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ANALYSE DES DONNÉES

6) Depuis combien d’années étudies-tu le français ?

Présentation de la question et résultats

Cette question fermée à choix multiple montre que la plupart de nos apprenants (53%) étudient le français depuis assez peu de temps ; par contre 33% l’étudient depuis 4-5 ans ; 9% depuis 6-7 ans ; 2% depuis 8 ans (trois ans de collège et cinq ans de lycée). Seuls 3% des apprenants étudient cette langue depuis quelques mois ou une année au maximum : n’ayant pas interviewé de collégiens de 1 ère année il s’agit forcément d’apprenants ayant commencé le lycée l’année de notre interview et ayant étudié une autre langue, outre l’anglais, au collège (probablement espagnol ou allemand).

7) Combien d’heures de français tu as par semaine ?

Présentation de la question et résultats

175 2% 9% 33% 53% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2%3% quelques mois-1année 2-3 ans 4-5 ans 6-7 ans 8 ans 0 0,15 0,3 0,45 0,6 5% 3% 39% 52% 2 heures 3 heures 4 heures 5 heures ou plus

Les choix limités des réponses à cette question correspondent aux possibles situations horaires des établissements du territoire :

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2 heures de français par semaine pour 52% des apprenants (48,7% au collège, 3,0% au lycée professionnel dans les deux premières années) ;

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3 heures pour 39% (19,3% au lycée général, 17,9% au lycée technique, 2% au lycée professionnel dans les trois dernières années) ;

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4 heures pour 3% (2,9% au lycée technique section langues étrangères 100);

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5 heures ou plus pour 5% (au lycée général ou linguistique).

8) Rappelles-tu ton manuel de français d’aujourd’hui ou un manuel du passé ? (Images, couleurs, symboles, particularités…)

Présentation de la question et résultats

L’idée d’une question concernant les manuels naît suite à une réflexion personnelle. Nous croyons que rédiger et éditer un ouvrage pour de jeunes apprenants est une énorme responsabilité didactique, pédagogique, éthique et culturelle. S’il est vrai que le rapport avec la discipline passe surtout à travers le rapport avec l’enseignant de la discipline, il est indéniable que la qualité des ouvrages devrait être telle qu’elle puisse “aider” tout enseignant 101. Ce n’est pas toujours le cas et très souvent nous rencontrons des manuels de FLE reposant exactement sur les représentations un peu vides ou vieillottes qu’il faudrait rajeunir : il n’est pas question ici d’analyser les manuels utilisés par les apprenants de l’enquête ni de trouver forcément des liens entre leurs réponses et les manuels utilisés ; à travers cette question nous voudrions savoir quels sont les manuels les plus adoptés et, surtout, quels sont les aspects de ces

en cours d’épuisement suite à la Réforme Gelmini. 100

Nous pensons d’ailleurs qu’il est presque impossible de réaliser un ouvrage vraiment utile et 101

adaptable à toute classe car si un texte est suffisamment bon pour n’importe quelle situation, il ne communique en réalité rien de très profond et que seule la responsabilité des choix assumés par les enseignants fait véritablement la différence. A ce propos il faut signaler le projet Book in progress à travers lequel le enseignants eux-mêmes préparent les manuels pour leurs apprenants e n c r é a n t a i n s i d e s o u v r a g e s v r a i m e n t p e n s é s p o u r l e u r s c l a s s e s ( h t t p : / / www.bookinprogress.org).

manuels que la mémoire de nos apprenants enregistre le plus fréquemment. On verra que ces aspects ne sont pas hors contexte dans une étude sur les représentations.

Nous choisissons d’analyser cette question ouverte en regroupant les réponses de 896 questionnaires selon quatre catégories : les noms des manuels dont les apprenants se souviennent, les images qui les ont frappés, les couleurs dont ils se souviennent le plus, le récit des expériences liées aux manuels.

CITATIONS DES TITRES DES MANUELS

Les manuels les plus cités sont les suivants (en estimant cette donnée intéressante, nous précisons entre parenthèses un I pour indiquer les éditeurs et/ou auteurs italiens, un F pour les auteurs/éditeurs français) :

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Parmi les méthodes pour le collège : Salut les copains (aut. I - éd. international), Chic alors (aut. I, éd. I), Tous à bord (aut. F et I - éd. I), Bravo, bis! (aut. F, éd. I), Ça bouge (aut. I et F- éd. international), Trampoline (aut. F - éd. I), Vitamines (aut. I et F- éd.I ), Quelle chance (aut. I - éd. international), Sur mesure (aut. I - éd. I), Multiple (aut. I - éd. I9, Et voilà (aut. F - éd. I), Bonne idée (aut. I et F - éd. international), Un, deux, trois… soleil! (aut. I et F - éd.I), Extra (aut. F - éd. F) ;

