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ORGANISATION FONCIERE ET ACTIVITES AGRO- AGRO-PASTORALES

Chapitre 4 : LES CONDITIONS D’ACCES A LA PROPRIETE FONCIERE EN MILIEU RURAL AU NIGER

I. L’ACCESSIBILITE A LA TERRE DANS L’ORGANISATION COMMUNAUTAIRE TRADITIONNELLE

1.5 Le gage «Tolmé» :

1.6.4 La propriété privée individuelle du sol et contrat

Définition : La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue. Pourvu que l’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements (code civil 1804, art.544.). Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité (art.545). La propriété d’une chose, soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur tout ce qui s’y unit accessoirement… (Par) droit d’accession (art.546).

Commentaire : La propriété privée individuelle du sol entre dans cette définition du Code Civil. Tout qualificatif adjoint à la notion propriété foncière» et les règlements afférents vont viser à élargir ou restreinte l’étendue de l’accession. La conception occidentale de la propriété est héritée de la tradition judéo-chrétienne où la propriété est un acquis personnel, individuel,

105 MOPE SIMO J.A. Gender, Agro-pastoral Production and Class Formation in North Western Cameroon, Thèse Ph.D, Norwich, Uni. Of East Anglia, 1992.

106 MAFEJE A.B.M. Where the Theory Doesn't Fit: Attempting to Impose Privatization on sub-saharan Africa only Confuses the Real Questions of Agrarian Reform, Ceres, n°139, janvier-février, 1993.

pour faire commerce et bénéfice (Bible dans Genèse, 34:10). La définition des codes civils est liée à la théorie du contrat : entre le propriétaire et l’exploitant ou usager le rapport foncier est soumis à un contrat qui définit les droits et obligations de chacun ainsi que les modalités de jouissance.

La propriété privée patrimoniale du sol et tenure. Définition: Fondée à l’origine par la première occupation ou exploitation, la propriété privée patrimoine du sol, est dans la conception nigérienne de la propriété, le droit de jouissance et de disposition d’une terre appartenant à un groupe social (groupe de parenté, famille lignage, clan). Ce patrimoine est l’objet de droit exclusif de propriété qui autorise l’accession aux ayants droit issus de ce seul groupe selon un principe lignager de transmission de ce droit, ce qui écarte tous les autres clans et tout autre individu au sein du même clan.

Commentaire : Le droit foncier lignager comporte restrictions (héritage, succession) et ouverture (tenure, usage individuel/collectif). A part le principe lignager qui fixe la règle collective (patrimoine, usage collectif), le groupe tenancier pose les règles internes d’usufruit , ce qui ne met pas en cause le droit lignager initial de propriété d’où des droits superposés mais non confondus. Au lieu du contrat en situation de propriété privée individuelle, la tenure est le faire valoir privilégié par les détenteurs de la propriété patrimoniale, avec trois (3) particularités :

- Le tenancier peut être un des ayants droit, un individu ou un groupe familial quelconque;

- Le rapport foncier, précaire, est arbitrairement révocable;

- Le rapport foncier exclu tout investissement de caractère durable ou qui s’incorpore au sol.

En effet, au Niger, en milieu rural, partout où l’appropriation privée de la terre n’est pas introduite, le sol appartient à un « loose-group » parental. Dans ce cas, la succession détermine les héritiers prioritaires ou exclusifs à l’accès au sol. Parmi eux est coopté un

« Chef de Terre » chargé d’attribuer les tenures. La tenure est un ensemble de droits, obligations et rapports qui s’exercent sur une parcelle de terre attribuée, pour exploitation, à titre précaire et révocable. Au sein du « loose-group » foncier, les membres héritiers en tant que propriétaires virtuels, jouissent de la tenure directe. Cette forme de tenure donne au membre héritier l’illusion d’être propriétaire alors qu’il demeure usager. Quant aux non héritiers, ils jouiront de la tenure indirecte qui peut être concédée par le « Chef de Terre » ou

un tenancier direct. Les autres bénéficieront d’une forme de tenure qu’on nommera, faute de mieux, la tenure contractuelle. Cette forme de tenure, historiquement assez récente, est soumise à un bail (location, gage). La confusion entourant le problème foncier au Niger vient de ces spécificités du régime foncier patrimonial et des rapports économiques afférents très différents de ceux de la propriété privée. Partout au Niger, à l’origine de l’implantation du terroir se trouve la première occupation de l’espace villageois par un groupe de parenté (famille, lignage). Ceci explique la place large que nous accordons aux faits socio anthropologiques relatifs aux modes d’occupation de l’espace et du sol.

