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La pratique jurisprudentielle de l’indemnité compensatrice de l’ex-épou

patrimoniaux des ex-conjoints et des enfants

B. L’indemnité compensatrice de l’ex-épou

II. La pratique jurisprudentielle de l’indemnité compensatrice de l’ex-épou

L’indemnité compensatrice de l’ex-conjoint du fait du divorce pour discorde obéit à certaines règles aussi de fond que de forme. Ainsi le dédommagement de l’ex-conjoint, contrairement au don de consolation attribué d’office à l’ex-épouse, nécessite une requête en bonnes et dues formes. Cette requête peut être présentée dans le cadre de l’instance même de divorce pour discorde. Mais aussi elle peut être l’objet d’une action séparée qui ne serait recevable qu’après le prononcé du divorce car elle se fonde sur la cause même du divorce.

La responsabilité générant l’indemnité compensatrice de l’ex- conjoint nécessite des conditions de fond à savoir la dissolution du mariage pour discorde, la preuve de la faute ou de l’abus de l’ex-époux et un préjudice matériel ou moral, résultant de cette dissolution abusive ou fautive, qui est généralement présumé.

Ainsi selon la jurisprudence, le simple recours à la justice pour obtenir le divorce pour discorde n’engage pas, à lui seul, la responsabilité du conjoint demandeur du fait de la dissolution du mariage. En ce sens qu’il a été dit dans une décision498«…. Attendu qu’en

cas d’espèce il n’est pas question de l’abus de l’épouse, puisque le mari a déjà engagé une procédure de répudiation selon la convocation numéro 116/04. Et que la demande en indemnité est non fondée en l’absence de tout abus, d’autant plus que la demanderesse a exercé un de ses droits, et qu’aucune indemnité ne peut découler de l’exercice de ses droits sans aucun abus. Et qu’il échét alors de rejeter la demande et mettre les dépens à la charge du demandeur. »

498

- T.P.I de Marrakech, dos numéro 2489/8/2004 du 10/03/2005, rapporté par Mohamed ELGACHBOUR, Younes ZEHRI et Hassan FATOUKH, le divorce pour discorde dans le code de la famille, op cit.

- T.P.I de Fès, dos 212/02/2007 en date du 22/12/2007. Rapporté par Najat CHADLI, Le divorce pour discorde : règle ou exception, op cit.

L’analyse des décisions de justice permet de distinguer deux cas de figure, selon que le demandeur fonde sa requête de divorce pour discorde sur un motif établi à la charge de l’autre conjoint, ou que la dissolution à été prononcée sans aucun motif.

Ainsi le divorce pour discorde prononcé pour refus de l’épouse d’intégrer le domicile conjugal sans motif valable, donne à l’ex-mari le droit à une indemnité compensatrice du dommage causé par la dissolution qui s’y onde499.

Elle constitue aussi une faute justifiant le droit de l’ex-conjoint à une indemnisation, le refus de l’épouse de se réconcilier avec son mari qui se montre prêt à mettre fin à toutes les causes de la discorde. Ainsi il était dit dans une décision500 :

« ……Attendu que le défendeur, de par ses déclarations à l’audience, a exprimé sa volonté ferme de préserver sa famille et s’est apprêté à se procurer un appartement indépendant pour y habiter son épouse et son enfant à la ville de Khoribga. Et que son épouse s’entête et tient au fait d’habiter à la ville de Fès à côté de sa famille à elle, sachant qu’elle savait au moment du mariage, que le domicile conjugal s’établit à la ville de Khoribga et elle a accepté et y a habité toute une période.

Attendu qu’en se référant à ces faits, il parait claire que le défendeur s’est montré prêt à mettre fin aux causes de la discorde et il n’a pas réussi du fait de la position de la demanderesse, ce qui est considéré, par le tribunal un abus de demande de divorce pour discorde. »

Par ailleurs, l’ex-conjoint demandeur en indemnité compensatrice peut être indifféremment celui qui a initié la procédure du divorce ou le défendeur à ladite action. En ce sens que l’initiation de la procédure de

499

- C.S, dos 519/2/1/2005 en date du 15/03/2006. Almontaqa min amal alkada fi tatbiq moudawanat alousra, op cit.

- T.P.I de Larache, dos 698/5/2005 en date du 04/04/2006. - T.P.I de Larache, dos 25/23/2007 en date du 10/07/2007. Almontaqa min amal alkada fi tatbiq moudawanat alousra, op cit.

500- T P I de Fès, dos 3245/2006 en date du 20/09/2007. Rapporté par Najat CHADLI, Le

divorce pour discorde ne donne droit au dédommagement que si la demande en divorce est elle-même abusive. La jurisprudence accorde l’indemnité compensatrice à l’époux demandeur en divorce, dès lors qu’il fonde sa demande en divorce sur des faits reprochables à l’autre conjoint, et que ces faits soient établis. Ainsi il a été dit dans une décision501 «….. Attendu qu’en se référant aux pièces du dossier et a ce qui s’est

déroulé aux audiences de réconciliation, le tribunal s’est assuré du non paiement du défendeur de la pension alimentaire de son épouse et de sa fille et de sa condamnation en adultère. Et cela constitue une violation des obligations mises à sa charge en vertu de l’acte de mariage et par conséquent sa responsabilité des causes de la dissolution est engagée… »

En revanche si l’un des conjoints recourt à la voie de divorce pour discorde sans aucun motif, la jurisprudence considère cette demande abusive et condamne le demandeur au dédommagement pour le seul fait du prononcé du divorce. Elle est considérée abusive, la demande de divorce présentée après un mois de mariage sans aucun motif502.