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Parmi les méthodes pour le lycée : Francofolie (aut. F - éd. I), Eclat (aut. I - éd. I), Alex et les autres, Palmarès (aut. I - éd. I), A vrai dire (aut. F - éd I), Connexions (aut. F - éd. F), Latitudes (aut. F- éd F), Quartier libre (aut. F - éd. I), Kaléidoscope (aut. F - éd. F) ;

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Parmi les grammaires : Grammathèque (aut. I - éd. I), Grammaire en poche (aut. F - éd- F), Fiche de grammaire (aut. I - éd. I), Entrez (aut. I - éd. I), Niveaux de grammaire (aut. F- éd. I) ;

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Parmi les ouvrages spécialité commerce ou tourisme : Cahier de commerce (aut. I - éd. I), Pour parler affaires (aut. F - éd. F), Le nouveau monde des voyages (aut. I - éd. I) ;

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Parmi les ouvrages de civilisation : Réseaux (aut. I - éd. I), Aujourd’hui la France (aut. F - éd. F), Envoyé spécial (aut. I et F - éd. I) ;

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Parmi les ouvrages de littérature : Entre les lignes (aut. F - éd. I), Au fil des pages (aut. I et F - éd. I), Les incontournables (aut. I et F - éd.I).

IMAGES DE COUVERTURE CITÉES PAR LES APPRENANTS

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Jeunes : une fille blonde, un garçon, un groupe d’amis, « des jeunes qui composent une pyramide sur un pré » (Q.17 102), une fille souriante, des jeunes qui sautent heureux, des jeunes qui rigolent, « des jeunes disposés de manière à représenter la forme de la France » (Q.143), une fille avec un livre dans ses mains, un garçon qui fait du skate, des jeunes assis sur des gradins, une fille avec son chien, des amis qui jouent au ballon, une fille qui soulève la Tour Eiffel, trois filles hyper souriantes, une équipe de football, des jeunes de différentes origines, des jeunes avec le drapeau français sur les épaules, des jeunes heureux ;

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Objets / animaux : « des baguettes composant une Tour Eiffel » (Q.44), des cercles, un ruban tricolore, un escargot, des gratte-ciels, un drapeau ;

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Monuments ou oeuvres d’art : la Tour Eiffel, le Centre Pompidou, l’Arc de Triomphe, une image de Picasso, « des symboles abstraits » (Q.235), Paris ;

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Jugements/réactions : un livre jamais utilisé (Q.103, 69), « si je vois un livre de français je ne l’ouvre même pas » (Q.114).

COULEURS DE COUVERTURE CITÉES : violet, blanc et orange, bleu, vert et blanc, rouge, bleu-blanc-rouge, bleu et rouge, bleu et d’azur, blanc et rouge, bleu et jaune, vert et jaune, blanc et jaune.

RÉCIT DES EXPÉRIENCES : « ma prof du collège m’a offert un tour de Paris en décrivant très bien tous les monuments et leur histoire » (Q.146), « le livre avait des chansons et des comptines pour introduire la langue de manière agréable, mais la prof nous faisait recopier les dialogues et ça je ne l’aimais pas ! » (Q.175), « au collège nous avons lu Astérix et Obélix en français » (Q.180), « un livre plein d’images et d’erreurs aussi, avec des exercices sans aucun sens » (Q.325), « explication superficielle des règles, exercices pleins de fautes ou banals » (Q.328), « on a lu Poil de carotte » (Q.329), « nous avons lu Les trois mousquetaires » (Q.444), « nous avons vu un spectacle sur Notre-Dame » (Q.447), « il s’agit d’un tout petit livre, mais

questionnaire n° 17. 102

il contient des choses importantes : les verbes, le langage, la communication, les textes, les vêtements, les couleurs » (Q.470), « les dialogues sont amusants » (Q.781), «on a lu La maison abandonnée » (Q.855)

Réflexions

On remarque que la plupart des manuels utilisés sont rédigés par des auteurs italiens et édités en Italie. Cette thèse n’est pas le contexte pour s’occuper de la question, mais nous avons pensé qu’il s’agit d’une donnée à signaler, tout en renvoyant à nos considérations précédentes concernant le choix et l’utilisation des manuels.

Revenons à notre domaine, celui des représentations des apprenants de FLE pour dire d’abord que les citations si nombreuses de titres de volumes nous ont frappée, car nous ne croyions pas à une telle attention de la part des apprenants.

Pour ce qui est des images et des couleurs, par contre, nous avons obtenu des résultats correspondant à nos attentes : les apprenants se souviennent très bien de l’aspect graphique des manuels donc il est intéressant d’analyser leurs souvenirs.

