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Les conditions requises pour la personne des arbitres

Paragraphe deuxième : Les procèdès de réconciliation extra judiciaires

A. Les arbitres

I. Les conditions requises pour la personne des arbitres

D’où nous examinons dans un premier point la condition des arbitres (1), et dans un second nous étudions les autres procédés que le législateur intitule ceux qui tiennent lieu des arbitres (2).

A.Les arbitres

L’origine coranique de la désignation des arbitres en fait le moyen de conciliation dominant en droit musulman, et les commentateurs du droit musulman y consacrent de longs développements396.

Il serait judicieux d’examiner dans un premier point, les conditions requises pour la personne des arbitres, et dans un second leur mission propre.

I.Les conditions requises pour la personne des arbitres

Le nouveau code de la famille, comme l’ancien code de statut personnel, a prévu le droit du tribunal de designer deux arbitres comme un procédé de réconciliation des époux en conflit, sans aucune autre mention, ni condition que doivent remplir ces arbitres.

Néanmoins l’enracinement de la notion de désignation des arbitres entre les époux en litige, en droit musulman, fait qu’elle bénéficie de longs commentaires et les jurisconsultes ont consacré des chapitres volumineux aux conditions et qualités que doivent satisfaire les personnes ayant à exercer la mission de conciliation entre les époux. Ces conditions sont loin de faire l’unanimité des différents rites de droit musulman.

395

- Ainsi le nouveau code de la famille énonce dans son article 96 « les arbitres ou ceux qui en tiennent lieu …. »

396

- ABI ABDILLAH IBN IDRIS ACCHFII, ALOUM, op.cit - IBN ALARABI ALMOUAFIRI, AHKAM ALKORAAN, Op.cit - ALBAGHDADI ALKHAZIN ,TAFSIR ALKHAZIN, op.cit

S’étant inspiré du rite malékite, le législateur marocain du nouveau code, renvoie pour tout ce qui n’a pas été prévue, dans ledit code, au rite malékite et à l’effort jurisprudentiel qui tient compte de la concrétisation des valeurs de l’islam en matière de justice, d’égalité et de bons rapports de la vie commune.

En effet les arbitres dont est question dans le verset coranique susvisé doivent être, selon le rite malékite397, capables, raisonnables,

honnête, justes, libres mais aussi doivent être de sexe masculin parmi les proches des conjoints et ayant un minimum de connaissances en matière de « charaâ » régissant le statut personnel. Toutefois certaines de ces conditions sont restrictives et très difficiles à satisfaire, vu les circonstances de la société marocaine. En ce sens qu’une grande majorité des citoyens sont analphabètes ce qui rend la condition d’un proche ayant la connaissance des règles juridiques réglementant le statut personnel, une qualité utopique. Mais aussi les critères d’appréciation de l’honnêteté et de la justesse ne sont plus comme c’était le cas dans la société musulmane d’autrefois, dans la quelle les échanges culturels étaient sans impact. Or la société actuelle contient des cohabitations de plusieurs cultures, et civilisations.

Il va de soi que certains critères prévus par les malikites sont désuets et ne sont plus opérant comme la liberté qui est un droit naturel que tout le monde en jouit, et ses restrictions relèvent de la loi au sens strict du terme398.

Quant à la condition de masculinité exigée par les rites sunnites dont les malékites, sauf les hanafites, pose un problème d’ordre

397

- Mohamed ELGACHBOUR, Younes ZEHRI et Hassan FATOUKH, Le divorce pour discorde, op. cit.

- Ali MONTASSIR, L’arbitrage entre les époux en discorde, Op. cit

- Lahcen BENDALI, Le rôle des arbitres dans la prise de décision entre les époux en conflit à la lumière du rite malékite et le code de la famille, revue Addifaa, barreau de Settat, n 10, 2005.

398

- En ce sens que les peines en général et celles privatives de liberté plus particulièrement relèvent du domaine de la loi, selon les dispositions de l’article 71 de la constitution marocaine du premier juillet 2011.

juridique, puisqu’elle contredit la règle constitutionnelle399 d’égalité des

sexes.

Néanmoins la doctrine moderne, à l’occasion de l’examen des conditions requises pour la personne des arbitres , critique la condition de masculinité en soulignant que la mise en œuvre de cette condition prive la société de la moitié de ses membres que constituent les femmes et notamment l’apport que pourrait avoir leurs efforts sur la réconciliation des époux, mais aussi que certaines épouses des milieux conservateurs ne peuvent divulguer les causes de leurs litiges en rapport avec leurs intimités qu’aux autres femmes, ce qui démontre l’apport indispensable et l’utilité des femmes dans la mission de réconciliation400.

Pour d’autres il faut abolir cette condition qui ne convient plus à la situation actuelle de la société, ni à l’état de la législation notamment le nouveau code de la famille qui se base principalement sur l’égalité des époux401.

Ainsi certaines législations étrangères se passent de cette condition et prévoient explicitement le droit de la femme d’être désignée pour arbitre entre les époux en litige402.

A notre avis plusieurs sont les raisons qui motivent l’inobservation de la condition de masculinité de l’arbitre en droit marocain, d’une part l’état du texte coranique qui en constitue le fondement, d’autre part la législation positive marocaine.

399

- L’article 19 de la constitution marocaine du premier juillet 2011, dispose que : « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans des autres dispositions de la constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dument ratifiés par le royaume…… »

400

- Ali MONTASSIR, L’arbitrage entre les époux en discorde, Op. cit

401

- Mohamed ELGACHBOUR, Younes ZEHRI et Hassan FATOUKH, Le divorce pour discorde, op. cit.

402

- L’article 7 de la loi égyptienne numéro 25 de l’an 1929 modifiée et complétée par la loi numéro 100 de l’an 1985, ainsi que l’article 15 du manchour charài soudanais numéro 17 de l’an 1915.

En effet le verset coranique prévoit la démarche de la désignation des arbitres en cas d’une discorde à craindre entre les époux, ne soumet cette formalité à aucune condition ni exigence tenant à la personne des arbitres laissant ainsi la liberté d’appréciation, selon les circonstances de chaque cas d’espèce.

D’autre part les différentes403 constitutions marocaines prévoient

explicitement le principe d’égalité de l’homme et de la femme, et c’est là un principe fondant la philosophie404 des reformes du nouveau code

de la famille. A cela s’ajoute l’ère égalitaire soufflée dernièrement sur le Maroc à travers certains textes législatifs405, et positions des pouvoirs

publics406. D’où se justifient les formulations du dernier article du nouveau code de la famille qui ne s’est pas limité à renvoyer au seul rite malikite, comme c’était le cas sous le code de statut personnel407, mais à

l’effort jurisprudentiel qui tient compte des valeurs de l’islam en l’égalité, ce qui est à notre avis une permission explicite de se passer de cette condition de sexe408.