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Paragraphe deuxième : La conception de la procédure de discorde par les législations

C. Appréciation Critique

Les controverses doctrinales81, auxquelles avait donné lieu

l’interprétation du verset coranique numéro 35 de la sourate des Femmes, fondement de la théorie de discorde en droit musulman, se sont répercutées sur les législations internes82 des pays arabo –

musulmans.

Ainsi le législateur marocain, n’a pas pu échapper à ces controverses, et a retenu dans le nouveau code de la famille la procédure de discorde dans des termes ambigus, et faisant état d’une rédaction conciliant les différents points de vue, mais surtout dont l’application pouvant déboucher sur des conséquences néfastes pour la société.

Le consensus qui a eu lieu entre les deux principaux83 courants

représentés dans la commission chargée d’élaborer le code de la famille, a généré les articles 94 à 97 dudit code dont les termes et expressions

79- T P I de Laâyoune, jugement numéro 832/05 en date du 01/12/2005 dossier 411/2005, revue Mohakama, n°1, Septembre 2006, où il était dit : « Compte tenu de la sacralité du rapport conjugal, et en protégeant la stabilité familiale, et en la prévenant de la discorde, et considérant la simplicité des motifs sur les quels se fonde l’épouse dans sa requête de divorce, et que le mari tienne à son épouse, rend l’état de chiqaq non établi, et il échet de rejeter la demande ».

- T P I de Marrakech du 02 octobre 2006, dos numéro 938/ch/06, inédit. - T P I de Marrakech du 20 septembre 2007, dos numéro 244/23/07, inédit. - T P I de Marrakech du 10 décembre 2007, dos numéro 1940/23/2007, inédit. - T P I de Marrakech du 05 avril 2007, dos numéro 1761/ch/2006, inédit. 80- C A de Laâyoune ci-dessus au n 79.

81- Voir le premier paragraphe de cette section. 82- Traité en « A » de ce paragraphe.

prêtent à confusion et reflètent un désaccord au point qu’ils y coexistent des positions inconciliables. Ainsi les associations féminines réclamèrent le droit de la femme à une stabilité familiale, faisant allusion aux abus de répudiation dont elle était souvent l’objet, et le courant conservateur traditionaliste, qui défendait la sacralité du droit de l’époux à la répudiation. Le rapprochement de ces deux positions, s’était fait par le chemin le plus court qu’était d’adopter la procédure actuelle dite de discorde.

Sur le plan de l’apparence cela peut s’avérer une solution pertinente, du fait qu’elle établit l’équilibre entre les deux parties du pacte conjugal et permet à l’épouse, qui a tant souffert sous l’égide de l’ancien code de statut personnel, de se libérer du pacte de mariage dans les mêmes conditions que le mari, ce qui répond aussi au souci d’égalité entre les époux.

Cependant il ne faut pas confondre l’objectif avec le moyen et sacrifier le premier au profit du second, car l’objectif n’étant pas de faciliter l’accès aux procédures de dissolution du mariage, ni encore de s’en libérer facilement et librement. L’objectif est bien de renforcer la stabilité familiale et la protection des droits des enfants, et c’est là l’esprit qui doit être retenu du code de la famille et le fondement que doit avoir l’interprétation de ses dispositions.

Il est vrai que le nouveau code84 pose la règle du moindre mal et

par la suite le recours au divorce ne doit être qu’exceptionnel, en se référant à la stabilité familiale et aux droits des enfants. Mais cet objectif est – il observé sous l’égide du nouveau code de la famille ?

La réponse à cette question est loin d’être positive85, vu la

simplicité des dispositions régissant cette nouvelle voie de divorce, mais

84- L’article 70 du N C F qui dispose « Le recours a la dissolution du mariage par le divorce ou le divorce judiciaire ne doit avoir lieu qu’exceptionnellement et en observant la règle du moindre mal et ce du fait que cette dissolution entraîne la dislocation de la famille et porte préjudice aux enfants. »

aussi la facilité de se libérer du lien conjugal sans être tenu d’aucune exigence ni de preuve ni de motif.

A notre avis, l’échec de l’application des dispositions de discorde dans la réalisation des objectifs de la stabilité familiale et la protection des droits des enfants, est issu de l’absence d’une vision législative générale et claire dans les procédures de dissolutions du pacte conjugal. En ce sens que la lecture des règles encadrant le divorce dans le nouveau code de la famille permet d’en dégager trois catégories de divorce, le divorce par volonté unilatérale de l’époux (Répudiation), les voies de divorces traditionnelles, déjà contenues dans le code de statut personnel, et la nouvelle voie de discorde. Ce qui pose la question de l’intérêt d’une telle variété des voies. Et surtout si ce n’est l’absence d’une réunification de ces procédures à ce qu’elles soient les mêmes pour les deux époux qui a débouché sur cette position réactionniste de la doctrine et de la jurisprudence ayant pour conséquence la banalisation du rapport conjugal.

N’était – il pas adéquat d’opter pour une solution tenant compte de différents intérêts en cause. Ceci ne peut se faire qu’en ayant à l’esprit, de faire régner dans la cellule familiale, qui est le noyau de la société, les valeurs de justice et d’équité, loin de tout protagonisme.

Quoi qu’il en soit, l’interprétation actuelle des dispositions de discorde est une conséquence directe de l’usage abusif par le mari du divorce par déclaration (Répudiation), ce qui est une réaction à l’égard de l’attitude du mari, faisant une sorte de justice rendue à l’épouse. Ce qui consacre un autre abus de divorce cette fois ci à la portée des deux époux.

De surcroît, ce qu’on reprochait aux dispositions antérieures réglementant le divorce c’était d’une part la légalisation de l’abus en permettant à l’époux de dissoudre le pacte conjugal par une simple déclaration de sa part, d’autre part, l’inégalité procédurale dont souffrait l’épouse.

Alors la solution n’est pas d’instaurer l’usage de l’abus au profit de l’épouse par la procédure de discorde, comme l’a fait le nouveau code de la famille, mais de rétablir l’égalité entre les époux par une réunification des procédures de divorce entre eux et de les rendre communes.

En effet ni la doctrine ni la jurisprudence n’auront à se substituer au législateur, seul dépositaire de la volonté générale. L’état actuel des faits, ne peut être imputé qu’au législateur qui, à notre avis, doit exprimer une position claire et explicite, loin de tout consensus, permettant d’en dégager des règles au service des objectifs tracés par la société.

SECTION SECONDE :

LA DISCORDE AU REGARD DES