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La reconnaissance des territoires énergétiques infranationaux

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 171-174)

Les trois « paquets énergies »

C. Les régulateurs de l’énergie à l’échelle nationale

II. Les collectivités, acteurs montants de la régulation

2. La reconnaissance des territoires énergétiques infranationaux

La territorialisation des politiques publiques est une notion née dans un contexte de décentralisation politique qui a connu un grand succès dans les années 1990 à l’occasion notamment des lois CHEVÈNEMENT, VOYNET (1999) et SRU (2000)509. Elle regroupe plusieurs enjeux autour de l’adaptation des politiques publiques, de la solidarité territoriale, de l’intercommunalité et de la contractualisation entre les collectivités et l’État. Ce nouveau mode d’action s’est notamment concrétisé à travers l’expression « territoires de projets ».

Cette notion est à relier à un ensemble de politiques de soutien au développement territorial reposant sur la constitution de nouveaux périmètres dans le cadre des regroupements de

509 La notion de territorialisation des politiques publiques est définie en introduction. Loi VOYNET du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire Loi CHEVÈNEMENT du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ; SRU, loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain.

Figure 6 : Schéma simplifié des propriétés juridiques attribuées à l’État et aux collectivités territoriales

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communes510. Plusieurs outils d’aménagement et de gestion de l’espace intégrant une composante énergétique ont été mis en place à cette occasion, favorisant une vision stratégique à plus long terme, une approche transversale, ainsi que l’intégration de la concertation et de la communication.

L’agenda 21 local a représenté une première étape importante. Il s’agit d’une déclinaison de l’Agenda 21 adopté lors de la conférence de Rio en 1992. Ce projet a pour objectif de mettre en œuvre les principes du développement durable à l’échelle d’un territoire. Il est porté par une collectivité mais mené en concertation avec d’autres acteurs qui peuvent être des institutions, des entreprises ou des associations. A partir des années 2000, leur nombre s’accroît tandis qu’ils changent de nature511. Dans plusieurs cas, l’Agenda 21 a été le précurseur d’un plan climat énergie territorial (PCET) mais les questions énergétiques n’étaient pas directement traitées initialement en raison de l’absence de leviers des collectivités dans ce domaine (diagnostics, évaluations, perspectives, information du public sur les questions de développement durable, etc.)512.

Les schémas de services collectifs créés dans le cadre de la loi VOYNET en 1999 marquent une seconde étape significative en mettant en place neuf documents cadres nationaux de planification, dont un dédié spécifiquement à l’énergie. Ils identifient plusieurs niveaux de gestion (territoires de projets) qui sont le pays, l’agglomération, et surtout la région. A la différence des agendas 21, il s’agit de documents élaborés par la Délégation à l’aménagement du territoire (DATAR, relié au Premier ministre) sur la base d’une consultation dans la région concernée et qui proposent une planification à 20 ans513. Ses objectifs sont de définir pour chacune d’entre elles des objectifs en matière d’exploitation de ressources locales d’énergies renouvelables, d’utilisation rationnelle de l’énergie et de permettre de développer la dimension territoriale locale de l’énergie514. Mais il s’agit alors

510 DOUILLET, 2003, Les élus ruraux face à la territorialisation de l'action publique ; FAURE, 2004, Territoires/territorialisation. Kristen KOOP, Pierre-Antoine LANDEL et Bernard PECQUEUR font une distinction utile entre le développement local, qui est une mobilisation des ressources locales destinées aux acteurs locaux, et le développement territorial, qui implique une compétitivité – locale, nationale, mondiale – par la mobilisation de ressources spécifiques (KOOP, et al., 2010, « Pourquoi croire au modèle du développement territorial au Maghreb ? Une approche critique » [En ligne]).

511 BOUVIER, 2005, Les collectivités locales et l'électricité. Territoires, acteurs et enjeux autour du service public local de l'électricité en France ; EMELIANOFF, 2011, Les agendas 21 locaux : quels apports sous quelles latitudes ? ; Ministère de l'Écologie, 2003, Retour d'expérience et éléments de méthodes pour les agendas 21 locaux.

512 Comme pour la commune de Nantes qui en 1997 a lancé un Agenda 21 qui s’est mué en projet intercommunal dans le cadre de la création de Nantes Métropole en 2003 puis en plan climat en 2007.

513 Devenue entre 2005 et 2009 la DIACT, Délégation Interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des Territoires puis intégré en mars 2014 au Commissariat général à l’Egalité des territoires (DGET).

