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Les AOD et leurs compétences

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 183-187)

Les trois « paquets énergies »

B. L’AOD : renaissance et rénovation d’une compétence historique

1. Les AOD et leurs compétences

La compétence d’autorité organisatrice de la distribution est exercée par les collectivités depuis les origines de l’électrification mais elle est paradoxalement restée peu connue compte tenu de la nationalisation. Guillaume BOUVIER rappelle par exemple que lors de la tempête de 1999, les sinistrés se sont d’abord retournés vers EDF et non vers les autorités concédantes, propriétaires des réseaux de distribution et en charge service public de l’électricité, c’est-à-dire les communes ou les syndicats intercommunaux535. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs éléments sont néanmoins progressivement venus réactiver ce rôle tout en impliquant une évolution dans l’exercice de leurs prérogatives.

La renégociation du modèle de cahier des charges entre la FNCCR et EDF en 1992 peut être considérée comme l’amorce d’un renouveau du pouvoir concédant536. Cet évènement exprime la mise à jour des relations entre le concédant et le concessionnaire par l’abrogation

535 BOUVIER, 2005, Les collectivités locales et l'électricité. Territoires, acteurs et enjeux autour du service public local de l'électricité en France, p.203.

536 Institut de la Gestion déléguée, 2001, La place de la gestion déléguée dans le secteur de l'électricité au lendemain de la loi du 10 février 2000 ; POUPEAU, 2007b, Le "service public territorialisé", nouveau modèle de gouvernance des grands réseaux de service public en France.

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du précédent cahier des charges, élaboré par l’entreprise publique EDF, et son remplacement par un contrat de concession classique entre deux entités537. Cette mise jour d’un document contractuel ancien témoigne aussi d’un changement de positionnement des AOD dont le poids augmente vis-à-vis des concessionnaires. Ce faisant, la FNCCR, née durant l’Entre-deux-guerres, a retrouvé son rôle historique de représentation même si le caractère moins rural de la société a repositionné l’association dans un jeu plus complexe (ex. rôle des associations de grandes villes)538. Son rôle a en effet été favorisé en 1992 par EDF lors du renouvèlement des contrats de concession pour des raisons d’efficacité, l’entreprise publique souhaitant s’adresser à un nombre restreint d’interlocuteurs.

Quelques années après la renégociation du cahier des charges, la directive de 1996 et la fin du monopole d’EDF ont été salués par la fédération. Un évènement qui était synonyme de davantage de marge de manœuvre et d’une renaissance attendue du pouvoir des communes dans le domaine de l’électricité et du gaz539. La compétence d’autorités concédantes a ensuite et surtout de nouveau été réaffirmée dans la loi du 10 février 2000, ouvrant les réseaux à la concurrence.

Les communes exercent leur compétence d’autorité concédante principalement dans le cadre d’une coopération intercommunale qui prend la forme d’un syndicat d’énergie, parfois encore appelés syndicat d’électricité (cf. chapitre 1). Le syndicat reste le mode privilégié de l’exercice du pouvoir concédant depuis les regroupements opérés dès l’Entre-deux-guerres540. Il s’intègre comme suit dans l’organisation locale de la distribution d’électricité (cf. schéma suivant).

537 Voir l’historique qu’en fait Jean-Marie PONTIER (PONTIER, 2013a, Les Entreprises locales de gaz et d'électricité).

538 Elle regroupe encore à ce jour la grande majorité des autorités concédantes françaises qui peuvent être des communes, des EPCI – surtout des syndicats –, ou des départements. Sur le rôle montant de ces associations de collectivités, voir le chapitre 2, II.

539 Rapport de 1997 de la FNCCR cité par FERNANDEZ, 1999, Les lumières de la ville. L'administration municipale à l'épreuve de l'électrification, p.121.

540 Pour mémoire, les communes ont en effet eu très tôt la possibilité de se regrouper de la sorte pour la distribution de l’électricité (loi du 22 mars 1890). Ce fut même pour beaucoup la seule solution pour peser face aux trusts qui se sont constitués à partir de début du XXe siècle. Durant la période de nationalisation, leur activité a été quelque peu modifiée avec l’instauration du monopole. C’est surtout par l’intermédiaire de la FNCCR, organisme qui les fédère à l’échelle nationale, que les autorités concédantes ont fait entendre leur voix. Elles ont même participé à l’élaboration et à la conduite du système pendant des décennies comme nous avons pu le voir dans le premier chapitre.

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Figure 7 : Les acteurs locaux de la concession d'électricité541

On distingue l’intercommunalité technique (les syndicats) de l’intercommunalité politique (les communautés urbaines, d’agglomération ou de communes). L’intercommunalité technique est réalisée sur le mode associatif, ce qui explique son succès. Elle se caractérise par une souplesse de fonctionnement et la possibilité d’adhérer « à la carte ». C’est-à-dire qu’il est possible de choisir quelles compétences seront exercées par le syndicat au nom de l’autorité concédante. Elle ne repose pas non plus sur une fiscalité propre, chaque membre apportant sa contribution542. Les compétences sont par conséquent différentes d’un syndicat à l’autre. Cette distinction faite, les autorités organisatrices peuvent ensuite se regrouper en syndicats primaires, c’est-à-dire regroupant quelques communes (en voie de disparition), ou en syndicats départementaux, forme aujourd’hui privilégiée.