Si la jurisprudence exige l’établissement de la faute ou de l’abus de la part du conjoint responsable du divorce pour discorde, elle se montre très souple dans la preuve du préjudice qui en découle. En ce sens que la majorité des décisions présume l’existence du dommage moral dès lors que le comportement abusif ou fautif de l’autre conjoint est établi, et le divorce pour discorde est prononcé. Ainsi à titre d’exemple, il était dit dans une décision503 «….. Attendu que la requête de la

demanderesse en dissolution du mariage privera le demandeur de vivre avec son enfant et lui causera l’instabilité, ce qui constitue un dommage moral et rend la demande de dédommagement fondée… ».

Sur un autre plan certaines juridictions appliquent littéralement l’article 97, en mettant l’indemnité compensatrice de l’ex-époux en

501

- T P I de Casablanca, dos 4051/2007 en date du 10/03/2008. Rapporté par Najat CHADLI, Le divorce pour discorde: règle ou exception, Op cit.

502

- T.P.I de Larache, dos 698/5/05 en date du 40/04/2006. Almontaqa min amal alkada fi tatbiq moudawanat alousra, Op cit.

503- T P I de Fés, dos 3245/2006 en date du 20/09/2007. Rapporté par Najat CHADLI, Le

rapport avec le don de consolation. En ce sens qu’elles tiennent compte de la responsabilité de chacun des époux dans l’appréciation du montant du don de consolation. Ainsi il était dit dans une décision504

« ……Attendu que la requête de la demanderesse tend au paiement du montant de vingt mille dirhams au titre d’une indemnité lui compensant le préjudice qu’elle a subi du fait du défendeur.

Attendu que le tribunal, au moment de l’évaluation des droits dus ci-dessus a tenu compte de la responsabilité de chacune des parties dans le divorce, ce qui rend sa demande, sur ce point , non fondée et doit être rejetée. »

C. Appréciation critique

La dissolution du pacte conjugal ne peut être que néfaste sur les conjoints eux-mêmes, sur les enfants et sur la société en général. Il est donc tout a fait logique de permettre à l’un des époux qui éprouve un préjudice particulier d’exiger de celui qui en est responsable la réparation c’est dans cette logique que s’inscrit l’indemnité compensatrice de l’ex-époux du fait du divorce pour discorde, prévue par le nouveau code de la famille.

Toutefois la position du législateur suscite des critiques sur plus d’un point. En ce sens qu’il spécifie la possibilité d’une indemnité compensatrice à la seule voie de divorce pour discorde, sans les autres voies. D’autre part il énonce le principe de cette responsabilité dans des termes ambigus.

En effet le dédommagement du conjoint qui éprouve un préjudice du fait de divorce est une des importantes étapes de la nouvelle législation sur la famille vers le rétablissement de l’équilibre entre les parties du pacte conjugal. Mais le fait d’accorder cette possibilité dans le divorce pour discorde sans les autres voies de dissolution du mariage le vide de tout sens, d’autant plus que la notion du préjudice est beaucoup plus apparente dans les modes classiques de divorce que le divorce pour discorde.

504- T P I de Marrakech, dos 1586/2005 en date du 12/10/2005. Rapporté par Hafida TOUTA,

Dans le même ordre d’idée les termes de l’article 97 ne sont pas d’une clarté suffisante. En ce sens qu’ils ne mettent pas une distinction nette entre le champ réservé au don de consolation et celui de l’indemnité compensatrice de l’ex-époux. Ainsi il dispose « …le tribunal statue sur les droits dus conformément aux articles 83,84, et 85 ci- dessus, en prenant en compte dans l’évaluation de ce qu’il peut ordonner à l’encontre de l’époux responsable au profit de l’autre, la part de responsabilité de chacun des époux dans la cause de la séparation…. »

Il en résulte que l’indemnité objet de cette disposition revêtit un caractère sanctionateur et réparateur de façon pareille que le don de consolation, la seule différence est que le don de consolation ne peut être attribué qu’à l’épouse alors que la nouvelle indemnité peut être octroyée également à l’épouse qu’au mari qui établit la faute ou l’abus de l’autre conjoint. A notre avis le don de consolation et l’indemnité compensatrice de l’ex-conjoint interviennent tous les deux dans un même champ qui est celui de la réparation du dommage subi par l’un des époux du fait de l’abus ou de la faute de l’autre conjoint ayant entraîné la désunion. Cela s’explique par le fait de consacrer cette possibilité dans le seul mode de divorce pour discorde qui est la seule voie en droit marocain qui permet à l’épouse de divorcer sans aucun motif et par conséquent peut contenir un abus de sa part, et s’explique également par le fait de prévoir la possibilité d’attribuer à l’épouse le don de consolation qui doit être évalué en tenant compte de l’abus du mari dans l’exercice de son droit de répudiation.

Quoi qu’il en soit, et en l’attente d’une intervention législative pour réunifier les procédures du divorce, la pratique doit tenir compte de l’esprit des textes en ce sens que l’indemnité compensatrice de l’ex- époux est un don de consolation pour le mari qui a subi un préjudice du comportement abusif ou fautif, de son épouse, ayant causé le divorce. Ce qui entraîne deux principales conséquences, d’une part l’épouse ne peut jamais cumuler le don de consolation et l’indemnité compensatrice, d’autre part, l’indemnité compensatrice doit bénéficier des mêmes caractères que le don de consolation notamment le privilège légal du troisième degré sur les biens de l’ex-conjoint qui en est débiteur.

SECTION SECONDE :

LES EFFETS ABSOLUS DU