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Le secteur privé réduit au rang de sous-traitant

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 90-100)

CHAPITRE 1 : Origines et fondements du modèle centralisé

2. Le secteur privé réduit au rang de sous-traitant

Le rôle des manufacturiers industriels a été peu étudié en raison de l’accès difficile aux sources et du rôle central d’EDF236. La nationalisation a engendré une redéfinition du secteur237. Dans tous les pays où ce mode de gestion a été adopté, elle a été synonyme d’évincement des groupes étrangers de ces entreprises. De ce fait, le cadre européen préexistant a éclaté par l’instauration d’une primauté de l’échelle nationale (les sociétés étrangères investissaient en France). Ces sociétés se retrouvent en effet alors en face d’un seul acheteur (producteur/distributeur) qui dans le même temps définit les standards techniques, organise la recherche ou construit les laboratoires. En somme, les industriels deviennent de simples sous-traitants à qui on a « confisqué » l’innovation238. Les sociétés privées, ou à capitaux en partie privés, interviennent par exemple dans la mise en œuvre des centrales nucléaires mais ne sont pas responsables de l’ensemble. EDF est maître d’œuvre chargé de coordonner ces différents intervenants, marquant ainsi la primauté du service public sur le

234 Dans les années 1980, ces entités changeront de nom mais pas de rôle.

235 PICARD, et al., 1985, Histoires de l'EDF : comment se sont prises les décisions de 1946 à nos jours p.132 ; BOUNEAU, et al., 2007, Les réseaux électriques au coeur de la civilisation industrielle.

236 Voir à ce propos l’article d’Yves BOUVIER sur la CGE (BOUVIER, 2009, Qui perd gagne : la stratégie industrielle de la Compagnie Générale d’Electricité dans le nucléaire, des années 1960 à la fin des années 1980).

237 Voir notamment les articles d’Yves BOUVIER et de Christophe BOUNEAU dans BOUNEAU, et al., 2010, Les trajectoires de l'innovation technologique et la contruction européenne : des voies de structuration durables

?

238 Ibid., p.159.

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privé239. Il existe notamment en matière d’électrotechnique nucléaire trois sociétés en concurrence capables de fournir des composants de centrales (chaudière, cuves, etc..), ces sociétés faisant elles-mêmes travailler des sous-traitants. Derrière le monopole on trouve ainsi différentes sociétés à capitaux nationaux ou internationaux, publics ou privés comme le Groupe Schneider, la Compagnie Générale d’Électricité (CGE), FRAMATOME ou Alsthom.

Une « diversité » favorisée par EDF qui peut de ce fait maintenir une forme de concurrence et bénéficier d’un rapport de force favorable. En contrepartie, les entreprises de travaux publics dont une part de l’activité est consacrée au nucléaire disposent d’une vision à long terme et de la contribution du maître d’ouvrage, par exemple dans le cadre des études préalables.

« Le réseau d’acteurs qui ont porté le développement de l’énergie nucléaire est étroit, longtemps fermé aux influences politiques et dirigé de façon centralisé en s’appuyant sur une élite spécifique, homogène et ayant le monopole de l’expertise légitime, écrit Denis VARASCHIN. Les trois acteurs-clés sont l’entreprise électrique publique EDF, le constructeur de réacteurs Framatome et l’agence de R & D nucléaire, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), qui est propriétaire de la compagnie du combustible nucléaire Cogema »240.

Pour mettre en œuvre sa politique et moderniser le secteur électrique comme il l’entend, l’État doit aussi s’appuyer sur des organismes de recherche et développement dédiés. C’est dans cet objectif que sont créés le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et la branche recherche d’EDF. Le CEA, en prolongement de ses recherches sur l’atome militaire, puis rapidement EDF, vont travailler au développement du nucléaire civil qui représente le cœur de la recherche d’après-guerre. Les deux établissements publics sont en concurrence jusqu'à la fin des années 1960 pour la construction des réacteurs241. Finalement, le CEA concentrera ses recherches sur les matières nucléaires, les applications militaires, la recherche fondamentale, la protection et la sûreté nucléaire ainsi que les applications industrielles nucléaires242. EDF se focalisera de son côté sur la production d’électricité.

