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A

notre sens, cette controverse est le fruit d'une confusion relative à la véritable raison d'être de l'art. 716a, al. 1er.

Il

nous apparaît en effet qu'en édictant le

«catalogue» des attributions «intransmissibles et inaliénables» du conseil d'adminis-tration, le législateur ne cherchait pas tant à établir une liste exhaustive des compé-tences qui doivent revenir au conseil d'administration et non aux autres organes de la société, qu'à énumérer les compétences essentielles du conseil

d'administra-20 Voir au sujet de la répartition des attributions au sein du conseil ci-dessous, pp. 177 ss.

21 Curieusementle caractère intransmissible des attributions de l'art. 716a, al. 1er, n'est pas mention-né dans la note marginale.

22 FoRSTMOSER, Organisationsreglement, p. 19.

23 REYMOND, Règlement d'organisation, p. 113.

24 HORBER, Kompetenzdelegation, pp. 75/76.

LE CONSEIL D1ADMINISTRATION

tion25En d'autres termes, nous sommes d'avis qu'il faut prendre en considération les fonctions énumérées elles-mêmes, plutôt que les attributs dont le législateur les a enrobées. Cette manière de voir nous permet de déceler en l'art. 716a, al. 1er, la consécration de la conception moderne du rôle du conseil d'administration qui a guidé le législateur, à savoir celle d'un

«[Oberleitungsorgan], das for gestal-tende Grundsatzbeschlüsse verantwortlich ist, und die Geschiiftsfohrung durch

das

Jahr hindurch ais Bindeglied zwischen Management und Aktionariat überwa-chend begleitet>>

26, d'un organe de direction supérieure qui assume les fonctions centrales de haute direction, haute surveillance et de représentation d'intérêts (en tant que chargé de faire le lien entre les actionnaires et l'entreprise)27 Cette interprétation de l'art. 716a, al. 1er confère à cette disposition une portée bien plus importante que celle d'une simple norme (impérative) d'attribution ou de répartition de compétences. En effet, dès lors que toute attribution de compé-tences va de pair avec la responsabilité pour leur réalisation, il faut également voir dans cette disposition la volonté du législateur de s'assurer que le conseil d'administration assume effectivement ses fonctions essentielles et remplit active-ment son rôle

d'«Oberleitungsorgan».

L'art. 716a, al. 1er contient ainsi une injonction claire

à

l'action, formulée

à

l'intention du conseil d'administration.

Cette injonction est impérative: le conseil d'administration doit obligatoirement exercer ses fonctions essentielles sans que son action (obligatoire) soit entravée par des mesures ou règles d'organisation sociales; mieux: ces règles et mesures doivent précisément avoir pour objectif de permettre au conseil d'administration de réaliser lesdites fonctions. Il en résulte plusieurs effets: d'une part, l'existence même de cette disposition centrale que constitue l'art. 716a, al. 1er influence tout le droit du conseil d'administration- les dispositions relatives à cet organe doivent

25 La confusion provient de ce que tout au long des travaux préparatoires, l'on a voulu marquer le caractère essentiel de ces attributions en soulignant leur caractère intransmissible et inaliénable.

Voir par ex. MESSAGE, p. 106, dont il ressort qu'en •<énumèr[ant] dans un seul article les attributions essentielles du conseil d'administration [et en les] qualifi[ant] d'inaliénables•, le Conseil fédéral cherchait à répondre aux questions de savoir si •le conseil d'administratiqn est[. . .] habilité à déléguer toutes ses attributions à des organes de gestion qu'il a créés• et si

•<l'assemblée générale, en tant qu'organe suprême de la société, peut[. .. ] s'immiscer dans les affaires qui ressortissent au conseil d'administration ?• (c'est nous qui soulignons).

26 BëJCKLI, Kemkompetenzen, p. 10 (souligné dans le texte original).

27 Voir à ce sujet ci-dessus, pp. 3/4.

être interprétées à la lumière de l'injonction formulée par le législateur (effet sur l'interprétation)28; d'autre part, la nature impérative de l'art. 716a, al. 1er, conduit

à

proscrire toute mesure ou règle sociale qui rendrait plus difficile (ou,

a fortiori,

impossible) la réalisation de ces fonctions (effet d'interdiction)29 et oblige les sociétés à s'organiser de telle sorte que le conseil d'administration soit en mesure d'accomplir ses tâches essentielles (effet d'obligation)30

B. Autonomie de réglementation

1.

Règles sociales

Sous le droit de la société anonyme de 1936, l'art. 721, al. 1er disposait que

«les pouvoirs de l'administration sont déterminés,

à

l'égard de

la

société, par la loi, les statuts, les règlements et les décisions de l'assemblée générale••

31, démontrant ainsi, à première vue, que les sociétés disposaient d'une marge d'autonomie certaine pour définir les attributions du conseil d'administration. La suppression de cette règle ne signifie pas, selon nous, que l'on a voulu réduire l'autonomie

28 Cet aspect se manifeste notamment lorsqu'il s'agit de déterminer les compétences dont doit disposer le conseil d'administration (par ex. la compétence d'organisation fonctionnelle et personnelle en cas de répartition des tâches: voir ci-après, pp.182 ss).

