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PARTIE 3 : CONTEXTE ET METHODES

6.1 Un contexte socio-historique singulier

6.1.2 Les différents acteurs et leurs relations

6.1.2.1 Le public…

A l’Institut de Touraine, les nationalités représentées durant l’entre-deux guerres étaient

d’abord majoritairement européennes (en y incluant les États-Unis). Elles se diversifient

durant la seconde moitié du vingtième siècle avec la plupart des continents représentés.

Aujourd’hui, le public européen est minoritaire, tout comme celui venu d’Afrique, ce sont

surtout les pays d’Asie, du Moyen-Orient et des Amériques qui sont majoritairement

représentés, reflétant le développement économique et la montée en puissance des pays

concernés, à l’exception notable de l’Inde, peut-être plus attirée par le monde anglo-saxon.

Les chiffres de fréquentation annuels sont difficiles à considérer tant les durées de séjours

sont variables. Si l'Institut dénombre environ deux mille étudiants s'inscrivant chaque année,

cela regroupe des personnes venues pour des séjours très courts et d'autres plus longs, ainsi

que pour des projets et des enjeux de formation très divers. Il est cependant possible de

distinguer entre deux profils types : les étudiants qui viennent pour un long séjour (un

semestre, voire une année universitaire) souvent en vue d’un projet d’étude en France

(université ou école professionnelle) ou de poste professionnel attendu, et ceux qui viennent

pour un séjour bref (de quelques semaines à deux mois l’été) dans le cadre d’un simple

renforcement linguistique à moindre enjeu académique ou professionnel. Durant les cinquante

dernières années, une croissance globale de la fréquentation s’observe jusque dans les années

quatre-vingt-dix. Depuis les années deux-mille, un tassement, puis une reprise et enfin une

décrue régulière s’observe ces dernières années (de 2015 à 2018, celles de la recherche). Ces

soubresauts ont conduit à une crise financière au milieu des années deux mille avec pour

conséquence la réduction des effectifs d’enseignants ainsi qu’une politique de gestion que

l’on pourrait qualifier d’austéritaire.

6.1.2.2 …et l’organisation des cours

Le public accueilli dans ce centre de langue est caractérisé par sa diversité. Diversité des

origines géographiques, nous l’avons dit, diversité des cultures d’enseignement-apprentissage,

diversité des âges, des projets et donc des besoins, des rapports à la langue cible et aux aspects

culturels de son appropriation. Cette caractéristique « diversitaire » constitue, selon nous, un

élément salutaire de complexité, pouvant contribuer, dans certaines conditions que nous

tenterons de définir, à limiter les tendances homogénéisatrices de toute organisation de

formation institutionnalisées, issues d’une longue histoire. Ces tendances, bien présentes à

l’Institut, amènent ainsi à regrouper les étudiants selon leur niveau linguistique tel qu’il peut

être évalué avant et lors de leur arrivée. Un test en ligne permet de positionner les étudiants

sur les échelles de compétences du cadre européen commun de référence aux langues

(CECRL) pour les compétences écrites (compréhension et production) et pour la compétence

de compréhension orale. Seule la production orale et d’éventuelles vérifications de la maîtrise

des structures écrites de la langue font l’objet d’un test à l’arrivée de l’étudiant en vue de son

placement dans un cours dont on espère qu’il correspondra bien à son niveau. Enfin, les

contenus pédagogiques font l’objet d’une délimitation au moyen d’un « référentiel maison ».

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Celui-ci décline les critères du CECRL en matière de compétences attendues à chaque niveau

en les adaptant au contexte d'apprentissage en immersion de l’Institut et il propose, en lien

avec celles-ci, des types d’activités et d’évaluation.

Un manuel commun est en outre proposé à tous les enseignants et étudiants bien que la liberté

de son utilisation soit laissée à l’appréciation de l’enseignant. Certains le suivent de façon

assez méthodique, d’autres en alternant avec des documents personnels, et enfin certains,

rares, et intervenant plutôt sur des niveaux avancés, le mettent totalement de côté. L’autre

facteur potentiel d’uniformisation, au-delà des programmes et des outils, est constitué par le

mode d’évaluation. Selon un calendrier des cours organisé mensuellement, un « bulletin »

final, de format scolaire, réunit une série d’évaluations, continues ou finales, dans les quatre

compétences du CECRL. Les appréciations portées par les deux enseignants responsables

d'un même groupe-classe, concernent l’investissement et la participation de l’étudiant durant

les cours et les ateliers suivis.

Les cours sont globalement organisés ainsi : deux enseignants interviennent alternativement

chaque jour auprès d’un même groupe-classe, l’un étant désigné comme référent (il est

responsable du suivi et des évaluations des étudiants de ce groupe auprès du Service études

qui examine par exemple les demandes de passage dans un niveau supérieur). Si les deux

enseignants sont censés équilibrer les activités liées aux acquisitions de compétences orales

avec celles qui concernent davantage l’écrit, dans les faits, l’un, intervenant sur les temps

spécifiquement dédiés à la phonétique, est peut-être davantage enclin à intervenir sur les

compétences orales tandis que l’autre se focalise davantage sur les compétences écrites. Les

étudiants ont le choix entre une formule de cours hebdomadaire à quinze heures (cinq

matinées de trois heures) et une formule intensive à vingt et une heure qui ajoute aux matinées

communes à tous trois heures de modules complémentaires (renforcement ou ateliers).

6.1.2.3 Crise et statuts professionnels différents

Depuis une vingtaine d’années, l’IEFT n’est plus l’unique centre de langue à Tours. Une

situation plus concurentielle s’est ouverte avec le développement d’un centre de langue au

sein de l’université (Cuefee) et l’installation de deux autres centres privés. Cette situation a pu

contribuer à mettre en crise la structure. La période critique, intervenue il y a pourtant plus de

dix ans, semble avoir marqué les esprits, installant des craintes et des tensions entre les

différents corps de métier (essentiellement celui des enseignants, le seul touché tout d'abord

par les licenciements, et celui des administratifs, atteint plus récemment). C’est ainsi que

seules deux enseignantes ont pu être titularisées depuis 2010, en dépit de départs en retraite.

Tous les contrats sont donc signés pour des périodes courtes, vacations qui placent les

enseignants concernés dans une précarité qui les distingue du reste des enseignants titulaires,

les incitant à accepter ce qui leur est proposé dans l’espoir de voir leur contrat se renouveler.

Parmi les trois enseignantes suivies, l’une fut titularisée il y a seulement quelques années

après avoir d’abord connu la situation de vacataire tandis que les deux autres sont titulaires

depuis une vingtaine d’années, durant la période de croissance.