L’État procède en effet dès la fin des années 1960 à un regroupement de l’électrotechnique nationale avec en 1969 l’intégration d’Alsthom dans la CGE, dont il est actionnaire majoritaire, puis la nationalisation de cette même CGE en 1982. Dès 1973, en remplacement d’une situation de concurrence et d’oligopole, l’exécutif décide donc de simplifier la carte de l’industrie électrique et de créer un complexe industriel faiblement lié au

239 Malgré la protestation des constructeurs, gênés dans leurs souhaits de construire des centrales clé en main à l’étranger (PICARD, et al., 1985, Histoires de l'EDF : comment se sont prises les décisions de 1946 à nos jours, p.193).

240 FINON, 2009, Force et inertie de la politique nucléaire française. Une co-évolution de la technologie et des institutions, p.187.

241 Les deux organismes développent ensemble un réacteur pour produire le plutonium à destination de l’armée et des centrales nucléaires.

242 COUTROT, 1981, La création du Commissariat à l'énergie atomique.

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reste de l’économie sous forme de monopoles bilatéraux autour de d’EDF-Empain-Schneider (fabricant de centrales sous la licence américaine Westinghouse avec ses sociétés Framatome et Creusot-Loire) et d’EDF-CGE (fabricant de turbo-alternateurs via Alsthom-Atlantique)243. Progressivement, la filière est donc organisée autour du CEA (R&D, combustible, sécurité), EDF (maître d’ouvrage et maître d’œuvre des centrales nucléaire), Empain-Schneider (cœur de centrales) et la CGE (turbo-alternateurs).

A la suite de la mise en place de cette organisation de plus en plus concentrée, l’État capte par conséquent une grande part des compétences dans le domaine. L’organisation du secteur de l’électricité va se perfectionner avec le regroupement d’ingénieurs issus des grandes écoles autour d’une « double mystique » : une mystique administrative du service public et une autre, spatiale, ayant pour objet l’aménagement du territoire. Des grands corps de l’État qui possèdent une conception qualifiée habituellement de jacobine de l’intérêt général : « l’autre facteur de continuité a résidé dans les hommes qui eurent à appliquer cette politique. Issus de la haute fonction publique, ils avaient pour eux à la fois la compétence, la légitimité et les postes-clés. En effet, cette politique fut justifiée par l’intérêt général et, par voie de conséquence, a donné un poids très important à ceux qui représentaient la compétence technique de la puissance publique, à savoir les Grands Corps »244.

Le Corps des Ponts est classiquement intervenu dans le domaine électrique, surtout quand il s’agissait de construire des barrages, le Corps des Mines dans le pétrole et le nucléaire245. Le premier de ces corps est le celui des Ponts et Chaussées, intervenant surtout dans le secteur hydraulique. Il est au départ le mieux représenté au sein d’EDF246 avec le développement de l’hydraulique, lorsqu’un réseau de gestionnaires se crée autour de l’électricité associant compagnies privées et État durant l’entre-deux-guerres. Avec l’augmentation de la part du nucléaire, c’est cependant le corps des Mines qui est davantage mis en avant et va symboliser la confiscation d’un secteur d’activité tout entier et par extension du secteur électrique dans son ensemble247. La recherche et la gestion dans ce domaine du nucléaire est en effet depuis

243 GUILLAUMAT-TAILLIET, 1987, La France et l'énergie nucléaire : réflexions sur des choix, p.198-199. Le groupe SCHNEIDER a acquis la licence de l’américain WESTINGHOUSE PWT (Pressure water reactor) pour la France à la fin des années 1950. Avec les groupes EMPAIN, MERLIN-GUÉRIN et WESTINGHOUSE, il fonde FRAMATOME (franco-américaine de construction atomiques) dont le capital changera de mains plusieurs fois (entre public et privé). En 1981, son capital est par exemple réparti entre le CEA et le Creusot-Loire, avant que le CEA n’en devienne l’unique actionnaire.

244 POUPEAU, 2008b, Les politiques énergétiques locales, p.23.

245 BELTRAN, 1998a, La politique énergétique de la France au XXe siècle : une construction historique, p.7.

246 Les forts liens qui unissent l’école des Ponts et EDF sont développés par PICARD, et al., 1985, Histoires de l'EDF : comment se sont prises les décisions de 1946 à nos jours, p.23-39.

247 Attention, s’il y a un réel « effet de corps », il ne faut cependant pas généraliser. L’un des grands artisans du programme nucléaire n’est autre que Marcel BOITEUX passé par Science-po et l’École normale supérieure.

