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4.2 Discours direct et situation de communication

4.2.2 L’effet de la situation de communication à un niveau « glo-

Nous pouvons nous interroger sur les relations entre la situation de

commu-nication et le discours à un niveau que nous dirons global185. Quelles

théma-184. Nous renvoyons au chapitre 3 relatif à la présentation de notre corpus et à la classification de nos données sur le continuum proximité/distance.

185. Selon la tradition initiée par les réflexions sur la globalisation, « global » s’entend ici en opposition à « local » et signifie que nous ne nous intéressons pas à des faits syntaxiques mais aux faits qui surplombent la production d’un énoncé, le contexte ou la thématique. Ce qui relève finalement de l’extralinguistique.

tiques sont abordées au cours de l’interaction ? Dans quelle mesure ont-elles une influence dans le cas qui nous intéresse, sur le discours rapporté ? P. Koch et W. Œsterreicher (2001) considèrent la thématique (et plus précisément le fait qu’elle soit déterminée ou non) comme l’un des paramètres caractérisant « le comportement communicatif » des interlocuteurs. C’est aussi ce que considère C. Kerbrat-Orecchioni (2005) :

« Dans une situation communicative donnée, certains thèmes sont appropriés, d’autres ne le sont pas – pour des raisons qui peuvent tenir à différents facteurs, [. . . ]. Même si le paradigme des « mention-nables » est plus ou moins ouvert selon les cas, on ne parle jamais de "n’importe quoi" » (p. 129).

Que les thématiques soient fixées ou non, plus ou moins ouvertes, cela donne des indications sur le « type » de situation de communication dans laquelle on se situe et sur le rôle social ou institutionnel rempli par les interactants. Elle sera fixée

par exemple dans un débat, un entretien186, une interview, un exposé, un devoir

d’étudiants. . . elle sera en revanche libre dans des conversations ordinaires « non conditionnées ». Partant de ce constat, nous devrions observer des thématiques plus variées et plus nombreuses dans les situations de proximité (puisqu’elles sont moins contraintes) que dans les situations de distance communicative. Qu’en est-il

dans notre corpus187?

Les discussions instantanées IRC confirment et illustrent parfaitement cette hypothèse :

186. Nous pouvons souligner ici que le thème sera plus ou moins fixé dans le cadre d’entretiens, en particulier selon le type d’enquêtes et selon le degré de proximité entre les protagonistes.

187. Nos observations ne sont pas générales au sens où elles ne concernent que les occurrences de discours direct. Nous n’avons pas relevé tous les thèmes abordés dans l’ensemble des interactions mais seulement ceux abordés lorsque le discours direct est convoqué par un locuteur.

Nos remarques ne porteront que sur nos données orales et les conversations instantanées. Il ne nous semble pas pertinent ici d’aborder les forums qui sont en eux-mêmes contraints (du moins pour les sites spécialisés dans un domaine) par leur thématique (Turbo=automobile/Plus belle la vie=la série/Legavox=le droit. . . ). Nous ne disons pas qu’il est impossible de trouver d’autres thèmes au sein de ces forums, nous disons simplement qu’ils sont plus orientés.

Figure 4.2.1 – Thématiques abordées dans la catégorie amitié réelle

Figure 4.2.2 – Thématiques abordées dans la catégorie amitié virtuelle

Ces trois graphiques montrent qu’en fonction de la relation entre les interac-tants, les thèmes abordés sont limités. Ainsi, lors de discussions entre joueurs, il est principalement question du jeu en ligne et occasionnellement du travail, alors que dans les discussions entre amis (réels), les thèmes abordés sont plus variés (même si le jeu occupe une part importante des échanges puisque c’est dans ce cadre qu’ils ont lieu). Si l’on s’intéresse à présent à notre corpus oral, nous ob-servons à peu près la même tendance (l’écart entre les entretiens traditionnels et les entretiens de proximité est plus important) :

Entretiens traditionnels Entretiens de proximité Données écologiques

4,6 8,8 9

Table 4.2 – Moyennes du nombre de thèmes abordés dans le corpus oral

Si ces résultats188 n’apparaissent pas très probants notamment entre les

entre-tiens de proximité et les enregistrements écologiques (ce qui confirme l’intérêt de ce type d’entretiens), nous observons une différence significative pour le nombre total de thèmes différents abordés en fonction de la situation de communication :

Entretiens traditionnels Entretiens de proximité Données écologiques

22 36 48

Table 4.3 – Nombre de thèmes abordés dans le corpus oral

Nous pouvons ainsi constater qu’il y a une plus grande liberté thématique dans

les données écologiques189 que dans les entretiens qui restent, quoi que l’on fasse,

contraints par un « scénario » ou un « script », même si celui-ci n’est pas préconçu. Pour appuyer cette remarque, il est intéressant de s’attarder sur les thématiques abordées en fonction des enquêteurs menant les entretiens, ce qui conduit à rendre compte de l’influence que celui-ci exerce au moment de l’entretien, mais également (par voie de conséquence) sur les données récoltées. Nous mettrons en parallèle

188. La moyenne a été obtenue en additionnant tous les thèmes abordés dans chaque enquête (même si certains thèmes sont récurrents) puis en divisant par le nombre d’enquêtes qui com-posent chaque type de situations.

