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Le droit de 1936 ne contenait aucune disposition interdisant aux administrateurs de participer à des décisions déterminées du conseil. Dans la doctrine, qui a

pour-tant abondamment discuté la question voisine de la validité du contrat avec soi-même et de la double représentation

543,

seul

PATRY

semble s'être interrogé sur l'existence d'éventuelles obligations d'abstention des administrateurs. Selon cet auteur, <<Chaque administrateur a le droit de prendre part aux décisions de

l'admi-542 Voir ci-dessus, p. 146.

543 Dans les ouvrages généraux, voir notamment BüRGI, ad art. 718, no 7; v. STEIGER, Société anonyme, p. 265; FORSTMOSERiMEIER-HAYOZ, § 24, no 42; PATRY, p. 251. Parmi la littérature plus spécialisée on peut consulter, en particulier, THALMANN, pp. 80 ss; WOLF, Interessenkollisio-nen, pp. 33 ss.

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nistration, même s'il s'agit de décisions qui le concernent personnellement>>

544 Cette interprétation rejoint celle prévalant pour l'assemblée générale: il est généralement admis que les art. 659a al. 1er et 659b al. 1er545, d'une part, et l'art. 695, al. 1e~46, d'autre part, régissent exhaustivement les interdictions de vote qui frappent les actionnaires547

Si, dans sa version de 1991, le doit de la société anonyme ne contient toujours aucune disposition sur une éventuelle obligation d'abstention des administrateurs, il contient désormais une règle expresse sur leur devoir de fidélité. L'art. 717, al. 1er illustre l'attitude plus rigoureuse du législateur à l'égard des conflits d'inté-rêts touchant les membres du conseil d'administration:

<Macht es auch

das

poe-tisch vertriiumte Worl von der "Treue" nichtjedermann deutlich, so sind damit doch viel klarer als bisher die Interessenkonjlikte einzelner Verwaltungsriite bei der Ausübung ihres Amtes rechtlich aufs Korn genommen>>

548BOCKLI admet avec raison que le devoir de fidélité englobe notamment l'interdiction faite aux administrateurs de participer aux décisions du conseil auxquelles ils sont person-nellement intéressés5491550

L'existence d'obligations d'abstention en cas de conflit d'intérêts peut d'ailleurs déjà être déduite des règles restrictives dégagées par la doctrine et la jurisprudence

544 PATRY, p. 251.

545 Concernant ces règles voir notamment: ScHLEIFFER, surtout pp. 129 à 195.

546 Concernant cette règle, voir notamment SCHLEIFFER, pp. 201 à 239.

547 Le caractère exhaustif de la réglementation légale résulte notamment des travaux préparatoires relatifs à l'art. 695, al. 1er, lors desquels il a été souligné que les actionnaires peuvent et doivent pouvoir poursuivre leur intérêt égoïste (voir notamment à ce sujet, EGGER, Schranken, p. 25).

La doctrine (notamment SIEGWART, Einleitung, no 81 à 84; BüRGI, ad art. 695, nos 15/16;

v. GREYERZ, Aktiengesellschaften, p. 147) et la jurisprudence (notamment ATF ALLEGA SA, RO 83 II 57, 64/JT 1957 1 564, 569) considèrent par conséquent avec raison que le silence de la loi est un silence qualifié et que l'actionnaire n'a pas à s'abstenir de voter lorsqu'il est personnellement intéressé à une décision de l'assemblée générale.

548 BôCKLI Oberleitung, p. 37.

549 BôcKLI, Aktienrecht, no 1642.

550 Les interdictions de vote ne sont qu'un moyen parmi de nombreux autres pour mettre en oeuvre le devoir de fidélité des administrateurs. Pour un aperçu des différentes obligations et interdictions qu'il peut générer, voirnotammentMATTHIESSEN, pp.171 à 176; HOPT, Self-dealing;

AMERICAN LAW INSTITUTE, pp. 199 ss.

