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Histoire de l’île et situation linguistique de La Réunion

1.2 La dynamique culturelle contemporaine

1.2.1 Carte 3 et 4 Les équipements culturels à l’époque contemporaine (2007)1

Il est important de préciser que les équipements culturels participent à la multiplication des pratiques culturelles et artistiques. C’est pourquoi nous faisons figurer deux autres cartes qui témoignent de l’évolution considérable qui s’est opérée, particulièrement à partir de 1982, en ce qui concerne l’aménagement des équipements culturels. Elles introduisent notre réflexion sur l’historiographie de l’humour créole réunionnais (Chapitre 6).

Ces cartes établies sur les données officielles pour le Conseil de la Culture de l’Éducation et de l’Environnement dénombrent et localisent les équipements culturels sur l’île en 2005. Un premier groupe, dévolu à la culture et aux loisirs, dénombre alors 14 cinémas, 6 conservatoires, 6 écoles de musique, 13 musées, 21 salle de spectacle, 10 théâtres. Un second groupe d’équipements de quartiers et/ou intercommunaux compte 13 médiathèques, 1 foyer rural, 6 cybercase, 10 centres socio-culturels, 177 foyers de quartier, 41 bibliothèques, 80 salles polyvalentes. Ces équipements sont répartis sur l’ensemble du territoire. Comparativement aux autres îles de la zone Océan Indien La Réunion présente une forte évolution de l’aménagement culturel sur son territoire. Ce développement se poursuit encore en termes de constructions d’établissements scolaires, culturels et artistiques. Ces équipements permettent aux quartiers de dynamiser la vie associative et les mouvements d’éducation populaire les ont investis pour y développer des activités culturelles et artistiques, particulièrement dans les foyers de quartiers où les ateliers permettent à la jeunesse de découvrir la musique, le chant, la danse, le théâtre, l’informatique. Ces actions de terrain sont encadrées par les services culturels des municipalités qui mettent en œuvre une politique culturelle communale, relayant également les politiques culturelles départementales, régionales et nationales qui disposent chacune de leur propre institution sur le territoire.

1 Assouline, L., Place de l’activité culturelle dans l’économie de La Réunion, étude de LA Conseil pour le CCEE, avril 2008

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35 1.2.2 Trajectoire médiatique de l’expression créolophone et de l’humour

La présentation du corpus de l’humour à La Réunion est liée à l’évolution des cadres statutaires, institutionnels et technologiques. En ce qui concerne la radio publique, par exemple, elle est rebaptisée dix fois entre sa création en 1929 jusqu’à nos jours. L’actuelle Réunion Première a été Denis (1929-1940), Radio Nationale (1940-1945), Radio-Saint-Denis (1945-1948), R.D.F. Radio-Saint-Radio-Saint-Denis (1948-1949), R.T.F. Radio-Saint-Radio-Saint-Denis (1949-1964), O.R.T.F. Radio-Saint-Denis (1964-1975), FR3 Réunion, (1975-1982), RFO Réunion (1982-1999), Radio Réunion (1999-2010). L’ORTF organise des radio-crochets permettant à des Réunionnais d’obtenir « le premier prix de la chanson française » en interprétant les standards européens de l’époque. Avec La rosée tombée, Benoite Boulard et Maxime Laope vont réussir un tour de force en remportant le premier prix à l’applaudimètre en 1953. Le chanteur confie :

« C’est une date qui compte parce que, pour la première fois, j’étais primé pour un morceau dont les paroles, en créole, et la musique était entièrement de moi. »1

Une étude commandée par le Conseil de la Culture de l’Education et de l’Environnement (CCEE) précise les étapes franchies et celles qui restent à franchir. Concernant l’action publique, il est clairement posé que la question culturelle possède « une dimension éminemment politique ».

« En effet, en restreignant l’usage de la langue créole dans les médias et dans les lieux institutionnels et toute forme d’expression artistique réunionnaise, les pouvoirs publics ont fait de la question culturelle une lutte politique pour la reconnaissance identitaire qui précédera la lutte pour l’égalité des droits. »2

La première période de la départementalisation, de 1946 à 1982, se caractérise à la Réunion par une politique culturelle d’assimilation. L’ensemble des collectivités sont sous la tutelle du préfet. Le rapport fondateur du CCEE dénonce « une politique d’assimilation outrancière ou une absence de politique » où il n’aura pas été possible « de vivre pleinement sa pluralité sur la base du respect, de l’échange et de l’enrichissement mutuel. » LA Conseil pose que l’action culturelle publique « a été, tout d’abord, dynamisée et impulsée par l’Education populaire à La Réunion ». En multipliant les projets à partir des années 1970 le mouvement associatif