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les origines un secteur avec un nombre d’acteurs très réduit, composé de spécialistes gravitant pour la plupart autour de la fonction publique d’État. De ce fait, lorsque le mode de production électronucléaire s’est imposé dans un contexte par ailleurs peu favorable à l’« horizontalité », l’organisation spécifique de ce secteur s’est mécaniquement imposée en restant configurée dans une logique de corps autour d’un groupe restreint d’acteurs. De ce fait, on croise souvent les mêmes responsables à la tête des entreprises publiques, des organismes d’État, ou bien des ministères248.

La question de « l’effacement » du pouvoir politique au profit du pouvoir technique (et donc de la technocratie) est une évolution majeure dans le jeu d’acteurs internes au système électrique durant la période de nationalisation. Comme les compagnies privées avaient jadis en partie confisqué aux communes le développement et la gestion de l’électricité par leurs compétences techniques, les technocrates bénéficient des progrès considérables réalisés dans le secteur dès l’après-guerre et de la complexification du système pour se rendre indispensables. Un pouvoir qui, selon les auteurs, n’est pas ou peu contrebalancé par le politique249. Cette configuration spécifique, qui repose sur une conjonction de facteurs d’ordre aussi bien technique qu’organisationnel, engendre un effet centralisant et homogénéisant très fort qui va progressivement devenir le signe distinctif du modèle français de l’électricité.

3. Un modèle de régulation homogène et monoscalaire a. L’e e ple des ta ifs de vente de l’ le t i it

C’est la FNCCR qui persuade l’État et EDF de lancer les discussions sur la péréquation tarifaire qui aboutiront à la création d’une nouvelle tarification250. Nous l’avons dit, les prix variaient avant la nationalisation selon les compagnies qui négociaient le montant avec l’autorité concédante. Les tarifs dépendaient donc des résultats des négociations et/ou des facteurs géographiques. Cette situation avait abouti à des disparités nationales importantes qui avaient fait l’objet d’une intervention de l’État dès les années 1930. Des tarifications locales ont aussi perduré alors que la tendance était au changement d’échelle par la constitution de holdings ou que les prémices d’une politique électrique d’envergure nationale se faisaient

248 PUISEUX, 1982, Les bifurcations de la politique énergétique française depuis la guerre, p.610.

249 Marcel BOITEUX confirme par exemple le rôle de l’exécutif dans les grandes décisions qui régulent tout le secteur (BOITEUX, 1993, Haute tension) tandis que d’autres le remettent en cause (SIMONNOT, 1978, Les nucléocrates).

250 POUPEAU, 2007a, La fabrique d'une solidarité nationale. Etat et élus ruraux dans l'adoption d'une péréquation des tarifs de l'électricité en France p.15.

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sentir251. Quelques spécialistes de l’État, d’EDF et de la FNCCR vont dès lors se lancer dans de longues négociations dont les associations d’usagers et les villes sont étonnamment exclues. La péréquation ne découle pas directement de la loi de nationalisation car elle était susceptible en 1946 de compliquer l’adoption déjà difficile de la nationalisation. En effet, si les parlementaires étaient d’accords sur le fait de nationaliser le secteur de l’électricité impliquant le transfert de la propriété des entreprises à l’État dans l’intérêt général, ils étaient en revanche opposés à une étatisation du secteur qui consisterait à faire de celui de l’électricité un simple service du ministère de l’Industrie ou des Finances252. Or, la péréquation tarifaire se serait inscrit dans ce deuxième cas de figure en réduisant les prérogatives des autorités concédantes et en engendrant une centralisation jugée excessive. Eu égard à ces réticences et après de longues négociations débutées en 1947, la péréquation totale des tarifs entre ville et campagne au niveau des départements est finalement adoptée en 1963 soit quinze ans plus tard253. Mais il faudra attendre 1972 pour qu’EDF impose la péréquation totale auprès des élus. Un cheminement plus long et complexe qu’on aurait pu l’imaginer a priori. Dans ce système, les usagers paient un montant déconnecté des coûts de production et de transport de l’électricité réels que leur consommation induit. La péréquation consiste en effet à appliquer un tarif similaire à une même catégorie d’usagers, indépendamment de leurs localisations géographiques et des coûts de revient réels de l’électricité qu’ils consomment.