dans le domaine des contrats avec soi-même et de la double représentation551

Ces règles, dont le but est d'éliminer les effets de la collision des intérêts du repré-sentant et du représenté (et non de régler le problème de l'inefficacité de la déclaration du représentant à soi-même552) mettent la personne intéressée à l'écart du processus de formation de la volonté: dans une société, le contrat avec soi-même n'est pas conclu553, à moins que la nature de l'affaire exclue tout risque de désavantage pour le représenté ou que les pairs du représentant consentent expressément au contrat ou le ratifienf54Si le représentant intéressé doit s'abstenir de participer à la décision de consentement ou de ratification, l'administrateur intéressé ne doit pas non plus être autorisé à voter lorsque le conseil se prononce sur la conclusion d'un contrat (ou une opération analogue) entre la société, même représentée par un tiers, et lui-même. Il ne se justifie en effet guère de traiter différemment le consentement ou la ratification d'un contrat avec soi-même et la décision de gestion interne tendant à procéder à un contrat avec un administra-teur représenté par un tiers dès lors qu'il n'y a pas de différence de nature entre ces décisions.

L'existence d'obligations d'abstention d'un administrateur intéressé résulte enfin également d'une application analogique de l'art. 68 CC au conseil d'administration

551 Concernant la parenté entre l'hypothèse du contrat avec soi même (qui n'est pas conclu à moins d'avoir été expressément consenti par la société) et l'interdiction de vote, voir HOPT, Self-dealing, p. 289.

552 EGGER, Schranken, pp. 21122.

553 On trouve quelquefois en doctrine et jurisprudence (voir, par exemple, GROSS, p. 182, texte ad nbp. 246) l'affirmation selon laquelle le contrat n'est pas «valable•: à strictement parler, le défaut de consentement préalable ou de ratification n'est pas un vice affectant la validité du contrat; il s'oppose à la conclusion du contrat.

554 Voir notamment à ce sujet, GROSS, pp. 181/182, et la jurisprudence citée.

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de la société anonyme5551556Si la situation particulière des actionnaires (qui ne peuvent être tenus à d'autres obligations que celle de libérer leurs actions) et la réglementation particulière édictée aux art. 659a, 659b et 695 s'opposent à une application analogique de l'art. 68 CC à l'assemblée généralë7, le conseil d'admi-nistration de la société anonyme ne présente aucune particularité par rapport à la direction d'une association, à laquelle l'art. 68 CC s'applique par analogie558,

de sorte que rien ne s'oppose à une application analogique de cette disposition à l'organe exécutif de la société anonyme.

b. Le champ d'application des obligations d'abstention

Le champ d'application des obligations d'abstention doit être défini sous trois points de vue. Il y a lieu, d'abord, d'examiner le type de décisions concernées par ces obligations. Il s'agit ensuite de définir ce qu'il faut entendre par admi-nistrateur intéressé et, enfin, préciser dans quelle mesure l'admiadmi-nistrateur doit être mis à l'écart du processus de formation de la volonté.

Les décisions du conseil auxquelles un administrateur est susceptible d'être inté-réssé peuvent être classées en trois catégories559La première catégorie, celle des <<affaires» de la société mentionnées à l'art. 68 CC, comprend les décisions relatives aux contrats et opérations apparentées (telles notamment la résiliation d'un contrat ou l'exercice d'un droit de préemption560) auxquels un administrateur est intéressé directement ou indirectement. Les décisions relatives à ces affaires, que l'on peut regrouper sous le terrnelnsichgeschiifte561, se caractérisent par un

555 Voir au sujet du comblement des lacunes dans le droit des sociétés commerciales par application analogique du droit de l'association, RIEMER, Systematischer Teil (Die Vereine), nos 117 ss.

Il est vrai qu'au no 120, cet auteur rejette l'application analogique de l'art. 68 CC à la société anonyme; les passages cités pour expliquer ce refus se réfèrent cependant tous aux interdictions de vote frappant l'actionnaire en assemblée générale.

