus de matériel agricole vivent généralement dans des grandes concessions et se servent du matériel appartenant à un voisin ou ami. Pour la culture attelée, il est utile d’avoir à la fois un semoir et une houe.

Traditionnellement, le paysan cultivait ses champs à l’aide de moyens aratoires manuels. L’outillage agricole variait suivant les différentes phases de cultures mais également suivant l’ethnie. Aujourd’hui encore, malgré l’utilisation de plus en plus répandue du matériel agricole à traction animale, l’outillage de culture léger, et de petit format, est toujours employé et peut se composer de certains des outils suivants. La hilaire, long manche d’environ 1,5 mètres au bout duquel est fixé un fer, est couramment employée dans les villages songhay où elle sert lors de la préparation des champs, du nettoyage du terrain de culture, du désherbage. La daba, sorte de pioche à fer de largeur variable (7 à 13 centimètres) et à manche court (45 centimètres) utilisée pour le désherbage, le labourage, la coupe des

tiges de mil. Les femmes se servent aussi de la daba dans les jardins. La daba n’est autre que la houe manuelle. Les coupe-coupe, couteaux, haches font également partie de l’outillage léger du paysan. Ces outils peuvent être achetés chez le forgeron du village ou au marché local. Mais les éléments majeurs du matériel agricole sont maintenant le semoir et la houe à traction animale. Leur apparition dans les villages date, il y a une vingtaine d’années.

L’utilisation du matériel à traction animale est à l’origine du changement des méthodes culturales. En effet, le problème technique peut être saisi à partir du dualisme entretien- reproduction des outils de travail. Ces deux critères sont très déterminants dans la relation de travail et la productivité. Les paysannes n’étant pas réparatrices et vu leur capital économique le plus souvent maigre (obstacle économique) elles seront dépendantes des matériaux dont elles ne sont pas habilitées à assurer l’entretien, ni la fabrication. Fait plus important: l’introduction des machines a conduit les hommes à prendre le contrôle des travaux agricoles exécutés par les femmes, en particulier de ceux qui étaient traditionnellement du ressort de ces dernières (les cultures vivrières).

Selon Barbara Rogers : «Beaucoup de femmes voudraient disposer de machines pour la transformation des aliments mais elles n’ont pas voix au chapitre en matière d’équipement;

aussi sont-elles obligées, pour alléger la pression du travail, de continuer de compter sur les machines appartenant aux hommes. Ce qui implique qu’elles dépensent à cet effet tout l’argent qu’elles peuvent accumuler», et d’ajouter : «Cette situation renforce le cliché selon lequel les femmes sont incapables de se servir de machines et ne sont aptes à effectuer que les opérations les moins productrice».41

L’apport de nouvelles technologies peut favoriser une productivité supérieure en même temps qu’une appréciable économie de temps et de travail : mais qu’en est-il du mode de leur introduction ? Souvent les programmes ne tiennent pas compte des besoins particuliers des femmes, de la spécificité de leurs tâches, de leur accès ou non à la main d’œuvre ou de leur force physique ; les paysans pour leur part soulignent que cet équipement fragile, pas nécessairement adapté aux conditions géo climatiques, se brise facilement, et qu’il est toujours difficile de se procurer des pièces de rechange ou de trouver qui saura effectuer les

41 ROGERS Barbara, Femmes et développement, le Courrier, Bulletin n° 146, juillet-août 1994.

réparations. De façon générale, on oublie souvent que la nécessité d’économiser du travail doit être considérée conjointement au besoin d’énergie bon marché, et que placer la population locale dans une structure de dépendance qui requiert de constantes dépenses pour l’achat de ressources hors du village constitue du contre développement. Quelle place vont prendre les femmes de la région de Tillabéry dans ce milieu rural ? Arriveront-t-elles à dépasser les coutumes qui les obligent trop souvent à se taire et à travailler toujours davantage pour gagner de moins en moins ? Qui les aideront pour que leur vie quotidienne s’améliore ? Comment vivent-elles aujourd’hui ?

Il faut noter que dans la région de Tillabéry, l’équipement agricole se réduit traditionnellement à peu de choses : houes, haches, machettes; les semences sont mises de côté lors de la précédente récolte; la fumure n’est pratiquée que sur les champs les plus proches de la case d’habitation qui reçoivent les déchets familiaux et les déjections des animaux domestiques.

La grande innovation en matière d’équipement, ces trente dernières années, a été l’introduction de la culture attelée : charrues et «multiculteurs» avec traction bovine ou asine, et l’introduction de nouveaux moyens de transport : charrettes. Bien que la culture attelée ne soit encore pratiquée que par une minorité (surtout les hommes), elle est connue de tous. Une autre importante innovation est l’utilisation des engrais chimiques et des produits phytosanitaires. Ces innovations créent dans les villages de nouvelles différenciations, de nouvelles tensions.

Les nouveaux équipements vont de paire avec de nouvelles façons culturales : préparation des sols, semis en ligne, assolement, rotation des cultures, fumure plus intense, entretien (buttages, billonnages, sarclages). Le sarclage mécanique suppose les semis en ligne;

l’enfouissement de l’engrais vert suppose la charrue. Mais tout n’est pas évident en ces matières. Les paysans n’acceptent pas toujours ces nouvelles méthodes.