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L'action du conseil d'administration en tant que collectif repose sur l'action de ses membres. Les contributions des administrateurs se répartissent selon le principe aussi incontesté, que- semble-t-il- évident, de l'égalité entre membres du conseil d'administration78Ce principe, qui est expressément prévu à l'art. 762 -disposition considérée impérative par le Tribunal fédéraf9- pour les administra-teurs délégués par la corporation publique (c'est-à-dire des administraadministra-teurs ayant a priori un statut différent), s'applique en effet, a fortiori, à tous les membres du conseil d'administration.

Le principe d'égalité des administrateurs présente quatre traits caractéristiques principaux. Contrairement au principe d'égalité entre actionnaires, qui prévoit le plus souvent une distribution des droits des actionnaires en fonction de leur participation financièré0, le principe applicable aux administrateurs est impéra-tivement gouverné par un critère personnel: il n'est pas admissible d'attribuer

78 Dans une contribution récente, DRUEY, Informationsrecht, p. 51, ad nbp 7, a souligné l'importance de ce principe et constaté que la doctrine n'y avait pas accordé beaucoup d'importance jusqu'ici.

A notre connaissance, seuls KOLB, p. 6, et WEBER, p. 122, mentionnent ce principe, mais presque en passant (et en l'assimilant au principe d'interdiction du vote plural statué par le Tribunal fédéral dans l'ATF CANTON DE ST-GALL ET BODENSEE-TOGGENBURGBAHN, RO 71 l 187 /JT 1945 I 501: voir notamment WEBER, p. 159). Pour d'autres auteurs (voir notamment PLüss;

MÜLLER/LIPP; V. GREYERZ, Aktiengesellschaft; FORSTMOSERIMEIER-HA YOZ; BÜRGI, ad art. 707 à 726),l'application implicite de ce principe est tellement évidente qu'ils ne le mentionnent même pas.

La situation est toute autre en droit allemand, où le principe d'égalité entre les membres du conseil de surveillance est reconnue de manière unanime (voir notamment LUTTERIKRIEGER, p. 216 et les références citées par ces auteurs en nbp. 1) et a même été consacré à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral allemand (pour les références des décisions, voir LUTTER!

l<RIEGER, p. 216, nbp. 2).

79 ATF CANTON DE ST-GALLETBODENSEE-TOGGENBURGBAHN, RO 71 I 187/JT 1945 I 501.

80 Concernant le principe d'égalité entre actionnaires voir l'ouvrage de HUGUENIN JACOBS.

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des droits ou d'imposer des obligations aux membres du conseil autrement que

«par tête»; tout autre critère, tel, par exemple, celui de la participation financière ou la durée de sociétariat serait inadmissible81Ce principe n'a toutefois pas pour vocation d'éliminer toute inégalité préexistante au sein du conseil d'administration notamment par la reconnaissance

d'<<affinnative rights»

comme on les rencontre quelquefois en droit public82; il exige simplement que les droits et obligations soient répartis uniformément parmi les membres du conseil83Il n'empêche pas non plus tout traitement inégal des administrateurs: sous réserve de certains domaines que nous chercherons à identifier et dans lesquels s'impose une égalité absolue (c'est-à-dire ne souffrant aucune dérogation), le principe d'égalité des membres du conseil est un principe relatif qui admet des dérogations à condition que celles-ci soient justifiées par des motifs valables84Enfin, ce principe n'est qu'imparfaitement protégé: seule l'action en constatation de la nullité des décisions du conseil (art. 714), aux conditions particulièrement strictes (qui, cependant, est ouverte à tout intéressé), ainsi que, selon certains auteurs85, une action tendant à renseigner un administrateur victime d'une inégalité en matière d'information, permet de sanctionner les violations de ce principe par le conseil d'administration;

si la violation émane de l'assemblée générale - ce qui devrait être l'exception - la voie de l'annulation (art. 706/706a) et celle de la nullité des décisions

(art. 706b), lorsque les conditions en sont réunies, sont ouvertes.

81 Voir notamment HUGUENIN JACOBS, p. 17. Ce critère personnel est à rapprocher de l'idée selon laquelle le mandat d'administrateur a un caractère éminemment personnel, qui a été développée surtout en relation avec la question de la représentation d'administrateurs au conseil (la doctrine dominante, par ex. BôCKLI, Aktienrecht, no 1491, est opposée à une telle représentation; récem-ment quelques auteurs, dont WEBER et MÜLLERILIPP, pp. 100/101, se sont prononcés en faveur d'une telle représentation).

82 On peut notamment songer aux règles de quota statuées pour permettre à certaines minorités d'accéder en priorité à des fonctions déterminées.

83 Pour prendre un exemple: il est satisfait au principe d'égalité de traitement si tous les membres du conseil ont un même droit d'accès aux informations sociales; le principe n'exige pas que soient prises des mesures particulières pour que soit comblé le déficit d'information des administrateurs qui ne participent pas à la gestion sociale.

84 Voir à cet égard les développements de HUGUENIN JACOBS, pp. 21 à 23, concernant le principe d'égalitéentreactionnairesdansleparagrapheintitulé•DieNotwendigkeiteinerüberindividuellen und rationalen Binnenstruktur als Kompensation fiir den Kontrollverlust».

