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Paragraphe deuxième : Le divorce pour discorde et les voies traditionnelles de divorce

C. Appréciation critique

Le caractère général et souple des griefs justifiant le divorce pour discorde, et les anomalies liées aux voies traditionnelles de divorce, justifient les statistiques des juridictions familiales, faisant état de la

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baisse continue des demandes de divorce se fondant sur les motifs classiques, et la croissance considérable des divorces pour discorde182.

En effet ce résultat est tout à fait évident à la lumière de la démarche du législateur du nouveau code de la famille, la quelle consistant dans le maintien injustifié183 des voies traditionnelles, simultanément avec la voie générale de divorce pour discorde, d’une façon faisant que cette dernière est une voie alternative de divorce accordant à l’épouse le droit de se débarrasser d’un rapport conjugal qu’elle ne veut plus184 mais aussi une voie facultative ne pouvant agir dans le domaine des voies classiques de divorce.

Cependant ces deux solutions sont juridiquement inconciliables, et le législateur aurait opté pour une seule position, et ce en définissant les rapports entre la nouvelle voie de divorce et les autres modes de dissolution de mariage, tout en déterminant avec précision les formalités de réconciliation judiciaire qui doivent être les mêmes à toutes les voies de divorces en évitant ainsi toute confusion entre la procédure de

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- Le nombre des décisions de divorce pour les motifs traditionnels est passé de 6337 en 2003 à 896 décisions de divorces ainsi comme l’illustre le tableau suivant :

Divorce pour 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Discorde -- 10313 5847 24854 32331 29404 Préjudice -- 1361 141 331 247 181 Défaut d’entretien -- 1086 1086 556 445 234 Absence du mari -- 1943 132 1656 1263 943 Vice rédhibitoire -- 22 01 20 62 51 Serment de continence -- 66 17 24 15 04

Les statistiques publiées par le ministère de la justice.

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- Injustifié sur le plan juridique, puisque la voie de divorce pour discorde peut satisfaire et englober toutes les demandes de divorce y compris celles entrant dans le champ des motifs traditionnels.

184- Khalid ZAHER, Quel accueil en France pour les divorces prononcés au Maghreb, revue

divorce et la formalité de réconciliation. Car à la lecture des dispositions réglementant la discorde, on constate qu’il y est question d’une demande de règlement de différend et de réconciliation « si les époux ou l’un d’entre eux, demande au tribunal de régler un différend les opposant et qui risquerait d’aboutir à la discorde »185, et le tribunal prendrait toutes les

démarches pour régler le litige « il incombe au tribunal d’entreprendre toutes les tentatives en vue de leur réconciliation ». Toutefois ces dispositions sont étranges sur un double plan, d’une part la procédure de réconciliation ne devraient pas être l’objet de la demande des parties186, et doit être

l’objet d’une formalité qui se déclenche d’office et précédant toutes décisions de dissolution de mariage, d’autre part, la décision de divorce ne doit pas être prise d’office par le tribunal du seul fait de la non réconciliation des époux187.

De plus la démarche du législateur ayant débouché sur une discordance entre l’état du texte et celui de la réalité juridictionnelle, ne peut s’expliquer par les considérations d’ordre juridique, dans le sens qu’aucun intérêt juridique ne justifie le maintien des modes traditionnels de divorce, car il était clair dès le départ que le divorce pour discorde aura un effet d’absorption sur les autres voies. Alors d’autres desseins pourraient être à l’origine de leur maintien formel dans le nouveau code. A notre avis cela ne peut se comprendre que dans le cadre d’un consensus entre les différentes sensibilités composant la commission royale chargée de préparer le projet du nouveau code de la famille.

En effet pour réaliser ce consensus, les différents membres de la commission royale, ont opté pour la reproduction des voies de divorce unanimement reconnues par les différents rites fondateurs de droit

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- Les dispositions de l’article 94 du N C F

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- Notamment que le système judiciaire marocain n’est pas habitué à des demandes de règlement de différends entre les époux, ce qui peut être l’objet des demandes de médiation à des organismes parajudiciaires.

- Rajaa NAJI ELMEKKAOUI, La Moudawanah, le référentiel et le conventionnel en harmonie, Tome 2 : la dissolution du mariage, op.cit

187- L’article 97 du N C F « en cas d’impossibilité de réconciliation et lorsque la discorde

musulman, mais aussi, ont inventé la voie de discorde comme une simple procédure de réconciliation des époux et ne débouchant sur le divorce qu’indirectement. Satisfaisant ainsi aux milieux conservateurs et aux associations défendant le droit de la femme de se libérer du lien conjugal loin des dilemmes de l’ancien code de statut personnel.

Toutefois, si l’état actuel des textes a réussi à réaliser le consensus des différentes sensibilités de la commission royale, il ne l’a pas fait quant aux objectifs que devrait se fixer le nouveau code de la famille, a savoir la protection de l’intégrité de la famille, ce qui ne peut se faire que par des procédures unifiées et claires, loin de tout consensus, qui ne peut mener qu’à la banalisation du pacte conjugal.

Le divorce pour discorde ayant un fondement fort, est conçu par le législateur marocain pour répondre à la question de l’égalité des époux quant à la question de dissolution du lien conjugal tant critiqué.

Cependant la façon de réglementer cette nouvelle procédure à un effet d’anéantissement sur les autres voies de dissolution du mariage. Sur un autre plan, la réglementation de la nouvelle procédure ne manque pas d’avoir des effets néfastes sur la stabilité familiale.

CHAPITRE SECOND : LES CAS DE