En effet, à l’origine, et aujourd’hui encore en général, le sol d’un terroir est toujours la propriété privée d’un groupe parental identifié.

Enfin, le problème posé, aujourd’hui à qui appartient la terre ? Qui en sont propriétaires ? Qui en sont exploitants ? Quelles en sont les conditions de mise en valeur ?

Tout le problème de l’essor agricole des terroirs nigériens se ramène à ces questions entourant les conditions de mise en valeur du sol et d’investissements durables à l’effet de rentabiliser l’activité agricole. La démonstration que les conditions de la mise en valeur constituent un frein ou un facteur de bonification des patrimoines fonciers, ouvre la porte à des actions susceptibles de modifier les comportements économiques des paysans et des familles propriétaires du sol. Le concept de mode de production patrimonial doit occuper une place importante dans l’étude de l’économie agraire nigérienne parce qu’il permet de situer la spécificité du régime foncier local d’un terroir, ainsi que la place et le rôle qu’il joue dans l’organisation sociale et agricole.

En conclusion, le régime des terres dans la région de Tillabéry est fondé sur la propriété familiale. La question foncière ne se pose pas en termes de manque de terres mais en termes d’insuffisance de terres dans certains cantons comme celui de Lamordé du fait de la pression démographique et de l’usure des terres.

Si les jachères ont disparu dans les terres proches de certains villages, sur les terres lointaines sa durée a été réduite de 7 à 10 ans par le passé à 4-5 ans actuellement.

La disparition des jachères sur les terres proches des villages ne s’explique pas seulement par une mise en valeur permanente du fait de la pression démographique.

Cette enquête a permis d’identifier les concessions détentrices de terres dans chaque village. L’enquête a permis également de connaître des concessions qui ont prêté ou emprunté des terres, et d’apprécier la capacité de travail de chaque groupe familial. Il est ainsi apparu que certaines concessions ont beaucoup de terre et peu de bras, situation créée par le mode d’appropriation originelle des terres et par le jeu des héritages. Comme le cas du chef du village de N’dounga, dont ses ancêtres sont les fondateurs du village. Par contre, certaines familles ont une main-d’œuvre abondante avec peu ou pas de terre. Une telle situation aboutit à cette conséquence paradoxale : il est fréquent de constater que certains villages sont des foyers d’émigration par suite du manque de champs de culture, tandis que dans ces mêmes villages des zones inondables restent en friche ou sont reconquises par la mangrove parce que leurs propriétaires manquent de bras ou parce que la famille dont elles relèvent est dispersée.

Les solutions qu’offre la réforme foncière sont, d’une part, la consolidation du droit d’usage des occupants exploitants et, d’autre part, la possibilité donnée au conseil rural d’installer des habitants et de leur affecter des terres dans le cadre de la communauté rurale. Nous savons que le prêt de terre dans le bassin de N’dounga est à titre absolument gratuit. Mais les inconvénients du prêt de champs existent : il est à titre précaire et révocable; l’emprunteur n’a pas intérêt à procéder à une amélioration foncière parce que, souvent, la durée du prêt est très limitée et il n’est pas sûr de cultiver chaque année la même parcelle (57% des détenteurs prêtent pour un an renouvelable). La population autochtone n’admet pas, en principe, que les étrangers accèdent à la maîtrise foncière (ou droit d’usage permanent). Notre enquête a montré que 78% des détenteurs préfèrent prêter leurs champs à un parent auquel ils font confiance. Cependant, nous avons constaté que 35% des litiges fonciers ont eu pour cause des disputes à propos des prêts de champs. Néanmoins, en cas de dispute à propos de la terre, le conseil prend en charge la gestion des terres en cause, lorsque les deux protagonistes en ont suffisamment. Mais cette pratique, malgré ses imperfections, s’inscrit dans le contexte des relations sociales. Elle joue un rôle de régulation au niveau de la communauté et de palliatif en faveur des paysans qui ont peu ou pas de terre.

II L’ORGANISATION FONCIERE DES SONGHAY DU FLEUVE