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Chapitre 3 Les fosses d’aisances

3.1 Les fosses d’aisances fixes sans séparation

3.1.2 Les fosses avec tuyau de chute et ventilation

Plus élaborée, la fosse à deux orifices dispose d’un tuyau de chute et d’une ouverture pour permettre la vidange. Pour prévenir le risque de chute dans la fosse et empêcher la diffusion des mauvaises odeurs, située en berceau ou en plein ceintre, la pierre

d’extraction, également nommée tampon ou clef, se place sur la voûte262.

260 A. WAZON, Génie sanitaire. Principes techniques d'assainissement des villes et habitations suivis en

Angleterre, en France, en Allemagne, dans les Etats-Unis et présentés sous forme d'études sur l'assainissement de Paris ; Paris : Baudry, 1884, 364 p., p. 157

261 Jean-Pierre AGUERRE, Scatophobie des villes, scatophilie des champs. Gestion et utilisation des

fèces à Lyon à la fin du 19e s., Ruralia, 12/13, 2003

Pour la connexion entre la fosse et l’interface usager, diverses configurations sont possibles, avec des conduites d’un seul tenant, des canalisations métalliques, en terre cuite ou en céramique, des segments à collerette emboitables, voire des creusements tubulaires verticaux dans la pierre. Si elle éloigne un peu plus les déjections, la fosse alimentée par un tuyau de chute pose des problèmes nouveaux. Témoins du mauvais état des fosses lyonnaises en 1846, le binôme de médecins Monfalcon et de Polinière263, observe que les travaux sont souvent réalisés au rabais par souci de

rentabilité des propriétaires, ce qui conduit à

des tuyaux de chute en mauvaise poterie qui se brisent souvent alors que ceux de fonte sont infiniment préférables [car il] durent beaucoup plus longtemps…

[mais] coûtent un peu plus264.

Troisième orifice des fosses d’aisances imposé par l’ordonnance royale du 24 septembre 1819, la cheminée d’évent relié à la toiture permet l’évacuation à l’atmosphère des exhalaisons putrides. Différentes dispositions de fosses d’aisances sont présentées dans la Figure 56

sans ventilation

(XVIIIe s.) avec ventilation (XIXe s.) avec ventilation (XIXe s.) Figure 56 - fosses fixes branchées avec 2 ou 3 orifices

Fin du XIXe s., la configuration la plus fréquente des fosses est décrite par Brouardel, doyen de la Faculté de médecine de Paris, membre de l'Académie de médecine et de l'Académie des sciences

d'une capacité variable, à la partie supérieure de ce cube se trouvent trois ouvertures, l'une donne passage au tuyau de chute par lequel les matières tombent dans la fosse, à la seconde est adapté le tuyau d'évent, destiné à conduire les gaz jusqu'au faîte de la maison, la troisième ouverture enfin, fermée par une dalle, sert aux opérations de vidange.

263 Jean-Baptiste MONFALCON, Eloge du docteur Baron De Polinière lu à l'Académie de Lyon dans la

séance publique du 31 mars 1857, 1857 – 30. p.

Le tuyau d'évent a été imposé par la préfecture de police, il empêche les gaz de refluer dans l'appartement265.

Cas particulier illustré par le Figure 57, certaines fosses peuvent fonctionner sans être vidangées grâce à un raccordement à un puits d’infiltration

Figure 57 – fosse non ventilée sur puits perdu à Nancy (1886)266

Améliorations destinées à pallier l’insuffisance de la ventilation naturelle dans les fosses fixes, des systèmes d’occlusion des tuyaux de chute apparaissent sur le marché vers la moitié du XIXe s., mais disparaissent progressivement avec le développement du tout-à-l’égout et du siphon couplé à la chasse d’eau.

Exemple d’innovation, la Figure 58 présente la cuvette d’aisance hydraulique,

hermétique et inodore Havard ou garde-robe à bascule, brevetée en 1827 (avec trois

révisions jusqu’en 1841).

Constituée par un corps en fonte doté d’un mécanisme de tirage avec trappe, ce système est recommandé en 1840 par Charles Gourlier, Professeur à l'École des beaux-arts et à l'École des arts et manufacture, et adopté par l’assistance publique et les hospices de Paris267.

265 Paul BROUARDEL, Les asphyxies par les gaz, les vapeurs et les anesthésiques, Cours de médecine

légale de la Faculté de médecine de Paris, Éditeur J.-B. Baillière et fils, 1896, 448 pp, p.127

266 Émile Léon POINCARE, Traité d'hygiène industrielle, à l'usage des médecins et des membres des

conseils d'hygiène, 1886, 640 pp., p. 11

Figure 58 - appareil inodore pour les sièges d'aisance Havard (1827)

Sur le principe du contre-poids pour prévenir le passage des gaz nauséabonds, une autre invention, illustrée par la Figure 59, est développée en 1853 par les industriels Rogier et Mothes. Un récipient de forme conique, obturé par une valve basculant autour d'un pivot, s’actionne lors de la chute des matières après traversée de la

voute de la fosse268. Appuyée par les avis positifs de l’Académie nationale agricole,

manufacturière et commerciale, de la Société pour l’Encouragement National et de la Société Centrale des Architectes, une manufacture d'appareils sanitaires est créée au 20 de la Cité Trévise, à Paris.

Figure 59 - appareil inodore pour les sièges d'aisance Rogier Mothes (1853)

268 Le brevet de 1850, objet de 6 additions, vise des obturateurs à contre-poids, appareils destinés à

fermer les tuyaux de descente à leur embouchure dans les fosses d'aisances, et empêcher ainsi les émanations de se répandre dans les maisons (http://bases-brevets19e.inpi.fr)

L’activité se développe rapidement et de nombreuses publicités sont déployées,

comme en particulier en 1869 à Lyon269

Figure 60 – publicité lyonnaise pour l’appareil Rogier Mothes (1859)

Confirmation de l’évolution de la sensibilité de la société aux odeurs nauséabondes, de nombreux autres équipements d’occlusion du tuyau de chute adaptables aux fosses fixes apparaissent sur le marché, avec les modèles Gaudinat, Guinier, Leguay, Valdon, Pion, ou Cazabon, dont certains se distinguent dans les prix décernés lors de

l’Exposition Universelle de 1855270. En Grande Bretagne, le phénomène est analogue

avec les valve-closets brevetés par divers inventeurs comme Underhay, Lambelh, Hellyer ou Bolding. Mais l’étanchéité de ces systèmes n’est pas satisfaisante, et seule l’abondance d’eau dans la cuvette empêche la remontée des gaz, comme le note l’ingénieur des ponts et médecin Edouard Imbeaux au début du XXe s.

inutile de dire qu'on n'a eu une grande amélioration que lorsqu'on a pu adapter un siphon en dessous de ces appareils (type Jennings et tous ses dérivés) et admettre les effets d'eau (water-closets)271.

269 Signe d’une gestion efficace et d’une grande adaptabilité, la société est toujours en activité, avec

une spécialisation en salles de bain : http://www.rogier-mothes.es/collections

270 Paul BROUARDEL, André CHANTEMESSE, Ernest MOSNY, Albert CALMETTE, Henri POTTEVIN et

Edouard IMBEAUX, Traité d'hygiène, vol XV, Ed. Baillière Paris, 1911, pp 232-233