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1.3 L’ÉCOLE ITALIENNE ET L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES ÉTRANGÈRES APRÈS L’UNIFICATION ET JUSQU’À NOS JOURS

1.3.2 Culture et civilisation dans la glottodidactique italienne

Dans le contexte italien, la discipline “langue étrangère” au lycée porte le nom officiel de “langue et civilisation ”. Ce lien semble désormais naturel aux usagers et 35 normalement les mots “culture” et “civilisation” sont utilisés comme synonymes. La didactique des langues étrangères en Italie peut prendre aujourd’hui trois chemins possibles que nous parcourons selon l’analyse de Fabio Caon (2013 et 2014). Elle pourrait donc :

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continuer, comme le font les manuels, avec la présentation classique des aspects typiques et des stéréotypes de la culture du pays concerné ;

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différencier l’étude de la culture/civilisation au collège (y renoncer pour l’anglais enseigné comme lingua franca, tel un outil porteur de rien d’autre que de son utilité internationale, et la réduire pour les autres langues qui ne sont enseignées maintenant que deux heures par semaine ) ; 36

“Lingua e civiltà” ; au collège la nomenclature officielle prévoit la simple expression “Langue”. 35

trois heures avant la Riforma Gelmini de 2009. 36

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renoncer à l’idée traditionnelle de devoir présenter ce qui caractérise un peuple en se focalisant forcément sur les différences par rapport à nous, pour choisir finalement une perspective interculturelle.

L’histoire de la didactique des langues en Italie ressent de l’influence française grâce à laquelle on quittera la méthode grammaire-traduction : Giovanni Freddi (1930-2012), l’un des fondateurs de la glottodidactique italienne, se forme au Centre de Linguistique Appliquée de Besançon où s’affirme l’expression “didactologie des langues cultures” alors que le terme le plus utilisé en France était encore “civilisation”. Les actes du colloque La civiltà nell’insegnamento delle lingue (FREDDI 1968) peuvent être considérés comme le début du changement dans le contexte de la péninsule. D’autres moments fondamentaux : la création en 1969 de la revue Lingua e Civiltà (Lingue, à partir de 1974) envoyée gratuitement pendant une vingtaine d’années aux enseignants et la publication sur ses pages d’articles très importants ; pendant les mêmes années l’apparition de la 37 revue LEND (Lingue e Nuova Didattica) qui contribuait à la réflexion avec d’autres articles 38 et l’entrée dans le débat de la plus ancienne revue italienne de glottodidactique SeLM (Scuola e Lingue Moderne) . 39

Renzo Titone, un autre nom fondamental de la discipline, dans les années 1950 enseigne Psycholinguistique appliquée aux États-Unis et importe en Italie les études de Lado (1957), Brooks (1968) et Seelye (1974). Nous lui devons aussi l’introduction de l’interculturalité puisqu’il est le premier à parler en Italie de la culture comme élément de base de l’identité, et de l’enseignement linguistique comme d’un facteur visant et la

FREDDI G. (1969), “La civiltà nella riforma dei programmi di lingue”, n°1 ; FREDDI G. (1969), 37

“Civiltà-civilisation et pédagogie des langues”, n°2 ; BERNARDI P. (1972), “Lingua, cultura e civiltà”, n °2 ; BERNARDI P. (1972), “La civiltà nell’insegnamento delle lingue straniere”, n°3; PORCELLI G. (1974), “Testing e civiltà: la comprensione interculturale”, n°2; FREDDI G. (1974), “Il discorso di fondo: lingua e cultura”, n°3 ; GIACALONE V. (1975), “Cultura e contenuti”, n°1; IANTORNO G. (1975), “Lingua e cultura”, n°3 ; CHANTELAUVE O. (1977), “L’enseignement de la civilisation”, nn° 1-2 ; BALBONI P.E. (1985), “Il testing della civiltà”, n°1.

D’ADDIO W. (1972), “L’insegnamento della civiltà nel metodo situazionale”, n°4 ; BEACCO J.C. 38

(1984), “Documents authentiques et civilisation”, n°1 ; CALASSO M.G. (1984), “La prospettiva linguistica di una educazione interculturale”, n°1.

Fondée en 1949 par l’Associazione Nazionale degli Insegnanti di Lingue Straniere (ANILS), publiera 39

CALÒ R. (1972), “Lingua e civiltà”, n°7 et TITONE R. (1986), “Comprendere un’altra cultura: un approccio a un’analisi comparativa in funzione pedagogica”, n°1.

communication et l’évolution de la personnalité, dans le but de sortir de la prison des identités monolingues (TITONE 1986 b).