L’univers transmis par les citations des apprenants est vif, gai, plein de jeunes souriants et de symboles immédiats de la France (surtout la Tour Eiffel, mais aussi le drapeau, les escargots, les baguettes) : nous verrons encore, en avançant dans l’analyse, que c’est surtout l’image de Paris et de ses monuments qui habite l’esprit des apprenants. Il s’agit évidemment de l’association d’idées la plus simple et constamment suggérée (dans le cinéma, dans la publicité, etc.), mais elle nous inquiète quand elle semble être la seule qui vient à l’esprit de ces adolescents, malgré leur étude du français. Nous remarquons l’effort éditorial pour faire apparaître le côté jeune d’une langue, d’un pays et d’une civilisation que l’adolescent moyen italien perçoit comme appartenant au passé. Dans la même direction se situe, probablement, le choix de couvertures qui n’utilisent pas les couleurs du drapeau français en se détachant de la symbologie traditionnelle, tout comme l’expédient de représenter des topos typiques comme la Tour Eiffel ou l’hexagone de manière inattendue (à travers des baguettes ou grâce à des positions de jeunes protagonistes). Il serait intéressant de vérifier si les manuels faisant ces choix se

révèlent cohérents dans l’exposition des sujets de civilisation non banals ou s’il s’agit d’un travail de surface concernant la seule couverture du livre.

Le discours des apprenants

Nous avons choisi d’analyser de plus près certaines phrases des apprenants qui nous paraissent intéressantes. Notre question concernant les manuels en effet a déclenché chez certains l’envie de raconter de plus près les expériences vécues en classe de FLE.

Deux apprenants parlent d’un livre jamais utilisé, nous ne savons pas si cela correspond à un travail en classe effectué par d’autres moyens ou si c’est une indication de manque d’activité de la parte du professeur ; un autre a écrit

non, si je vois un livre de français d’habitude je ne l’ouvre même pas 103 (Q.114)

La tonalité de la phrase ne laisse pas de doutes : le garçon en question est repoussé par la discipline, il est gêné et même le manuel en question est à éviter. Cette netteté, même si typique de l’adolescence, nous interpelle, car il doit y avoir eu des raisons (subjectives ou réelles) pour un tel refus.

Certains apprenants critiquent les manuels utilisés dans le passé et, dans leurs mots, on croirait entendre exactement les opinions de l’enseignant qui, après ses critiques, aura probablement préparé des activités pour remédier :

un livre plein d’images et d’erreurs aussi, avec des exercices sans aucun sens 104 (Q. 325)

“no, se vedo un qualunque libro di francese di solito non lo apro neanche”. 103

“molte immagini ma anche molti errori, e esercizi senza senso”. 104

très coloré, riche en images, mais d’après moi les explications des règles sont superficielles, même les exercices présentent trop souvent des fautes ou sont trop banals pour permettre un bon entrainement 105 (Q.328)

Un autre apprenant nous rappelle les mots d’un adulte, reportés avec la naïveté et le brin de confusion d’un collégien :

il s’agit d’un tout petit livre, mais il contient des choses importantes : les verbes, le langage, la communication, les textes, les vêtements, les couleurs 106 (Q.470)

Il a l’air de penser vraiment au moment dans lequel il tient son livre dans ses mains et il semble le considérer comme un trésor ou mieux la clé magique pour accéder à un autre monde, composé d’objets connus, mais qu’il faut nommer dans une autre langue. Les autres apprenants qui choisissent de raconter des tranches de vie en classe suite au souvenir du manuel sont positifs. Il s’agit de lycéens qui rappellent avec une certaine tendresse et nostalgie ces premières approches au français, certains à travers la satisfaction d’avoir lu des ouvrages en langue étrangère, d’autres à travers des récits comme celui-ci :

ma prof du collège m’a offert un tour de Paris en décrivant très bien tous les monuments et leur histoire 107 (Q.146).

Ce souvenir est intéressant pour plusieurs raisons : la fille utilise le possessif pour indiquer son enseignante, cela n’étant pas nécessaire ou usuel en italien ; cet adjectif indique une affection particulière, confirmé par l’expression “mi fece fare un tour”. La

“molto colorato e pieno di figure ma secondo me non spiega le regole in modo approfondito e 105

anche gli esercizi sono spesso con errori o troppo facili per una buona esercitazione”.

“è un libro colorato, leggero e piccolo ma dentro contiene tante cose importanti: verbi, 106

linguaggio, comunicazione, testi, vestiti, colori…”.

“mi ricordo che alle Medie la mia prof mi fece fare un tour di Parigi descrivendo in modo 107

dettagliato tutti i monumenti e la loro storia”. 181

fille peint ce cours comme s’il était fait pour elle seule, à tel point qu’elle s’en souvient comme de quelque chose de spécial qui l’a transportée dans un autre monde, et en effet elle dit avoir “fait” un tour de Paris, pas avoir suivi une présentation en classe. Voilà le potentiel de rêverie contenu, en théorie, dans toute leçon.