Ainsi, un particulier ou un industriel qui se situe à côté d’une centrale de production ou un autre vivant dans un lieu reculé paient un prix similaire. Les zones favorisées, où il est possible de faire des bénéfices, doivent pouvoir financer les zones où le développement de ce même service n’est pas rentable afin de supprimer les disparités territoriales. Cette unification des tarifs ville/campagne, qui s’exprimait rappelons-le depuis les années 1930 avec la création du FACÉ, est la pierre angulaire du modèle de service public en cours de définition après-guerre.

Les prix, dont on a vu qu’ils sont un élément essentiel, sont désormais fixés par la Direction des prix du ministère des Finances254. Les investissements dépendent pour leur part des directions du Budget et du Trésor, après avoir été majoritairement maîtrisés par les communes depuis 1906255. Le processus de péréquation entre dans le cadre de ce que François-Mathieu POUPEAU a qualifié de « fabrique d’une solidarité nationale »256 et qui recouvre différents éléments unifiés à cette l’échelle afin de renforcer l’égalité et l’équilibre

251 Malgré quelques tentatives d’unification sous l’impulsion de préfets, d’organismes consulaires ou de fonctionnaires de l’État, ibid.

252 Ibid., p.14.

253 Ibid.

254 Ils étaient déjà en partie « régulés » depuis les années 1930.

255 POUPEAU, 2004b, Un siècle d'intervention publique dans le secteur de l'électricité en France, p.7.

256 POUPEAU, 2007a, La fabrique d'une solidarité nationale. Etat et élus ruraux dans l'adoption d'une péréquation des tarifs de l'électricité en France.

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territorial (prix du timbre avec la Poste, des billets de train avec la SNCF ou des billets d’avion avec Air Inter). Dès lors, la question de la péréquation et de son mécanisme prendront un caractère « sacré », en particulier pour le monde rural257.

b. L’a h ve e t de l’i te o e io atio ale

Pour répondre au développement de l’utilisation de l’électricité et satisfaire les objectifs politiques de la nationalisation, les autorités décident de la finalisation de l’interconnexion des différentes parties du réseau national (toutes les communes sont desservies à la fin années 1960). En 1958 sont inaugurées des lignes de 400 kV, véritables autoroutes de l’énergie, tandis que les lignes à 225 kV doublent de longueur entre 1946 et à la fin des années 1980258. Cette interconnexion traduit une forte volonté du pouvoir politique et d’un groupe de décideurs de parvenir à l’universalisation de l’accès à l’électricité et de faire de ce service public un système performant. C’est aussi le résultat d’évolutions techniques et technologiques qui vont rendre cet objectif possible.

Nous l’avons vu précédemment, l’interconnexion nationale a commencé dans les années 1930 et a connu une accélération à partir du plan national de 1938 qui tablait sur une généralisation de l’usage de l’électricité. La création d’un dispatching national l’année suivante a marqué une étape importante dans la création d’un espace électrique national, créant des solidarités et des dépendances entre les différentes régions. Les jonctions entre grands groupes et les connections interrégionales étaient à cette date avancées, la desserte locale beaucoup plus fine et des régions comme la Bretagne ou la Normandie, auparavant fort mal desservies, en cours de désenclavement électrique. Le réseau bouclé est un facteur de sécurité pour l’exploitant en permettant l’alimentation d’un point par plusieurs voies en cas d’avarie. Il s’agit parallèlement d’exploiter l’« effet de foisonnement » du réseau (égalisation par la multiplicité des points de production/consommation). Dans le cadre des systèmes électriques, qui reposent sur un phénomène physique ne pouvant pas se stocker et devant toujours présenter un équilibre entre offre et demande, cet effet a pour principe de réduire la sensibilité aux variations du système259. Son principal inconvénient reste toutefois l’existence

257 Elle est une garante de l’équilibre ville/campagne pour les territoires ruraux, un outil au maintien de la centralisation et de la place de l’État pour les jacobins, remis en cause par l’accroissement des pouvoirs locaux et de la montée en compétence de l’Europe, ainsi qu’une arme contre la libéralisation pour les défenseurs de l’idée de nationalisation (ibid.).

258 BOUNEAU, et al., 2007, Les réseaux électriques au coeur de la civilisation industrielle.

259 Par exemple, la diversité des modes de production selon les régions est un moyen d’équilibrage. C’est également vrai pour les maximums de production hydrauliques qui sont décalés d’un point de vue temporel entre les Alpes et le Massif Central.