85 Se prononcent notamment pour une action: DRUEY, Informationsrecht, p. 53; PLÜSS, p. 59;

WERNLI, ad art. 715a, no 13; contra: BôeKLI, Kemkompetenzen, p. 84; KUNZ, Auskunfts- und Einsichtsrechte, p. 578.

Pour le Tribunal fédéral, qui avait à trancher la question de l'égalité du droit de vote au sein du conseil d'administration, ce principe se justifie au motif que

<dans un Etat démocratique, la vie des collectivités doit s'organiser selon le principe de l'égalité des droits [. ..

86Cette justification nous semble bien trop générale et vague pour être réellement convaincante. On pourrait imaginer que le principe d'égalité entre administrateurs a une fonction similaire à celui applicable aux actionnaires, à savoir compenser la perte de contrôle des membres de la société anonyme sur leurs propres intérêts du fait de la soumission à la règle de la majorité et au principe de la gestion par un organe tiers

(/Jrittorganschaft).

Cette assimi-lation de la raison d'être des deux principes d'égalité se heurte toutefois à la diffé-rence fondamentale entre l'assemblée générale- dont les membres sont autorisés à faire valoir leurs propres intérêts87 et qui a pour fonction d'allouer des droits et avantages aux actionnaires qui la constituentBS- et le conseil- dont l'activité est orientée vers la satisfaction de l'intérêt social89Cette différence essentielle, ainsi que les moyens très limités dont dispose un administrateur lésé par une violation du principe d'égalité pour obtenir la réparation de celle-ci90, nous amènent à considérer que ce principe n'a pas été statué pour satisfaire en premier lieu les intérêts des administrateurs eux -mêmes, mais bien ceux des tiers titulaires des intérêts auxquels doit veiller le conseil. Or, dès lors que, contrairement au conseil de surveillance allemand, le conseil d'administration de la société anonyme suisse n'est pas- généralement du moins- composé d'administrateurs représentant des intérêts différents, dont il faut garantir la participation pour permettre aux tiers représentés d'exprimer leur point de vue au sein du conseil91, la fonction

86 ATF CANTON DEST-GALLIITBODENSEE-TOGGENBURGBAHN, RO 71 I 187/JT 1945 l 501 (501).

87 Voir notamment l'ATFDÜRsr-WISMER, RO 100 II 384/JT 1975 I 334, dans lequel le Tribunal fédéral a retenu que les actionnaires (administrateurs) ne commettent pas un abus de droit dans l'exercice de leur droit de vote s'ils font passer leurs intérêts propres avant ceux de la société anonyme ou de minoritaires.

88 Voir notamment la compétence inaliénable de l'assemblée de décider de la répartition du bénéfice (art. 698, al. 2, ch. 4).

89 Voir à ce sujet ci-dessus, pp. 22 ss.

90 Voir ci-dessus, p. 34.

91 Alors que le droit allemand a institué la représentation obligatoire des travailleurs au sein du conseil de surveillance et ainsi programmé en quelque sorte un clivage majorité/minorité au sein de ce conseil (dans lequel la minorité- pour pouvoir exprimer les attentes des travailleurs -nécessite une protection particulière par le principe d'égalité), la conception de base du droit suisse est celle d'un conseil formé d'un groupe homogène d'administrateurs, tous désignés par

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primordiale du principe (impératif) d'égalité entre administrateurs doit être de faciliter le contrôle de l'activité de ceux-ci et de remplir une fonction similaire à celle de la solidarité prévue à l'art. 759 (solidarité dans l'obligation secondaire de réparer le préjudice causé92). Le principe d'égalité de traitement institue en effet une sorte de solidarité dans les obligations primaires des administrateurs93;

il permet aux actionnaires et créanciers qui entendent agir en responsabilité de présumer - de manière (partiellement) réfragable - que tous les membres du conseil ont participé de la même manière à l'activité de ce dernier.

Cette motivation principale du principe d'égalité de traitement engendre, par effet réflexe, un besoin de protection des administrateurs eux-mêmes. En effet, l'égalité des administrateurs en matière de devoirs (qui facilite l'action en responsabilité) doit trouver son pendant dans le principe d'égalité des droits nécessaires à la réali-sation desdits devoirs; à défaut, un administrateur se verrait chargé d'obligations (notamment par l'effet du principe d'égalité dont les actionnaires et créanciers sont bénéficiaires) et pourrait se voir privé, par une décision de la majorité des administrateurs ou de l'assemblée, des moyens indispensables pour les exécuter.

En ce sens,le principe d'égalité de traitement des administrateurs vise aussi, mais accessoirement, à protéger les intérêts des membres du conseil.

les actionnaires détenant la majorité des voix au sein de l'assemblée générale. Voir également au sujet de la représentation d'intérêts au sein du conseil d'administration, ci-dessous, pp. 84 ss.

92 Les notions d'obligation primaire et secondaire sont utilisées notamment par SELB, Mehrheiten, p. 9. Selon cet auteur, l'obligation primaire est l'obligation principale du débiteur; l'obligation secondaire remplace l'obligation primaire dans certaines circonstances (notamment en cas de violation de celle-ci) et contraint le débiteur à réparer le préjudice causé.

93 Voir la note précédente.

COMPOSITION ET ORGANISATION

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