514 DATAR, 2002, Schéma de services collectifs de l'énergie, p.2-3.

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plus d’une démarche d’objectifs que de moyens donnant aux collectivités territoriales, dans le contexte de la libéralisation, des informations pour remplir leurs nouvelles attributions à côté de l’action de l’État : économies d’énergie, valorisation des EnR dans leur patrimoine (réseaux de chaleur, cogénération), études du territoire pour l’implantation d’EnR (ressources en biomasse, sites éoliens, hydraulique), adaptation des documents d’urbanisme pour une meilleure intégration des EnR515.

Localement, un certain nombre de programmes sont également dédiés à l’énergie comme par exemple les opérations programmées d’amélioration thermique des bâtiments (OPATB) ou les actions territoriales pour l’environnement et l’efficacité énergétique (contrats ATEnEE)516.

Les OPATB découlent du programme national d’amélioration de l’efficacité énergétique de 2002 (PNAEE) qui s’inscrit à son tour dans les engagements climatiques internationaux pris par la France dans le cadre des accords de Kyoto517. L’objectif est de maîtriser les consommations par l’animation et l’aide aux travaux de maîtrise de l’énergie dans le secteur tertiaire, privé et public. Il s’agit principalement d’effectuer des rénovations thermiques de bâtiments mais aussi de développer l’utilisation des énergies renouvelables. Ces opérations, qui ont connu un certain succès depuis 2002, sont coordonnées localement et gérées par les collectivités qui financent une partie des travaux avec l’aide de l’État (ADEME et ANAH, Agence nationale de l’Habitat). Certaines comme Grenoble s’impliquent même beaucoup financièrement et opérationnellement518. Elles sont donc les maîtres d’œuvres locaux d’une politique nationale de rénovation énergétique qui parvient en revanche plus difficilement à se généraliser à l’échelle nationale.

Les contrats ATEnEE (Action territoriales pour l’environnement et l’efficacité énergétique) représentent également un autre indicateur d’un changement au début des années 2000. Ils s’adressent aux intercommunalités (agglomérations, pays et parcs naturels régionaux) et ont pour objectif d’aider les acteurs locaux à intégrer dans leur politique les

515 DAMBRINE, 2000, Le schéma de services collectifs de l'énergie.

516 Il en existe d’autres que nous ne citons pas ici. Sans remonter aux syndicats, l’association des territoires locaux concernant les sujets relatifs à l’énergie ne représente pas une nouveauté lorsque la libéralisation débute, citons par exemple les Plans d’aménagements rural (PAR) ou les « contrats de pays » proposés par l’État entre 1975 et 1980, et menés par le ministère de l’Agriculture (voir DOUILLET, 2003, Les élus ruraux face à la territorialisation de l'action publique).

517 ADEME, 2010, OPATB : Retour d'expériences et pistes pour l'avenir.

518 « L’observation de l’agglomération grenobloise permet de souligner combien les collectivités territoriales y jouent un rôle majeur, tant dans le financement que dans la définition du programme d’actions, l’accompagnement et le ciblage des populations bénéficiaires » (DEBIZET, 2011a, La rénovation énergétique des bâtiments en France entre marché, actions territoriales et dispositions nationales. Retour d’expérience des OPATB de l’agglomération grenobloise ; DEBIZET, 2011b, La rénovation énergétique des bâtiments est-elle possible ?).

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enjeux environnementaux, d’efficacité énergétique et de limitation des émissions de GES. Ces contrats sont menés par l’ADEME et la DATAR qui apportent leur soutien humain, technique et financier. En 2007, ils sont devenus des contrats d’objectifs territoriaux (COT)519.

Le point commun de ces différentes démarches, même si elles ne représentent pas des dispositifs généralisés à l’ensemble du territoire national et ne sauraient recouvrir l’ensemble des démarches, a été de renforcer l’idée que les territoires locaux sont pertinents pour ce qui relève de la gestion de l’énergie ou de certains de ses aspects. Ils deviennent légitimes au même titre que le périmètre national dans la mise en œuvre des politiques publiques de l’énergie. Parallèlement, les collectivités territoriales voient aussi progressivement leur rôle institutionnalisé par la coïncidence entre la nécessité de territorialiser localement les mesures nationales d’une part, et la volonté croissante des territoires institutionnels locaux de s’impliquer dans le champ de l’énergie d’autre part.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 171-174)