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LE CADRE THÉORIQUE

II. Dans la deuxième strate, moins stable, changeante nous trouvons :

2.3 L’AVÈNEMENT DE L’INTERCULTUREL ET DU PLURILINGUISME

2.3.4 Le rapport entre interculturel et représentations / stéréotypes

La compétence interculturelle présente une dimension fortement intersubjective, dans laquelle les sujets interagissent pour coproduire du sens (BLANCHET et CHARDENET 2011 : 455) et les individus interprètent le réel. Cette analyse de la réalité se déroule, comme on l’a vu précédemment, à travers la catégorisation des autres avec lesquels le sujet entre en contact pour en faciliter la compréhension. La schématisation concerne souvent les traits linguistiques et culturels et amène une représentation stéréotypée, réductrice, qui, si d’un côté elle permet de gérer la troublante complexité des rencontres, de l’autre elle constitue un frein pour la communication. De cette manière la représentation et le stéréotype finissent par exaspérer le sentiment des différences : le pari de l’éducation interculturelle est exactement la remise en discussion de ces images figées habitant l’individu et l’établissement d’une relation critique et assumée à l’autre.

2.3.5. Le plurilinguisme

Avec la notion d’interculture, les concepts de plurilinguisme et de pluriculturel sont aujourd'hui à la une des études en didactique des langues-cultures. Comme on peut le voir ci-dessous, le site officiel de la Division des Politiques linguistiques du Conseil d’Europe insère le plurilinguisme au début de la liste de ses objectifs.

Les politiques linguistiques du Conseil de l’Europe ont pour objectif de promouvoir :

· LE PLURILINGUISME : tous les citoyens européens ont le droit d’acquérir un

niveau de compétence communicative dans plusieurs langues, et ce, tout au long de leur vie, en fonction de leurs besoins 


· LADIVERSITÉLINGUISTIQUE : L’Europe est un continent multilingue et toutes ses langues ont la même valeur en tant que moyens de communication et d’expression d’une identité. Les Conventions du Conseil de l’Europe garantissent le droit d’utiliser et d’apprendre des langues 


· LA COMPRÉHENSION MUTUELLE : La communication interculturelle et l’acceptation des différences culturelles reposent fortement sur la possibilité d’apprendre d’autres langues 


· LA CITOYENNETÉ DÉMOCRATIQUE : la participation aux processus démocratique et social dans des sociétés multilingues est facilitée par la compétence plurilingue de chaque citoyen 


· LA COHÉSION SOCIALE : l’égalité des chances en matière de développement personnel, d’éducation, d’emploi, de mobilité, d’accès à l’information et d’enrichissement culturel dépend de la possibilité d’apprendre des langues tout au long de la vie

http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Division_FR.asp

La notion de plurilinguisme est née, comme celle d’interculture, à la croisée de l’évolution de la didactique des langues-cultures et du développement de l’espace européen. Comme on le fait pour distinguer le multiculturel de l’interculturel, il convient de préciser que plurilinguisme et multilinguisme ne sont pas synonymes, malgré la diffusion d’un usage indifférencié des deux termes. D’après le dictionnaire en ligne du CNRS, par plurilinguisme on entend l’ « état d'un individu ou d'une communauté qui utilise concurremment plusieurs langues selon le type de communication ; situation qui en résulte » . Précisons encore : le multilinguisme renvoie 65 à la présence, dans une zone géographique déterminée, à plus d’une «variété de

http://www.cnrtl.fr/lexicographie/plurilingue. 65

langues», c’est-à-dire de façons de parler d’un groupe social, que celles-ci soient officiellement reconnues en tant que langues ou non. Dans cette zone géographique, chaque individu peut être monolingue et ne parler que sa propre variété de langue. Le plurilinguisme se rapporte au répertoire des langues utilisées par un individu et il est donc le contraire du multilinguisme. Ce répertoire englobe la variété de langue considérée comme « langue maternelle » ou « première langue », ainsi que toute autre langue ou variété de langue, dont le nombre peut être illimité. Ainsi, certaines zones géographiques multilingues peuvent être peuplées à la fois de personnes monolingues et de personnes plurilingues . 66

Le concept de plurilinguisme est cerné à travers la définition de compétence plurilingue et pluriculturelle :

On désignera par compétence plurilingue et pluriculturelle, la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement possédée par un locuteur qui maîtrise, à des degrés divers, plusieurs langues et a, à des degrés divers, l’expérience de plusieurs cultures, tout en étant à même de gérer l’ensemble de ce capital langagier et culturel. L’option majeure est de considérer qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences toujours distinctes, mais bien existence d’une compétence plurielle, complexe, voire composite et hétérogène, qui inclut des compétences singulières, voire partielles, mais qui est une en tant que répertoire disponible pour l’acteur social concerné

(COSTE, MOORE, ZARATE 1997 : 12 - notre italique).

Cette notion se heurte à des idées courantes en didactique des langues : jusque-là la compétence communicative visée était envisagée sur le modèle du natif en tant que communicateur idéal et on privilégiait une communication « en termes plus langagiers que culturels » (COSTE, MOORE, ZARATE 2009 : 9) ; en outre l’affirmation du sujet comme acteur social change la perspective sur l’apprenant puisqu’elle met l’accent sur la composante active de la communication et le recours aux stratégies nécessaires pour communiquer.

http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/division_fr.asp. 66

Pour faire le point sur cette notion qui occupe les réflexions des chercheurs depuis les années 1990, nous nous appuyons sur les réflexions de Daniel Coste (2013) : très correctement, il déclare que, en ces 20 ans, « une vague de travaux, de projets et de débats » a eu pour thème le plurilinguisme, mais, malgré ce bouillonnement, on constate « le peu de changement dans les pratiques » puisque dans les établissements scolaires et ailleurs la situation n’a pas beaucoup évolué.