556 Voir aussi en ce sens BôCKLI, Aktienrecht, no 1642, nbp. 258.

557 Voir ci-dessus, p. 148, ad nbp. 547.

558 RIEMER, ad art. 69 CC, no 53, et les références citées.

559 Cette classification est suggérée par MATIHIESSEN, pp. 123 ss.

560 Les exemples sont repris de RIEMER, ad art. 68, no 11.

561 Voir au sujet de cette expression THALMANN, p. 80, nbp. 4.

conflit d'intérêts potentiel entre la société et l'administrateur. Il est possible que ces intérêts soient opposés - notamment lorsque la société n'a pas intérêt à la conclusion d'un contrat du type envisagé ou que les conditions lui sont défavo-rables. Cela n'est cependant pas nécessaire. Les intérêts de la société et de l'admi-nistrateur peuvent en effet converger lorsque, par exemple, la société entend acquérir un brevet indispensable à l'activité sociale, dont l'administrateur est titu-laire. La deuxième catégorie de décisions, celle des

•procès»

de l'art. 68 CC, com-prend les cas dans lesquels le conseil se propose de com-prendre une mesure justifiée à l'encontre d'un de ses membres et que celui-ci se trouve ainsi en quelque sorte juge et partie. En font partie les décisions relatives

à

une action en justice dirigée contre un administrateur mais aussi, notamment, les décisions relatives à l'exercice d'une prétention à l'encontre d'un membre ou celles par lesquelles le conseil entend sanctionner celui-ci. Les décisions qui entrent dans cette catégorie se distinguent par le fait que les intérêts de la société et de l'administrateur sont toujours opposés et donc par un conflit réel entre ceux-ci. La dernière catégorie, enfin, comprend toutes les autres décisions auxquelles un administrateur peut être intéressé de près ou de loin. Elle englobe, en particulier, les décisions d'organisation interne du conseil, telles les décisions concernant le droit d'information des adminis-trateurs (art. 715a, al. 6) ou les élections du président, de membres du comité ou de délégués au sein du conseil d'administration.

Il résulte de l'art. 68 CC mais aussi des règles sur les contrats avec soi-même que l'administrateur impliqué n'est en principe pas habilité à participer à la décision par laquelle le conseil se prononce sur la conclusion d'un contrat avec lui-même (ou l'un de ses proches) ou sur d'autres

Insichgeschiifte

le concernant.

Ce principe souffre une dérogation pour la décision tendant à adapter la rému-nération des administrateurs562, qui est du ressort du conseil d'administration à moins que l'assemblée générale ne s'en soit réservé la compétence dans une clause statutaire (art. 716, al. 1er)563Par rapport aux

autreslnsichgeschiifte,

cette

déci-562 Il faut assimiler au cas de l'adaptation de la rémunération des administrateurs le cas de <<l'engage-ment» de ces derniers lorsque celui-ci intervient lors de la fondation de la société et qu'admi-nistrateurs et fondateurs se confondent.

563 En pratique, c'est le plus souvenUe conseil d'administration qui fixe la rémunération des adminis-trateurs: voir déjà en ce sens, BÜRGI, Tantiemen, pp. 170/171, et, plus récemment, MÜLLERILIPP, p. 98.

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sion présente en effet la particularité de devoir nécessairement être prise (et vraisemblablement de manière répétée) en cours de vie sociale; tout administrateur a droit à une rémunération convenable pour son activité au sein de la société et une telle rémunération ne peut que rarement être décidée une fois pour toutes, mais doit être adaptée en fonction des circonstances5641565II n'est guère utile de prévoir que l'administrateur concerné n'est pas habilité à voter l'adaptation de sa propre rémunération: si cette décision est prise individuellement, le risque de collusion d'intérêts ne disparaît pas entièremenf66Lorsque les rémunérations sont fixées dans un règlement applicable à l'ensemble des administrateurs (ou que l'on impose à tous les administrateurs de s'abstenir de voter pour éliminer tout risque de collusion), l'interdiction de vote est en contradiction avec les règles d'attribution de compétence. Il est donc nécessaire d'avoir recours à d'autres moyens pour assurer le respect du devoir de fidélité lors de l'adaptation des rému-nérations des administrateurs567Si l'interdiction de vote se justifie dans l'hypo-thèse des contrats avec soi-même et opérations apparentées, dans lesquelles le conflit entre la société et l'administrateur n'est que potentiel, elle se justifie a fortiori dans les cas dans lesquels la société se propose de prendre une mesure justifiée à l'encontre d'un administrateur. L'art. 68 CC exclut ainsi également l'administrateur de la participation aux décisions concernant les

•procès»

auxquels

564 Concernant le droit à une rémunération convenable, voir notamment PLüss, pp. 46/47, et les références citées.

565 Sur le caractère particulier de la décision relative à l'adaptation des honoraires, voir Ho PT, Self-dealing, p. 293.