29 Le cadre limité de cette étude ne nous permet pas d'examiner de manière exhaustive toutes les conséquences de cette interdiction déduite de l'art. 716a, al. 1er; nous en examinerons certains aspects ci-après (voir par ex. le passage sur les quorums, pp. 131 à 133 et 137/138). Dans le domaine des quorums de décision du conseil d'administration, BôciCLI, Kemkompetenzen, pp. 53/54, développe une idée proche. Cet auteur est d'avis qu'il serait admissible de prévoir des majorités qualifiées pour certaines décisions du conseil d'administration dont la portée serait particulièrement importante (donc, notamment pour certaines décisions relevant de l'art. 716a, al. 1er), mais estime que les sociétés ne peuvent prévoir une règle instituant l'exigence de la majorité qualifiée pour toutes les décisions du conseil, au motif qu'une telle exigence peut conduire à une paralysie du conseil d'administration et qu'une telle paralysie est inconciliable avec sa responsabilité inaliénable pour les fonctions exécutives (prévue aux art. 716a et 716b).

30 Ici non plus nous ne sommes pas en mesure d'examiner en détail toutes les conséquences de cette obligation imposée aux sociétés (et à leurs organes). Elle se manifeste notamment dans les exigences posées à la composition du conseil d'administration (voir par ex. ci-dessous, pp. 44 ss).

31 Une règle semblable était contenue à l'art. 712, al. 2, aCO qui disposait que •Les pouvoirs du conseil d'administration sont, sous réserve de la loi, définis dans les statuts ou dans un règlement prévu par les statuts. •

LE CONSEIL D1ADMINISTRATION

de réglementation de la société. BüRGI32 avait déjà relevé que l'articulation entre la règle de compétence résiduelle (art. 721, al. 2, aC0)33 et les art. 721, al. 1er, et 712, al. 2, aCO n'était pas claire. A la suite du Tribunal fédéral3\ cet auteur proposait d'interpréter ces dernières dispositions comme ne déployant que des effets internes, dans les rapports entre les organes sociaux, et d'appliquer l'art. 721, al. 2, aCO dans les relations avec les tiers. Exprimé autrement: à l'égard des tiers, l'administration était compétente dans toutes les matières que la loi ou les statuts n'attribuaient pas à d'autres organes; dans les relations avec les autres organes, en revanche, elle ne pouvait se prévaloir que des attributions qui lui étaient expressément ou implicitement confiées par la loi ou la réglementation sociale.

A notre sens, cette interprétation n'est guère convaincante. D'une part, à l'égard des tiers, les pouvoirs du conseil d'administration sont définis par les règles relatives au pouvoir de représentation (art. 718a, al. 1er; art. 718, al. 1er, a CO);

ils comprennent le pouvoir d'effectuer tous les actes

<<qui, du point de vue objectif, peuvent, même de façon indirecte, contribuer

à

atteindre [le but social],· c'est-à-dire tous ceux que celui-ci n'exclut pas nettement>>

35Les tiers n'ont donc jamais à se soucier d'une répartition des pouvoirs de gestion parmi les organes sociaux et une règle (même statutaire) qui réserverait certains pouvoirs à d'autres organes que le conseil d'administration ne leur serait pas opposable. D'autre part, à moins d'accepter que certaines tâches restent sans titulaire- ce que la règle de la compé-tence résiduelle vise précisément à éviter, on ne peut admettre que, sur le plan interne, l'administration ne dispose que des pouvoirs qui lui sont attribués expres-sément ou implicitement par la loi ou la réglementation sociale. Il apparaît ainsi qu'en supprimant les règles contenues aux art. 712, al. 2, et 721, al. 1er, aCO, le législateur s'est contenté d'éliminer des dispositions contradictoires et n'a pas voulu limiter l'autonomie des sociétés dans la détermination des attributions du conseil d'administration.

32 BüRGI, ad art. 721, nos 5 à 7.

33 L'art. 721, al. 2, qui avait une teneur proche de l'actuel art. 716, al. 1er, prévoyait que

•L 'administration est autorisée à prendre des décisions sur toutes les affaires qui ne sont pas attribuées à l'assemblée générale ou à d'autres organes sociaux.•

34 ATF GARESA SA 78 II 373/JT 1953 I 278.

35 ATFNEGRESCOSARO Ill II 284/JT 1986 I 96; confirmé et même élargi dans l'A TF SCHMID AG GA'ITIKON RO 116 II 320/JT 1991 373.

Restent à définir les contours de l'étendue de l'autonomie (inchangée) des sociétés pour limiter, ou étendre, les compétences du conseil d'administration. La restric-tion des pouvoirs du conseil d'administrarestric-tion peut être le fait de l'assemblée générale ou du conseil d'administration lui-même. L'art. 716, al. 1er, permet ainsi à l'assemblée générale de priver le conseil d'administration de certaines fonctions en se réservant ces dernières dans une clause statutaire. Cette possibilité trouve cependant ses limites en ce sens que certaines fonctions du conseil d'administra-tion - et notamment les foncd'administra-tions intransmissibles et inaliénables prévues à l'art. 716a, al. 1er

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ne peuvent lui être retirées au profit de l'assemblée générale.

En outre, en vertu de l'art. 716b, le conseil est en droit de se décharger de certaines attributions en les délégant à des organes subordonnés lorsqu'il y est autorisé par une clause statutaire. A l'instar de la faculté qu'a l'assemblée générale de s'arroger des attributions légales du conseil, la délégation de pouvoirs par ce dernier n'est pas admissible de manière illimitée. Le conseil d'administration n'est autorisé à déléguer ni les attributions du

«catalogu~>

de l'art. 716a, al. 1er, ni les autres attributions non-délégables

37

On constate ainsi que les sociétés sont à même de limiter, dans une certaine mesure, les compétences du conseil d'administration.

Pour ce qui est de l'attribution positive de fonctions à l'administration, elle ne

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