• Aucun résultat trouvé

3.2 Les données écrites

3.2.2 Le salon IRC

3.2.2.2 Les différents supports d’échange entre joueurs . 99

Les joueurs disposent de plusieurs supports pour dialoguer, synchrones, asyn-chrones, publics ou privés. Ils peuvent utiliser un système nommé « kramail » qui fonctionne comme une boîte mails classique, il s’agit ici d’échanges privés et asynchrones. Il existe également un forum qui se subdivise en deux grandes catégories, l’une regroupe les discussions des internautes en tant que personnages du jeu sous la rubrique « RP » (Role Play) pour établir des stratégies, ima-giner des complots pour progresser dans le jeu. L’autre catégorie regroupe les discussions des internautes en tant que tels sous la rubrique « HRP » (Hors Role Play). Il s’agit dans les deux cas d’une communication asynchrone mais publique. Le dernier canal utilisé par les joueurs est le salon IRC (Internet Relay Chat) sur lequel les joueurs entretiennent des discussions en temps réel. Il s’agit donc

de conversations synchrones134 et privées (même au sein d’une communication

multi-joueurs). Tout comme pour le forum, les joueurs ont la possibilité de discu-ter en tant que personnage (RP) ou en tant qu’indiscu-ternaute (HRP). Le salon IRC peut donc aussi être un lieu d’échange dans lequel les joueurs sont parfois amenés à avoir des conversations plus personnelles.

Dans le cadre de notre travail, nous avons analysé 246 conversations instanta-nées échangées sur le chat du salon IRC. Ces conversations ont toutes un locuteur en commun, notre informateur. Ces échanges mettent en scène 28 interlocuteurs différents avec lesquels notre informateur n’entretient pas les mêmes relations.

Nous avons établi une classification des données en trois catégories : Amitié

réelle, amitié virtuelle, joueurs135.

134. Le caractère « synchrone » des conversations instantanées a été discuté. J. Meredith & E. Stokoe (2014) notamment, qui travaillent sur des conversations instantanées Facebook et des interactions orales pour étudier les phénomènes de « correction » et de « réparation », considèrent les conversations dans les salons de chat comme « quasi-synchrones ». Pour elles, la production et la transmission du message ne sont pas simultanées : « chatroom interaction is quasi-synchronous and, as such, is more similar to spoken conversation because turns are taken more immediately and frequently. However, it is not ‘synchronous’ because the message production and transmission are separate ». D. Crystal (2004), même s’il n’emploie pas le terme

dequasi-synchrone,abonde en ce sens en soulignant que le message ne parvient au récipiendaire

qu’une fois qu’il est envoyé : « When we send a message to someone, we type it a keystroke at time, but it does not arrive on that’s person’s screen a keystroke at a time. [...] The message does not leave our computer until we ’send it’, and that means the whole of a message is transmitted at once, and arrives on the recipient’s screen at once ». L’argument avancé est pertinent et nous partageons ce point de vue. Nous adopterons cette terminologie pour la suite de notre travail en considérant les conversations instantanées commequasi-synchrones.

Figure 3.2.4 – Répartition des conversations IRC en fonction de la relation entre les interactants

Figure 3.2.5 – Répartitions des joueurs dans chaque catégorie

Le premier graphique représente la répartition des conversations en fonction de la relation entre les interactants, et le second représente la répartition des joueurs dans chaque catégorie établie. Même si nous pourrions nous attendre à ce que ces deux graphiques concordent, à ce que le nombre de conversations soit proportionnel au nombre d’interactants pour chaque catégorie, il n’en est rien.

Cependant, il n’est pas surprenant d’observer une telle disparité dans cette ré-partition, notamment entre les conversations relevant d’une amitié réelle et celles entre joueurs. En effet, ces données ont toutes en commun un seul et même inter-actant. Il est logique qu’il ait entretenu davantage de discussions (plus variées et plus nombreuses) avec ses amis. Ces conversations s’inscrivent dans une certaine « permanence » et se répètent alors que les conversations entre joueurs peuvent avoir un certain caractère ponctuel comme en témoigne le graphique suivant qui fait le point sur la répartition des conversations entretenues avec chaque joueur :

Figure 3.2.6 – Répartition des conversations IRC par joueur

Ce graphique illustre bien nos propos précédents : les interactants entretenant

une amitié réelle136 ont davantage de discussions « suivies » alors que les

interac-tants n’entretenant qu’une relation de joueurs137 ont souvent des conversations

uniques ou du moins peu nombreuses.

Le graphique suivant indique le pourcentage de conversations IRC contenant du discours direct :

Figure 3.2.7 – Pourcentage des conversations IRC contenant du discours direct Nous chercherons ainsi à déterminer par la suite ce qui sous-tend cette ré-partition en nous demandant ce qui favorise ou restreint l’emploi du DD dans cette situation de conversations instantanées : la relation entre les interactants ou encore les thématiques abordées ?

136. Représentés en bleu sur le graphique. 137. Représentés en rouge sur le graphique.

3.2.3 Le site Vie de Merde

Pourquoi s’intéresser à ce site ? Tout simplement parce qu’il regorge de dis-cours direct, nous avons en effet pu relever de nombreuses occurrences au fil des anecdotes. L’intégration des anecdotes VDM dans notre corpus n’était pas initia-lement prévue. Nous avons découvert ce site un peu par hasard par le biais d’une application sur notre téléphone et nous avons commencé à consulter régulière-ment les anecdotes postées. Il est vite apparu que le discours rapporté (et plus précisément le discours direct) était un véritable support de la mise en scène de l’anecdote.

Sur les 45 pages consultées comprenant en moyenne 13 VDM (soit environ 585 anedotes), 177 d’entre elles contenaient du discours direct soit environ 33% des VDM, pourcentage non négligeable.

Figure 3.2.8 – Pourcentage de discours direct dans les anecdotes VDM

Le site Vie de Merde (VDM), créé en 2008, permet à des internautes de

soumettre des mésaventures quotidiennes à travers des anecdotes comportant quelques phrases. Les « VDM » respectent un schéma précis et identique : 1) 300 caractères maximum 2) débutent par « aujourd’hui » et 3) se terminent par « VDM », les initiales du site. Chaque post ainsi mis en ligne peut être évalué et/ou commenté par les autres internautes. L’évaluation comporte deux volets : « je valide, c’est une VDM » lorsque l’internaute estime que l’anecdote racontée est légitime ou « tu l’as bien mérité » lorsque l’internaute estime que l’auteur de la « VDM » a cherché ce qui lui arrive. Le site se veut amusant et drôle et sélectionne les « VDM » mises en ligne.

Figure 3.2.9 – Capture d’écran d’une anecdote VDM

Comme pour le DR (voir chapitre 1), nous ne nous interrogerons aucunement sur la véracité des anecdotes présentées. L’important est la façon dont, tout d’abord, les anecdotes sont mises en scène pour amuser le lectorat et la façon ensuite dont le DD est utilisé pour les présenter, et non de savoir si les propos rapportés sont réels ou imaginaires. Il est donc avant tout question de s’intéresser

à la structure linguistique du DD dans ce contexte particulier138.