566 Comme en matière de décharge donnée tour à tour par les autres membres du conseil à chacun des administrateurs, on ne peut éliminer le risque que les administrateurs s'entendent pour se favoriser réciproquement.

567 Le droit suisse est assez pauvre quant à ces autres moyens (on ne dispose pas, en particulier, de règlementation étendue sur l'obligation de divulguer les montants des prélèvements des membres du conseil d'administration- voir à cet égard, HOPT, Self-dealing, p. 294, nbp. 12, et surtout la réglementation très élaborée proposée par I'AMERICAN LAw INSTITUTE, pp. 245ss, notamment p. 247). Sur le plan de la prévention, il faut citer les art. 697 et 697a ss, tout en précisant que les conditions restrictives posées à l'exercice du droit au renseignements n'ont pas donné à cette disposition un effet préventif réel et que l'on ne sait pas encore si les nouvelles dispositions sur le contrôle spécial seront plus dissuasives; sur le plan de la sanction, il faut mentionner part les règles sur la lésion), les nouvelles règles des art. 678, al. 2, et 717, al. 2, ainsi que les règles sur la responsabilité des administrateurs.

l'administrateur (ou l'un de ses proches) est partie. Pour les autres décisions impli-quant un administrateur, celui-ci n'est en revanche pas tenu de s'abstenh·568

L'administrateur doit s'abstenir de participer aux décisions du conseil lorsque celles-ci concernent une affaire ou un procès de la société auxquels il est person-nellement partie569Il doit également s'abstenir dans les cas où la personne ou le groupement concernés par l'affaire ou le procès sont si proches de lui qu'il est aussi impliqué que s'il s'agissait de ses propres intérêts. Tel est notamment le cas lorsque l'affaire ou le procès concerne les familiers de l'administrateur qui sont énumérés à l'art. 68 CCS70Il en va de même lorsque l'un des actes mentionnés ci-dessus concerne une société de personnes dont l'administrateur est membre ou se rapporte à une personne morale à laquelle l'administrateur participe de ma-nière déterminante571 ou lorsqu'il agit en tant que représentant d'un tiers572 Commentant l'art. 68 CC, RIEMER relève avec raison que l'influence du membre de l'association intéressé peut être bien plus importante lors de la délibération que lors du vote lui-même et en déduit que le sociétaire ne saurait être autorisé à participer aux délibérations relatives aux affaires auxquelles il a un intérêt. Cet auteur réserve les cas dans lesquels la présence du sociétaire est nécessaire pendant tout ou partie de la délibération, soit notamment lorsqu'il faut assurer à un

568 Dans le même sens, concernant les élections, MATTHIESSEN, p. 211 (pour le droit allemand) et ATF 39 II 483 (concernant les associations). Selon RrnMER, ad art. 68 CC, no 15, les élections dans une association doivent être considérées comme des «Rechtsgeschiifte• visés par l'art. 68 CC, de sorte que les candidats à l'élection ne sont pas autorisés à participer à celle-ci.

569 C'est le cas lorsque l'administrateur est personnellement touché par l'un de ses actes ou lorsque ceux-ci concernent une société simple dont il fait partie (voir à cet égard les art. 543 et 544).

570 De l'avis de la doctrine majoritaire, il en va autrement dans le domaine de la décharge; dans cette hypothèse en effet, l'interdiction de vote ne touche pas les familiers de celui auquel il doit être donné décharge (voir à cet égard, SCHLEIFFER, pp. 226 à 228 et les références citées).

571 Ce principe est également admis par SCHLEIFFER, p. 221, sur la base d'une assimilation de la personne morale à l'administrateur, lorsqu'il s'agit de voter la décharge d'un administrateur.

Pour le droit de l'association, RrnMER, ad art. 68, no 8,justifie l'interdiction de vote de la personne morale par l'application de l'art. 2, al. 2, CC.

572 Cette extension se justifie parce que les principes applicables aux contrats avec soi-même valent également en cas de double représentation. Voir à ce sujet ci-dessus, pp. 148/149.

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sociétaire le droit d'être entendu

573

Ce point de vue doit également prévaloir pour

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