Coste (1991) s’interrogeait, l’un des premiers, sur ce que signifie introduire le plurilinguisme à l’école : il s’agirait de rendre possible la diversification de l’offre des langues étrangères dans les systèmes éducatifs et de freiner la montée du tout anglais. Selon Eurostat la place de l’anglais dans l’enseignement scolaire n’a pas cessé d’augmenter en Europe depuis les années 1990 et le phénomène serait strictement lié aux mesurages de niveau de compétence, par exemple ceux selon l’Indicateur européen des compétences linguistiques qui évaluent la qualité de la connaissance de la LE1 et LE2 chez les jeunes de 15 ans. En décrivant des niveaux de compétences 67 insatisfaisants notamment en anglais ces enquêtes renforcent les pays dans l’idée d’un consolidement nécessaire de cette langue, tout cela en continuant à viser la compétence du natif comme le paradigme auquel ambitionner, en rendant possible le sacrifice des autres langues étrangères, en introduisant l’anglais dès l’école primaire, en évitant de se demander si le noeud pour améliorer l’apprentissage des langues résiderait ailleurs.

Plusieurs études démontrent que l’exposition précoce à la langue telle qu’elle est proposée aujourd’hui en contexte scolaire n’est pas en mesure de répondre aux attentes, cependant il faudrait considérer les autres bienfaits que cela peut déterminer en terme d’ « ouverture sur la diversité des langues et des cultures, réflexion sur le langage, rétroaction favorable sur la langue majeure de scolarisation » (COSTE 2013 : 11). Pourtant ces aspects ne sont pas valorisés puisque « ce sont d’autres approches de cet 68 enseignement de langue étrangère qu’il conviendrait d’adopter ».

Première et Seconde Langue Etrangère. 67

Les approches dites plurielles, décrites dans le CARAP (Cadre de Référence pour les Approches Plurielles ) sont les approches mettant en jeu en même temps plusieurs 69 variétés linguistiques et culturelles, n’ayant donc pas une vision monolingue.

Les approches plurielles comprennent : la didactique intégrée des langues ; l’éveil aux langues ; l’intercompréhension ; l’approche interculturelle. L’éveil aux langues (Awareness of Language) naît en 1980 grâce à l’anglais Eric Hawkins (1915-2010) et il s’agit d’un courant pédagogique qui cherche prioritairement à développer des habiletés métalinguistiques favorisant l'entrée dans l'écrit par le passage de la langue maternelle à une langue étrangère, et par la reconnaissance des langues des élèves issus des minorités linguistiques. L’intercompréhension est une pratique de dialogue entre des personnes de langues différentes où chacun s'exprime dans sa langue ou mieux, ainsi que le dit F.J. Meissner (2004 : 22),!: «!par le terme intercompréhension, on désigne la capacité de comprendre une langue étrangère sur la base d’une autre langue sans l’avoir apprise!», pratique envisagée normalement entre langues de la même famille.

Ces démarches se présenteraient aussi comme plus sécurisantes et gratifiantes pour les enseignants obsédés eux-mêmes par ce mythe du locuteur natif, mythe qui suppose que l’enseignement serait mieux assuré par un enseignant natif.

Toutes ces approches s’insèrent dans l’idée de curriculum intégré pour aider l’apprenant à établir les liens entre les langues étudiées : en partant de la langue maternelle ou de scolarisation, favoriser l’introduction d’une première langue étrangère et ensuite, en s’appuyant sur les deux premières, accéder à une autre langue encore.

Malgré « ces ressources mises à disposition et ayant bénéficié d’une mise en perspective théorique solide, de recherches empiriques validantes, d’une réflexion collective internationale […] sont aujourd’hui encore fort peu exploitées […]. On est bien loin d’une politique d’ensemble et le gros des systèmes éducatifs reste imperméable à toute conception d’une éducation plurilingue » (COSTE 2013 : 13-14). Sachant qu’autrefois les thèmes du plurilinguisme n’avaient pas droit de cité dans les sciences du langage et en didactique, il est étonnant de voir l’essor des études sur le

Le CARAP est un document élaboré en 2007 au sein du projet ALC du Centre Européen des Langues 69

Modernes de Graz et publié sous la direction de Michel Candelier pour les éditions du Conseil de l’Europe.

thème et en même temps de constater que cette “révolution” n’a pas touché l’école. De plus, l’image du plurilinguisme, l’idée courante des sujets, est celle d’une juxtaposition de langues, très souvent désordonnée, un concept donc « associé à la confusion, à l’oubli, au mélange » (CASTELLOTTI et MOORE 2002 :14). Un autre problème est celui de la confusion entre plurilinguisme ordinaire et polyglossie virtuose, addition de langues étrangère proposées à l’école, problème qui a été dépassé en incluant dans la réflexion plurilingue la langue première et la langue de scolarisation et en insistant sur le fait que chaque sujet est porteur de plusieurs variétés de langues (régionale, minoritaire, de migration) et qu’il y a pluralité à l’intérieur de toute langue.

Encore plus qu’avec l’interculturalité, le plurilinguisme peut être interprété selon deux visions : l’une utilitariste qui le conçoit comme un instrument pour acquérir des compétences communicatives de type pratique ; l’autre éducative qui s’en sert comme d’un pivot pour diffuser des valeurs humanistes.

Bien que l’antinomie entre les deux points de vue semble claire, les institutions européennes ont l’air d’adopter tous les deux dans la tentative de garder un équilibre difficile.

2.3.6 Est-il possible d’évaluer les compétences interculturelles et