1 Cerneaux, E. et Guillot, B., Maxime Laope, un chanteur populaire, La Réunion, Editions La Barre du Jour, collection Souvenirs, textes et chansons, 1999

2 Assouline, L., op. cit.

36 devient « le premier moteur de l’action culturelle réunionnaise ». L’activité culturelle se développe de manière inégalitaire :

« La petite élite intellectuelle qui met un point d’honneur a multiplié les études et les débats scientifiques, littéraires, artistiques, évite d’être en contact avec les gagnes petits. Elle qualifie encore leur culture de sauvage. Elle colonise tous les nouveaux lieux de diffusion culturelle : CRAC, ciné-club. La culture des pauvres reste une culture de la nuit. »

En supprimant la tutelle du préfet, la loi « Droits et Libertés » promulguée le 2 mars 1982, marque un tournant institutionnel capital pour La Réunion, puisque la Région, se dotant comme les autres Régions d’Outre-Mer, d’un CCEE, formulera une définition de la culture réunionnaise (cf. 2.6).

« C’est ainsi que l’expression « militant culturel » s’entend souvent pour décrire l’engagement politique pour la défense et le respect de l’identité réunionnaise notamment dans sa dimension culturelle. »

Les boîtes de productions audiovisuelles sont montées par des professionnels venus du continent français. Petit à petit grâce aux humoristes le créole va entrer dans les premières publicités, on se souvient du slogan de Daniel Vabois « le goût oté ». Bruno Cadet qui était un des rares réunionnais dans le milieu de la création publicitaire, spécialisé en image de synthèse, témoigne de l’évolution du regard porté sur la langue créole qui, au départ, n’aurait pas dû être rattachée au produit pour ne pas le dévaloriser. Lors de nos entretiens, Thierry Jardinot aussi s’est indigné de la longue absence d’une voix créole dans les réclames. L’étude de cette conquête et du basculement de point de vue sur la langue créole reste à faire, ce que nous pouvons avancer, c’est que le tournage et le montage de VHS d’humoriste créole réunionnais a impulsé une proximité avec les boites de productions ayant permis l’utilisation de ces mêmes humoristes dans des tournages publicitaires.

De nos jours, l’emploi du créole dans les écrans publicitaires est généralisé à l’oral comme à l’écrit, dans les spots radiophoniques et télévisuels. Seule l’information, malgré quelques tentatives passées, demeure francophone, exceptée pour les micro-trottoirs.

1.2.3 Productions humoristiques : du monde à La Réunion.

La radio arrive à La Réunion en 1927. Alors que Charlie Chaplin tourne ses films muets, que les Frères Marius et Ary Leblond prennent le relais des grands poètes du dix-neuvième siècle et rêvent de poursuivre la mission civilisatrice française dans les pays de l’océan Indien,

37 Georges Fourcade vient se placer dans le sillage à la fois d’une chansonnière comme Célimène et d’un auteur comme Louis Héry.

En France continentale le début de l'audio-visuel français est investi par Maurice Chevalier, figure du music-hall, et à partir de 1950 par des humoristes comme Robert Lamoureux, Pierre Dac ou Fernand Raynaud. La France continentale a connu mai 68, les nouveaux humoristes sont Coluche, Le Luron. À la même époque commence The Benny Hill Show (1969-1989).

Selon Bruno Cadet, c’est la fin d’une chape de plomb dans la société, surtout au niveau du langage : « Si ou dizé totoche ton momon an 1950 ou prené in taba dans la figure. » (Si tu jurais en 1950 tu prenais une claque dans ta figure) Ce changement de société est national. Le jeune Thierry Jardinot admire Thierry le Luron et Coluche.

Dans les années 80, à la télévision française on rit avec Le petit théâtre de Bouvard (1982) et Les Nuls en 1987 qui resteront actifs jusqu’à la fin des années 90. Les Inconnus fondés en 1984 commencent à la radio et au théâtre. Avec l’élection de François Mitterrand en 1981, le paysage médiatique réunionnais va s’ouvrir, Radio France Outre-mer (RFO) n’aura plus le monopole de la radio et de la télévision.

Dans le domaine de l’audiovisuel, alors que le monde entier rit avec Mister Bean 1990 / 1995 et que Les Inconnus rejoignent Antenne 2, l’île voit la création d’Antenne Réunion en 1990. L’apparition d’écran publicitaire à La Réunion, avant et après le journal, va voir naître plusieurs boites de productions comme ICV, Cacao production qui édite les premières cassettes de Thierry Jardinot, Vibrason Productions Audiovisuelles créée en 1987 a réalisé « Vous prendrez bien impro » sur antenne Réunion en 1997.

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Chapitre 2