189. Cependant, il peut aussi arriver dans le cadre de données écologiques que les thématiques abordées ne soient pas diversifiées. Une fois encore, tout dépend du contexte. Nous pensons notamment à un enregistrement réalisé par une enquêtrice avec des collègues de travail dans lequel 95% (environ) des occurrences de DD sont en lien avec le collège dans lequel ils sont assistants d’éducation (puisque celui-ci est le point commun qui les lie). Ils font référence à des propos d’autres collègues et aux événements du collège. L’enquêtrice a réalisé une série de quatre enregistrements avec plusieurs collègues (en partie différents) et la même tendance est observée. Dans chacun d’entre eux, la thématique « travail » est très fortement dominante voire omniprésente.

deux enquêteurs, nous-même, et Wajih pour lesquels nous disposons de plusieurs enregistrements, les uns ont été classés comme « entretiens traditionnels », les autres comme « entretiens de proximité » :

Figure 4.2.4 – Thématiques abordées dans les entretiens d’Anaïs

Nous voyons bien avec ce graphique que les thèmes récurrents dans nos trois en-registrements sont le langage, le collège et l’internat, parce que nous avons orienté les entretiens dans ce sens. Le collège était le lien entre nous et les informatrices, l’internat représentait leur quotidien et ce qui faisait le lien entre elles (puisque c’est dans ce cadre qu’elles se sont rencontrées), le langage était l’objet de

l’en-tretien190. Nous avons également abordé dans ces trois entretiens la thématique

plus générale des jeunes mais il n’y a que dans l’entretien Anaïs 1 que des occur-rences de DD ont été employées dans ce cadre. Une dernière remarque concernant la thématique que l’on a appelé « arts », elle est en fait majoritairement liée à l’internat puisqu’il est question des opportunités offertes par l’établissement de découvrir le théâtre, l’opéra. . .

190. Nous rappelons que l’entretien n’a pas été présenté comme s’intéressant uniquement au langage (voir chapitre 3).

Figure 4.2.5 – Thématiques abordées dans les entretiens de Wajih

Dans les enquêtes de Wajih, nous voyons que les thématiques191 abordées sont

d’une part plus nombreuses et d’autre part que l’orientation donnée par l’enquê-teur n’est pas la même. Le langage, en tant que tel, n’est que secondaire. L’en-quêteur aborde les préoccupations quotidiennes des informateurs qui tournent de manière générale autour de leur identité (sentiment d’appartenance à leur pays d’héritage), de leur quartier, de leur scolarité ou de leur travail quand ceux-ci ont terminé leurs études. Un thème est récurrent et présent dans l’ensemble des enquêtes de Wajih, ce sont les confrontations avec la police ou des contrôleurs

(de manière plus générale avec des personnes représentant une autorité, la loi192).

Ces altercations apparaissent souvent liées à un sentiment d’injustice et/ou au racisme.

Toutes ces remarques amènent à se demander s’il y a des thèmes plus propices qui motivent ou au contraire contraignent l’apparition du discours rapporté et à

s’interroger sur les contextes193 (ou plutôt cotexte) dans lesquels apparaissent le

discours rapporté.

Si nous nous intéressons à présent aux thèmes les plus fréquemment abordés en fonction des situations de communication orales, nous pouvons faire plusieurs observations. Le graphique ci-dessous illustre quelques-unes des thématiques les

191. Nous n’avons indiqué dans le graphique que les thématiques récurrentes et les plus pré-sentes.

192. Pour souligner ce propos et montrer que cette question d’autorité paraît importante dans ces enquêtes, nous citerons simplement les paroles de Walid : « Nous on s’entend pas avec l’autorité <c’est pour ça> » (MPF, Wajih4), qui illustrent bien cette « préoccupation ».

plus représentées dans notre corpus :

Figure 4.2.6 – Thématiques les plus représentées dans le corpus oral La première remarque que nous pouvons faire appuie l’idée que les entretiens

sont orientés194. La tendance générale confirme ce que nous avons observé dans

les entretiens que nous avons détaillés précédemment. Les thèmes les plus repré-sentés sont le langage, la scolarité, l’identité, la police/justice et le travail pour les entretiens de proximité, le langage, les jeunes, le travail pour les entretiens traditionnels.

Nous observons également que certaines des thématiques abordées en entretiens ne le sont pas du tout dans les données écologiques et inversement. En particulier, les « récits rapportés » concernant des disputes ou des relations amoureuses ne sont présents que dans les données écologiques, ce qui reflète de la proximité entre les interactants et de leur degré de connaissance mutuelle. Ce sont des sujets semble-t-il personnels que l’on ne peut pas aborder dans tout type de situation de communication.