Ces syndicats sont composés d’élus locaux pouvant regrouper de grands bassins de population. Le plus grand d’entre eux, le SIPPEREC (Ile-de-France), comprend 3 350 000 habitants répartis sur 80 communes. Leur influence peut par conséquent être grande et ne

541 CRAC, compte-rendu d’activité de concession ; FNCCR, Fédération national des collectivités concédantes et régies ; TRV, tarifs régulés de vente d’électricité ; TURPE, Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité ; ELD, entreprises locales de distribution ; SICAE, société d’intérêt collectif agricole d’électricité ; SEML, société d’économie mixte locale ; CNR, Compagnie nationale du Rhône.

542 A l’inverse, l’intercommunalité politique est fédérative, c’est-à-dire qu’elle se caractérise par : une organisation plus rigide, une liste de compétences obligatoires minimums à déléguer à cette structure et enfin l’existence d’une fiscalité propre (levée des impôts).

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cesse de s’accroître depuis quelques années543. L’enterrement du rapport PIKETTY qui préconisait en 2001 de transférer la compétence de maîtrise d’ouvrage à EDF concernant les investissements en zone rurale pour sécuriser le système électrique français est par exemple venu le rappeler544. « Une telle recommandation, si elle était suivie d’effets, empêcherait les collectivités de mettre en œuvre des solutions intelligentes, décentralisées et coordonnées », dira le directeur de la FNCCR. Ces syndicats restent aujourd’hui des marchepieds potentiels pour les élus locaux comme ce fut le cas avant la nationalisation. Pour les plus hauts responsables de ces syndicats « […] il est un outil de pouvoir et d’influence personnelle. Que cette intention soit déclarée ou non, la présidence d’un syndicat représente toujours une opportunité vers la conquête d’un mandat départemental au Conseil général, voire national au Sénat » écrit Guillaume BOUVIER545. En vertu de la délégation de compétence, les syndicats disposent d’un pouvoir de contrôle sur les concessionnaires gestionnaires de réseau (ErDF ou une ELD), dans le cadre du contrat de concession de service public qui lie par ailleurs le concessionnaire et un opérateur pour la fourniture au tarif réglementé. Au centre de la relation entre concédant et concessionnaire se trouve le compte-rendu annuel de concession (CRAC) réalisé par le concessionnaire qui décrit les opérations réalisées durant l’année et les soumet au contrôle de l’AOD546.

Les syndicats assurent la maîtrise d’ouvrage dans le cadre du régime rural de la distribution d’électricité (cf. encadré). Ils sont amenés à s’occuper des questions de production distribuée547.

543 BOUVIER, 2005, Les collectivités locales et l'électricité. Territoires, acteurs et enjeux autour du service public local de l'électricité en France. Sur le SIPPEREC, voir BELLANGER et POUPEAU, 2013, Lumières sur la banlieue. Histoire du Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication (SIPPEREC).

544 Du nom du président du Conseil général des mines, chargé en 2000 par le gouvernement d’un rapport sur

« La sécurisation du système électrique français ».

545 BOUVIER, 2005, Les collectivités locales et l'électricité. Territoires, acteurs et enjeux autour du service public local de l'électricité en France, p.74.

546 Son importance a été renforcée en 2011 dans le cadre d’un protocole d’accord signé avec la FNCCR. La nouvelle mouture présente en particulier les principales dépenses d’investissement pour chaque concession ainsi qu’une liste détaillée des travaux réalisés, le tout dans le cadre d’une relation au caractère partenarial plus affiché.

547 « Le Code général des collectivités territoriales réserve aux seules autorités concédantes la possibilité d’aménager, exploiter directement ou de faire exploiter par leur concessionnaire de la distribution d'électricité toute installation de production d'électricité de proximité d'une puissance inférieure à un seuil fixé par décret, lorsque cette installation est de nature à éviter, dans de bonnes conditions économiques, de qualité, de sécurité et de sûreté de l'alimentation électrique, l'extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution d'électricité relevant de leur compétence » (Art. L.2224-33 CGCT).

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Les deux régimes de la distribution d’électricité

La distribution d’électricité est soumise à deux régimes distincts : un régime dit urbain et un régime d’électrification rurale. Dans le cadre du régime rural, les autorités concédantes, à savoir les communes ou leurs établissements publics de coopération (syndicats intercommunaux d’électrification), assurent la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement des réseaux en basse tension, c’est-à-dire de travaux d’extension, de renforcement, de sécurisation et d’amélioration esthétique. Ces travaux sont alors financés par les collectivités. Le fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ) a pour objet d’apporter une aide financière aux collectivités concédantes qui entreprennent ces travaux de développement des réseaux de distribution d’électricité sur le territoire de communes considérées comme rurales. Dans tous les cas (régime urbain ou rural) le renouvellement des réseaux est à la charge du concessionnaire. En régime urbain, c’est le distributeur qui assure la maîtrise d’ouvrage de tous les travaux et qui finance la construction, l’entretien et le renouvellement des ouvrages nécessaires à l’exploitation du service public qui lui est confié par la collectivité548.

Le syndicat peut réaliser, exploiter des installations et devenir producteur d’électricité, souvent grâce à des SEM, pour le compte des communes ou des structures intercommunales qui les composent. Toutefois, si ce moyen d’action pourrait être appelé à se développer, il reste à ce jour un enjeu encore limité.

2. Une rénovation sous le signe de la concentration et de la

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