6. 2 Développement de la pratique théâtrale locale (1950)
6.4 Les émissions radiophoniques depuis Créole y cause (1963)
Nous sommes en pleine période de podium, de radio-crochet, de bals. Les Jokarys, groupe que Daniel Vabois rejoindra, se forment dans les années 1960. Ce groupe de music-hall reprend les standards de Georges Fourcade et participent à leur pérennité. La télévision arrive à La Réunion en 1964.
La première émission radiophonique régulière en langue créole est « Créole y cause », les textes sont de Charles Cazal qui écrit pour le duo « Ti Paul et Ti Louis » interprété par Julien Féron et Marcel Grondein, puis « Ti Paul et Lolo » interprété par Julien Féron et Axel Kichenin à partir de 1963.
« Au début des années 60, Charles Cazal proposa à Jean-Vincent Dolor, qui assurait la programmation de l’unique station de radio de l’île, une émission à base de sketches et de chansons. Ainsi naquit « Créole y cause », qui fut la première émission de radio en créole diffusée sur les ondes de l’ORTF. Chaque samedi à l’heure du repas, Ti Paul et Ti Louis, alias Julien Féron et Marcel Grondein, devisaient pendant un quart d’heure sur le un thème ayant trait à l’actualité locale. L’émission se terminait invariablement par le pastiche d’une chanson à la mode, que les acteurs interprétaient avec le concours de divers musiciens. »1
« Créole y cause » fut au début des années soixante la première émission de radio en créole à La Réunion. Chaque samedi, aux environs de midi, elle proposait aux auditeurs un sketch et une chanson sur des sujets ayants trait à l’actualité.
1 Quotidien du 3 mars 1997
114 Pour l’auteur :
« Le succès de l’émission Créole y cause était essentiellement dû aux claques que l’on distribuait à tour de bras, et cela n’était rendu possible que par le fait que tout était en créole. (…) Julien Féron et Marcel Grondein passaient chaque semaine à la radio dans le cadre d’une émission appelée Créole y cause. C’était le samedi après-midi, ; à douze heures quarante-cinq. Ils interprétaient un sketch en créole d’une dizaine de minutes. Et c’était un véritable phénomène social. A l’époque, les travailleurs étaient souvent payés à la semaine, ce qui fait que l’on retrouvait beaucoup de monde le samedi aux alentours des boutiques. Mais à une heure moins le quart, il n’y avait plus un chat ! En deux ans, l’émission avait fait doubler le nombre de postes transistors sur l’île ! Il faut dire que c’était la première émission en créole diffusée à la radio et les gens se retrouvaient là-dedans.1 »
À la radio, de 1963 à 1971, un quart d’heure hebdomadaire est réservé à l’expression en créole réunionnais sur la radio de l’île. Charle Cazal est celui qui le premier a porté ses sketchs dans l’espace médiatique et devint donc le premier auteur de pièce radiophonique. Il précise :
« Les sketches étaient généralement enregistrés avant diffusion, mais il arrivait qu’ils soient joués en direct. »
L’artiste Bernadette Ladauge se souvient de cette émission :
« Marcel Grondein, dit P’tit Louis, chanteur et humoriste, précurseur des Vabois, Jardinot…
Emission radio ORTF « Créole y cause » début des années 60, samedi midi avec Julien Féron dit Monsieur Paul, sur des textes de Charles Cazal. Moucatage de l’actualité et pour finir une chanson : air variétés françaises en vogue et texte en créole. Dans les endroits où il n’y avait pas encore d’électricité, pleins de gens ont acheté des radios transistor à piles rien que pour l’écouter.
En août 65, en soirée, manque de sommeil et fatigue, accident sur l’ancienne route de Saint Paul à la Grande Fontaine, s’est tué sur le coup. (…) C’est Axel Kichenin « Lolo » qui a pris la suite. »
6.5 De la télédiffusion (1971) à la création audio-visuelle (1990)
Jeux, danses et chansons dans votre quartier (1964-1969) est une émission de l’Office de la Radiodiffusion-Télévision Française (ORTF) qui prend fin avec le départ du présentateur Barnabé Hoarau hors de l’île. Il nous a expliqué qu’une reprise de l’émission a été tentée par FR3 Réunion sous le nom de Jeux et chansons dans votre quartier (1983-1987) sous
1 Quotidien du 30 12 96.
115 l’impulsion du Comité Régional d’Animation Sportive Socio-Educative et Culturelle (CRASSEC).
Le présentateur de l’émission, aujourd’hui à la retraite, nous a montré des photographies d’époque et a témoigné du fonctionnement de l’émission et de la ferveur qui l’entourait dans les années 1960. La finale de ce concours artistique attirait treize mille personnes au Jardin de l’Etat de Saint-Denis. L’émission était diffusée en direct à la radio le samedi, elle était réalisée dans les différentes communes de l’île où l’équipe de l’émission et l’orchestre qui l’accompagnait se rendaient. Le règlement imposait de chanter en français. Les enregistrements audio-visuels de l’émission était montée pendant le week-end et rediffusée à la télévision le lundi soir. En plus de Créole y cause, les deux comédiens de Charles Cazal interprétaient, dans le cadre de cette émission, un sketch d’environ un quart d’heure qui se terminait par une parodie de chanson française avec des paroles en créole. De nombreux chanteurs réunionnais comme Pierrot Rosely, lauréat de 1968, ont ainsi débuté leur carrière. L’un des plus grands d’entre eux, Maxime Laope, se souvient :
« En 1970, M. Kario, le directeur des programmes de l’ORTF a été à l’initiative d’une espèce de relance du séga. C’est à partir de là qu’on a vraiment commencé à passer à la télé, c’est à partir de là à que la musique locale a véritablement commencé à être médiatisée. L’ORTF organisait les Jeux, danses et chansons dans cotre quartier qui ont révélé beaucoup de jeunes talents. »1
Axel Kichenin a également participé en 1971 à la première pièce de théâtre créole diffusée sur l’antenne de l’ORTF. Il s’agissait de la pièce de Louis Jessu : Les Pèlerins de Saint-Leu.