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de pertes d’énergie lors du transport qui s’élèvent autour de 10% dans les années 1960260. Comme ce fut le cas pour l’électrification rurale dans les années 1920-1930, l’interconnexion qui a lieu après la Seconde Guerre mondiale traduit une volonté politique d’accentuer l’unité nationale, une nécessité d’apporter de la sécurité au réseau et le besoin de mutualiser un potentiel de production mal répartie sur le territoire. Il faut rééquilibrer ces disparités et lui permettre une croissance plus homogène qui passe par l’utilisation de l’électricité.

Les dirigeants conçoivent cette interconnexion sous la direction de l’État, en mesure d’imposer localement ce qui est jugé comme profitable à la nation toute entière (intérêt général), et dans des limites géographiques exclusivement nationales. Notons que si l’interconnexion est nationale, la logique de gestion du système reste régionale. Les connexions interrégionales venant en effet simplement s’ajouter aux réseaux de transport et de distribution régionaux préexistants. On observe alors une polarisation toujours plus élevée du réseau de transport en direction de Paris, déjà en cours avant la Seconde guerre. Une colonne vertébrale électrique va ainsi se constituer entre le Massif Central et Paris (cf. figure suivante). Malgré la ceinture de centrales thermiques qui entoure la capitale, sa croissance nécessite l’importation d’électricité d’autres régions. Il faut faire venir le charbon et le gaz naturel pour alimenter les centrales thermiques et le courant électrique de toutes les régions françaises lors des pointes de consommation261.

260 VEYRET-VERNER, 1961, Electricité et Gaz en France de 1952 à 1960, p.425. Les pertes s’élèvent aujourd’hui à environ 2% pour le réseau de transport et 6% pour le réseau de distribution (d’après RTE et ErDF).

261 Ibid., p.430.

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Figure 5 : Le réseau de transport électrique à la fin des années 1950, de 150 à 380 kV (VEYRET-VERNER, 1961)

A côté de ces facteurs techniques, une « mystique » de l’interconnexion se développe très tôt262. Une doctrine connexe à celle qui promeut les équipements thermiques ou hydroélectriques – et ensuite dans les années 1960 nucléaires – de grande taille. Les tranches de centrales nucléaire sont d’une puissance de 300 MW à la fin des années 1970 mais atteignent 900 MW dans la décennie suivante. Parallèlement à la fermeture progressive de vieilles centrales de moins de 100 MW, les ingénieurs recherchent les économies d’échelle.

Ces centrales nucléaires se concentrent dans des zones précises du territoire en raison de contraintes techniques et sociales. Techniquement, les centrales ont besoin d’eau pour leurs circuits de refroidissement (en grande quantité s’il n’y a pas d’aéroréfrigérants) ce qui

262 BOUNEAU, et al., 2007, Les réseaux électriques au coeur de la civilisation industrielle ; VARASCHIN, 1998, Légendes d'un siècle : cent ans de politique hydroéléctrique française.

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contraint à les implanter le long des fleuves, des rivières ou en bord de mer263. Des facteurs sociaux expliquent également cette répartition avec l’arrêt de projets de centrales à Pellerin et Plogoff en Bretagne, où une partie des élus et de la population a vigoureusement protestée264. Finalement, c’est par l’interconnexion du réseau que la Bretagne est alimentée en cas de demande importante via l’importation d’électricité produite par les centrales nucléaires (Chinon, Civaux, Flamanville), thermique (Cordemais) ou hydraulique (La Rance) alentours.

Ainsi, l’Est, le Nord ou la vallée du Rhône possèdent plusieurs centrales tandis que la Bretagne ou le Sud-ouest n’en sont pas ou peu dotés.

Cette dynamique d’interconnexion se base sur une harmonisation des standards qui opère à différentes échelles. Au niveau national tout d’abord, puis au niveau européen. A l’origine, les réseaux locaux, groupés autour de centrales électriques, utilisaient des fréquences et des

Cette dynamique d’interconnexion se base sur une harmonisation des standards qui opère à différentes échelles. Au niveau national tout d’abord, puis au niveau européen. A l’origine, les réseaux locaux, groupés autour de centrales électriques, utilisaient des fréquences et des

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