L’Europe s’intéresse de plus en plus à ces thèmes et créera Erasmus, le plus grand projet de politique linguistique de l’histoire de l’homme (CAON 2013 : 25), soutenu par les réflexions de Valdes (1986), Damen (1987), Galisson (1991) et Prodomou (1992). Désormais l’approche communicative est à la une et la primauté des notions culturelles est reconnue, cependant le risque d’une vision anecdotique est bien présent et l’UNESCO interviendra avec la publication du texte qui refondera l’idée de l’enseignement de la culture/civilisation en cours de langue : Stéréotypes culturels et apprentissage des langues (1995). Dans les années 1980, surtout grâce à l’association LEND et au “Progetto speciale lingue straniere (PSLS)” commence en Italie la divulgation ample et systématique de ces idées à travers volumes, articles, colloques, formations pour enseignants . Ce dernier aspect est depuis toujours considéré une urgence à 40 résoudre (LONDEI, MINERVA, PELLANDRA 1994 ; PELLANDRA 2004), notamment pour les langues étrangères, et ce n’est qu’à partir de ce projet de 1978 que le Ministère s’occupe d’organiser des formations.

Les années 1990 et la naissance de l’Union Européenne introduisent un autre aspect : l’article 126 du Traité de Maastricht, inséré dans les Constitutions des pays membres, prévoit pour les citoyens européens le droit à la formation en deux langues européennes outre la langue d’origine en énonçant de cette manière que le seul 41 anglais ne satisfait pas la formation d’un citoyen de l’Union. C’est à ce moment que la vision de l’anglais lingua franca s’affirme et rend nécessaire l’étude d’une autre langue à laquelle lier une civilisation pour construire une intégration culturelle du continent. Les textes officiels de ces années parlent de “civilisation”, mais en glottodidactique on

Une bibliographie générale des nombreuses publications des années 1970-1980 au sujet de 40

l’introduction du culturel dans l’enseignement des langues vivantes est fournie par Balboni (1985). Sauf pour le Royaume Uni et la République Irlandaise où l’on parle d’une seule langue outre la langue 41

maternelle.

préfère le mot “culture”, tout en considérant erronément les deux mots comme synonymes . 42

Michael Byram, le responsable de la réflexion culturelle et interculturelle à l’intérieur du Conseil de l’Europe, fait évoluer la notion de “culture” : il ne s’agit plus d’un élément nécessaire à la communication, mais du pivot autour duquel générer les expériences pour former les nouveaux citoyens ; la dimension n’est plus simplement formative, mais devient éducative, comme Titone l’avait indiqué. En Italie l’ouvrage dirigé par Lavinio (1992) témoigne de cet important changement de perspective.

Le passage du culturel à l’interculturel est ensuite témoigné par les revues, notamment par SeLM, dirigée par Paolo Balboni et par LEND : ces deux publications présentant les idées internationales et les recherches italiennes aux enseignants, visent à l’interculturel et, surtout, à la communication interculturelle, perspective différente par rapport à la citoyenneté interculturelle proposée par le Conseil d’Europe à travers les ouvrages de Byram et de Béacco (ce dernier est très influent en Italie pour son travail au bureau linguistique de l’ambassade de France à Rome).

Balboni (1999), très attentif à la dimension épistémoloqique, envisage l’inclusion de la communication interculturelle dans les études sur l’éducation linguistique 43 et crée ainsi le fil rouge autour duquel les études italiennes se développeront. Cette tournure permettra l’introduction des cours de communication interculturelle dans les facultés de Langues, cours jusqu’alors apanage des départements de Sciences Politiques et de Sociologie.

Une petite sélection, par ordre chronologique, des textes principaux de la période : 42

- BUTTJES D., BYRAM M. (ed.) (1991), Mediating Languages and Cultures: Toward an Intercultural Theory of Foreign Language Education, Multilingual Matters, Clevedon.

- KRAMSCH C. (1993), Context and Culture in Language Teaching, Oxford University Press, Oxford. - BYRAM M. (ed.) (1994), Culture and Language Learning in Higher

- Education, Multilingual Matters, Clevedon.

- CAIN A. (1994), Culture, civilisation: propositions pour un enseignement en classe de langue, Institut National Recherche Pédagogique, Parigi.

- BALBONI P.E. (1995), “La cultura straniera. Modelli di osservazione nel paese straniero e nelle classi di lingua”, in WRINGE C. (ed.), Formation Autonome. A European Self-Study Professional Development Project for Language Teachers , FIPLV, Parigi.

- ATTARD P.A. (ed.) (1996), Language and Culture Awareness in Language Learning/Teaching for the Development of Learner Autonomy , Consiglio d’Europa, Strasburgo.

- BYRAM M. (1999), Cultural Studies in Foreign Language Education, Multilingual Matters, Clevedon. Voir la section de ce travail à propos de Tullio De Mauro et du concept d’”educazione linguistica”. 43