6.5.1 Le premier enregistrement audio-visuel (1989)
Thierry Jardinot nous confie 2qu’il était artiste de podium et, depuis 1987, animateur à la radio, il parlait au micro, donnait les avis de décès. Le directeur, Gora Patel, cherchait un animateur pour relancer « Jeux, danse et chanson dans votre quartier ». Voilà comment il passe d’animateur d’antenne à responsable d’une nouvelle émission radiophonique humoristique : Le Journal Percal co-animée avec madame Nine, puis avec Isabelle.
1 Cerneaux, E., Guillot, B., op. cit., p.72.
2 « Moin té marmay de podiom é animatér radio rantré en 1987. M’i koz dann radio, m’i done l’hër m’i done zavi de désé. Le directër la rod in lanimatër pou relans « Jeux danse et chanson dans votre quartier. »
116 Il s’agit pour lui d’écrire des chroniques, en imitant différentes personnalités publiques.
Thierry Jardinot a été animateur sur Radio France Outre-Mer (RFO) pendant plus de vingt ans avec son émission quotidienne Radio Loquace Privée (RLP), en collaboration avec Véronique Gerno alias Line et future Madame Nine (en 1987). En 1989, sa première cassette VHS est mise en vente, Whex verra le jour grâce à Cacao production, avec la participation du groupe Caillé.
6.6 L’an 2000 et les séries télévisées humoristiques créoles
C’est ainsi que l’an 2000 voit la création de la société Hémisphère Sud qui a pour activité le domaine des Arts du spectacle vivant et qui génère plus d’un million quatre cent mille euros de chiffres d’affaires en 2010. Elle travaille particulièrement avec Antenne Réunion.
Les projets de Bruno Cadet sont portés par la société Evil Ways (2008). Thierry Jardinot proposera lui aussi plusieurs pilotes pour la télévision publique, mais c’est finalement la chaîne privée de télévision Antenne Réunion qui lui offre un nouveau challenge. Ainsi naîtra Kanal La Blague (2009) et ses poupées virtuelles animées.
De 2008 à 2010 Jean-Laurent Faubourg poursuit sa carrière en tant que comédien et s’affirme dans son écriture dramaturgique en lien avec Cyclone Production et le Centre Dramatique de l’océan Indien. Comédien de théâtre, acteur de télévision, présentateur, auteur, scénariste, il poursuit jusqu’à ce jour un riche parcours créatif.
Kamion Bar (2002) de Fred Eyriey produit par International Création Vidéo Réunion (ICV) est la première proposition de série télévisée intitulée Kamion Bar, avec dans les rôles principaux Karen Dardelin et Jean-Laurent Faubourg, la série compte 60 épisodes. De 2002 à 2004, Jean-Laurent Faubourg anime sur Télé Réunion une émission culturelle et humoristique : Monsieur Ti Kat sou.
Kaméra Kafé (2003) de Bruno Cadet avec la boîte de production Komédi, est une série télévisée adaptée de la série télévisée Caméra Café lancé en 2001 sur les chaînes nationales.
Plusieurs comédiens participeront à cette version réunionnaise dont : Didier Mangaye, Sarah Deffeyes, Marie Alice Sinaman, Éric Fleuris, Yaëlle Trules…
Chez Mangaye (2005) de Bruno Cadet toujours avec Komédi Production, réussit une percée télévisuelle qui sera sauvegardée par l’édition d’un coffret de trois DVD. La série rassemble Didier Mangaye, Rocaya Toihiri, Marta (Nathalie Soubadou) et Léonus (Henri Galéa), et invite
117 quelques personnalités comme Indira Lacour, Jean-Claude David, Sully Rivière, Jean-Pierre Boucher…
Dada ék Néninn (2006), écrit par Thierry Jardinot et Jean-Laurent Faubourg, a été réalisée par Fred Eyriey avec comme comédiens principaux Marie Alice Sinaman et Jean-Laurent Faubourg. Cette série a été diffusée sur Antenne Réunion.
Chez Marta et Léonus (2006), série écrite et réalisée par Bruno Cadet lui fait face sur la chaîne privée. Les épisodes sont disponibles dans un coffret de deux DVD.
Le Boui-Boui (2010-2011) est une série diffusée sur deux saisons par Réunion Première.
Bruno Cadet ayant travaillé avec de nouveaux comédiens dans le cadre de sa nouvelle compagnie Le Théâtre du Rire, crée un sitcom qui marque le retour de Marta, Léonus, Sully Rivière, Rocaya Toihiri, Thierry Salimina, auxquels s’agrègent de nouveaux comédiens. Pour la première fois figure parmi les personnages de cette série celui d’une française continentale totalement réunionisée qui ne parle plus que créole, Apolline Fontaine, interprétée par l’excellente comédienne Stéphanie Longeras.
Bourbon Intérim (2011) de Michel Ethève, auteur venu du théâtre, prend la suite sur Réunion Première, avant d’être remplacé par Super Nano (2011) écrit et dirigé par Jean-Laurent Faubourg qui propose l’année suivante le JT de la République Démocratique de Bourbon (2012). Ce faux journal télévisé est un magazine télévisé satirique. Kolok’s n’Co (2012) de Fred Eyriey remplace Le Boui-Boui sur Réunion Première. La série compte 40 épisodes. En 2014, les Komiks associés sont sur Télé Kréol, puis sur Antenne Réunion, le matin, en 2015.